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Valoriser les coproduits de la méthanisation (3/4) : les promesses de la plasma-catalyse

La plasma-catalyse permet des économies d'échelle et d'énergie pour la méthanation et la méthanolation. Le produit de cette dernière réaction pourrait intéresser les agriculteurs méthaniseurs dont les installations sont éloignées des réseaux.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  G. Boillot-Defremont
Valoriser les coproduits de la méthanisation (3/4) : les promesses de la plasma-catalyse

La technologie de la plasma-catalyse a été développée en 2015 au sein des laboratoires de l'École nationale supérieure de chimie de Paris. La réactivité des molécules est augmentée sous l'effet du plasma, réduisant le volume de catalyseur nécessaire. Portée par la jeune pousse Energo, son industrialisation consiste à proposer plusieurs applications de valorisation des gaz en molécules d'intérêt, dont la méthanation et la méthanolation. Un premier démonstrateur de valorisation de CO2 en méthane a été installé en 2021 sur une unité de méthanisation basée dans l'Oise. En juillet 2022, l'entreprise a bénéficié pour ce démonstrateur d'une autorisation exceptionnelle de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour injecter du méthane de synthèse dans les réseaux. Un second démonstrateur valorisant du biogaz en biométhanol va être installé dans ses locaux. Une commercialisation de la solution est prévue à partir de 2025.

Avantages énergétiques de la plasma-catalyse

« La plasma-catalyse est une combinaison de technologies matures : celle du plasma - utilisée notamment dans le traitement de l'eau -, et la catalyse hétérogène - utilisée pour le raffinage et l'hydrotraitement des hydrocarbures », indique Marion Guillevic, chargée du développement pour Energo. À l'instar de son utilisation dans les process de potabilisation, le plasma dissocie les polluants contenus dans le gaz (azote, oxygène, COV, ammoniac) et « permet de simplifier le besoin de prétraitement en amont des réacteurs », complète-t-elle.

« La technologie est également plus résistante à la présence de sulfure d'hydrogène : un simple filtre à charbon actif à l'entrée du réacteur évite son encrassement », constate Marion Guillevic. Elle indique en outre que l'opération se fait « à pression atmosphérique et entre 200 et 300 °C », avec pour conséquence la diminution des coûts opératoires. La méthanation catalytique conventionnelle opère, quant à elle, à des températures allant jusqu'à 600 °C et à une pression de 40 bars.

Réutilisation de la chaleur issue de la méthanation et de la méthanolation

À partir de CO2 et d'hydrogène, la méthanation produit du méthane de synthèse et de l'eau, augmentant ainsi les rendements en méthane des unités de méthanisation. La réaction peut se faire aussi à partir d'un mélange de syngaz issu des procédés de gazéification. La méthanation est exothermique – c'est-à-dire génératrice de chaleur dans l'environnement extérieur. « Dans ce cadre, celle-ci peut être réutilisée au sein du site, par exemple pour générer de la vapeur ou encore réchauffer des intrants », indique Marion Guillevic.

La production de biométhanol à partir de biogaz (ou méthanolation) est une autre application de la technologie de plasma-catalyse. Elle commence par un reformage catalytique de biogaz pour convertir le mélange de méthane et CO2 en syngaz (mélange de CO et H2). La réaction de reformage est endothermique – c'est-à-dire qu'elle absorbe la chaleur de l'environnement extérieur. Puis le syngaz est transformé catalytiquement en biométhanol, grâce à une réaction exothermique. « La chaleur de la réaction de méthanolation pourra être utilisée (en boucle fermée) pour alimenter le reformage », souligne Marion Guillevic.

Perspectives d'industrialisation de la méthanolisation

Le marché du méthanol est en forte demande : la molécule est utilisée par l'industrie chimique, mais également identifiée comme vecteur de décarbonation future pour le transport maritime, avec un prix marché situé entre 1 000 et 1 200 euros la tonne. Pour Marion Guillevic, le biométhanol produit à partir de biogaz par la plasma-catalyse est très compétitif par rapport au e-methanol, produit à partir d'hydrogène et de CO2. Par ailleurs, si le e-methanol semble une option à étudier au vu de la nécessaire diversification du mix pour atteindre les objectifs nationaux, l'Ademe rappelle dans son étude « Electro-carburants en 2050 : quels besoins en électricité et en CO2 ? » qu'un déploiement raisonné des e-carburants est souhaité afin de ne pas pénaliser les autres secteurs en demande d'électricité pour se décarboner.

Le secteur de la méthanisation est, quant à lui, en plein développement. En témoignent des statistiques délivrées par l'observatoire du biogaz en France, indiquant que 8 régions sur 12 recensent plus de 75 unités de méthanisation, 3 autres de 25 à 49 et, enfin, une dernière moins de 25. Reste une tension entre l'offre et la demandenotamment en Île-de-France, causée par un éloignement entre les unités de méthanisation et les réseaux de transport du gaz. « Dans ce paysage d'une filière en pleine maturation, notre procédé de méthanolation par plasma-catalyse se destine aux unités en fin de contrat de cogénération ou à celles qui ne peuvent de toute façon pas injecter dans les réseaux », explique Marion Guillevic.

Une situation que Bertrand Duprat, agriculteur et vice-président de l'Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), connaît bien. Son département d'exercice, le Puy-de-Dôme (63), connaît une démographie assez faible. « Les réseaux de gaz arrivent très lentement jusqu'aux zones d'élevage. Et en cogénération, nous valorisons 35 % en électricité et entre 20 et 30 % en chaleur », relève-t-il. Les industries lourdes du territoire (fonderies, aluminium et laine de roche) ont une grosse demande énergétique. Mais le tarif du gaz à la sortie des unités de méthanisation reste supérieur à l'offre classique de gaz gris. « La valorisation du méthane en méthanol et en biométhanol s'insère dans un marché beaucoup plus intéressant pour les agriculteurs. »

Enfin, face au coût de raccordement quelquefois « rédhibitoire », selon Bertrand Duprat, la méthanolisation portée par Energo vient en concurrence avec les projets de gaz portés (compression du gaz et transport en camion). Avec néanmoins une densité énergétique en faveur de la méthanolisation d'un facteur 10, selon une analyse interne d'Energo. « S'il faut mettre un camion sur la route, autant ne pas le faire pour rien », conclut-il.

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