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AccueilTHIERRY BLONDELAvis d\'expert indépendantGestion sites et sols pollués : le projet d'arrêté ministériel en consultation publique fait débat

Gestion sites et sols pollués : le projet d'arrêté ministériel en consultation publique fait débat

Thierry Blondel, président de l’UCIE, dépose ici un constat amer sur le combat opposant le ministère et la filière SSP. Le nouvel arrêté proposé apparait bien en deçà des attentes et néglige les recommandations des professionnels de terrain.

Publié le 08/12/2021

Depuis ce vendredi 3 décembre 2021, la Direction générale de la prévention des risques du ministère de la Transition écologique, section du bureau du sol et du sous-sol (MTE-DGPR-B3S) a lancé une consultation publique[1] pour un projet d'arrêté ministériel définissant les modalités de la « certification dans le domaine des sites et sols pollués »[2] (certification SSP) en France, notamment pour la délivrance d'attestations définies par l'article 173 de la loi Alur de mars 2014[3] et l'article 57 de la loi Asap de décembre 2020[4].

Certification SSP, ATTES et norme X31-620

A la lecture de ce projet d'arrêté ministériel, il apparaît très dommage, voire dommageable autant pour les donneurs d'ordres que pour les prestataires, que le ministère ait manqué l'opportunité qui lui a été donnée - suite à la décision du Conseil d'État du 21 juillet 2021 d'annuler pour défaut de consensus au 1er mars 2022 à la fois la norme X31-620[5] et l'arrêté ministériel du 19 décembre 2018 - de revoir drastiquement et globalement le « système de certification SSP pour les attestations ATTES » en France : à savoir premièrement en le simplifiant et en l'adaptant au « monde réel » en le rendant plus « pratico-pragmatique », tout en permettant également à d'autres organismes certificateurs d'intervenir… autre que le seul Laboratoire national de métrologie et d’essai (LNE), dont le monopole devient de plus en plus inacceptable pour la profession SSP, notamment au regard du droit de la concurrence et compte-tenu des tarifs pratiqués par le LNE.

Complexification au lieu de simplification

Or au lieu de cela, avec ce projet d'arrêté ministériel « certification-ATTES », on assiste à une très forte augmentation et complexification des demandes administratives pour la certification des prestataires SSP dans le cadre des ATTES, et in fine pour toutes les prestations SSP réalisées en France, comme cela se constate de plus en plus depuis 2018…

Cette complexification apparaît en totale contradiction avec la teneur de l'article 57 de la loi Asap (Loi d'accélération et de simplification de l'action publique), qui pourtant indique bien que les attestations peuvent être délivrées par des bureaux d'études « certifiés ou disposant de compétences équivalentes » en SSP, termes d'ailleurs repris dans le décret du 19 août 2021[6].

On se rend ainsi compte que ce projet d'arrêté ministériel - par sa complexité et ses attendus « ciblés » issus en grande partie du référentiel LneSsp de 2017-2019[7] - vise à maintenir (voire à renforcer ?), le monopole du « seul organisme certificateur possible, adoubé et financé de 2009 à 2019 par des fond publics via le Ministère », à savoir le LNE, dont les abus de position dominante deviennent de plus en plus insupportables pour une grande partie des représentants de la profession SSP intervenant en France.

Lourdeurs administratives et technocratiques

Concernant l'analyse sur la forme, on ne peut que s'étonner de la lourdeur et de la complexité des contraintes administratives et technocratiques, proches de la schizophrénie ? , qui ressortent à la lecture de ce projet d'arrêté, notamment si l'on fait référence à l'intitulé de la loi Asap (d'accélération et de simplification de l'action publique), sur la base de laquelle sont notamment définies les « trois nouvelles ATTES » pour la cessation d'activité des installations classées protection de l’environnement (ICPE), comme le mentionne l’article 57 !

Il aurait par ailleurs été opportun voire utile - étant donné que cet arrêté ministériel « institutionnalise » in fine la certification des prestataires en Gestion SSP intervenant pour toutes les prestations en « études-assistance-contrôle et ingénierie des travaux de dépollution » (Domaines A et B : parties 2 et 3 de la norme X31-620, rendues obligatoires réglementairement par cet arrêté), et donc non seulement pour ATTES... -  d'introduire dans cet arrêté, comme cela était d'ailleurs demandé au ministère depuis plusieurs années par une bonne partie de la profession SSP, une période probatoire de un ou deux ans dans la procédure de certification des prestataires SSP, comme cela se fait pour de nombreuses reconnaissances professionnelles par ailleurs.

Il aurait également été très utile d'introduire dans cet arrêté, différents « niveaux de certification possibles selon les spécialités des prestataires » en référence aux codifications de la norme X31-620 Partie 2 de novembre 2021 – « Domaine A : études, assistance-contrôle ». Cela est également demandé de longue date par une bonne partie de la profession SSP en France, car cela existe ou est déjà en place dans plusieurs pays européens voisins de la France, en matière de Gestion SSP ou d’ « assainissement de sites pollués », d’autant plus que la partie 2 de cette norme devient ainsi que la partie 3 d'ailleurs d'application obligatoire par ce projet, en plus de la partie 1 et de la partie 5.

Bref, on ne peut qu'être très fortement déçu à la lecture de ce projet d'arrêté ministériel « certification ATTES », voire choqué par sa lourdeur ainsi que par sa complexité administrative et technocratique !

Une opportunité manquée par le Ministère de réviser objectivement et de manière pragmatique la certification SSP en France !

Cet arrêté, si publié en l'état, fera certainement l'objet de nombreuses démarches contentieuses à l'avenir, directes ou indirectes non seulement à cause de sa lourdeur et de sa complexité - en totale contradiction avec le fondement de la loi Asap - mais également du fait du désengagement « ainsi acté » de l'État dans son rôle régalien de contrôle des ICPE à cessation d'activité, et de « délégation de ce rôle régalien » à des « prestataires privés certifiés ». Cela accroîtra les risques de conflits d'intérêts et les risques sanitaires-environnementaux et en responsabilité associés, notamment par le fait que ces mêmes prestataires certifiés peuvent tout à fait légalement être « juges et parties » en « auto-attestant » la conformité réglementaire, normative et méthodologique des prestations qu’ils ont réalisées au préalable pour un même dossier traité par eux, et donc pour un même client.

La France devient donc ainsi le seul pays au monde à autoriser, réglementairement et légalement, un prestataire à être ou devenir « juge et partie » pour un même dossier et pour un même client, et cela pour des prestations en gestion de sites et sols pollués dont on connaît les potentiels risques sanitaires et environnementaux associés !

Par ailleurs les prestataires SSP ne pourront pas faire référence à d'éventuelles équivalences possibles à la certification SSP définie par ce projet, y compris pour les entreprises étrangères, européennes. Car, au regard de la teneur et surtout de la complexité des contraintes administratives et technocratiques introduites dans ce projet pour d' « éventuelles équivalences », il s’avère que dans les faits, ces « équivalences », ainsi définies, sont rendues inopérantes voire impossibles !

Par ce projet d'arrêté « certification – ATTES », l'État confirme sa volonté de « déléguer au privé sa responsabilité » en matière de suivi-contrôle des installations classées - ICPE, et plus généralement des problématiques de pollutions du sol, du sous-sol et de leur traitement, et cela également - pour rappel - en l'absence de loi sur les sols en France… ou peut-être justement « à cause » de cette absence de loi sur les sols ?

Il semble également – en analysant cette fois sur le fond - que ce projet d’arrêté ait été rédigé pour que seule une trentaine de prestataires en Gestion SSP puisse « survivre » ou perdurer en France d'ici 3 à 5 ans, notamment après quelques « regroupements » ou « absorptions », comme ceux constatés ces dernières années (ce qui, pour mémoire, avait d'ailleurs été proposé ou suggéré, dès 2010, par un ancien adjoint au chef du B3S-DGPR qui participait aux réunions d’un groupe de travail « règles de l'art », organisées avec une trentaine d'adhérents d'un syndicat de dépollueurs bien connu..). Cela aurait pour finalité d’ainsi permettre au ministère (DGPR-B3S) de mieux les « responsabiliser » et surtout de mieux les contrôler, du fait de leur relatif faible nombre, tout en empêchant par ailleurs la création de nouvelles structures et surtout en éliminant l'expertise indépendante en Gestion SSP en France.

Il est par ailleurs assez étonnant de constater que la partie 4 de la norme X31-620[8], qui concerne les prérogatives, les attendus et les codifications des travaux de dépollution, ne soit toujours pas rendue obligatoire par ce projet d’arrêté ministériel « certification – ATTES », alors que le décret du 19 août 2021 faisait bien référence à une « ATTES-travaux » !

Y aurait-il deux poids – deux mesures au sein des instances ministérielles pour ce qui concerne la considération des prestataires intervenant en Gestion des sites et sols pollués en France ? C’est-à-dire entre d’une part les prestataires spécialisés en « études-assistance-travaux-ingénierie » (dont les parties correspondantes de la norme X31-620 (parties 1, 2, 3 et 5) sont rendues d’application obligatoire par ce projet d’arrêté ministériel et la certification réglementaire), et d’autre part les prestataires réalisant les travaux de dépollution et de traitement (partie 4 de la norme X31-620, d’application non obligatoire : la certification SSP des entreprises de travaux reste ainsi volontaire…). Par ailleurs, rappelons que ce sont bien les travaux de dépollution qui sont les plus coûteux, qui présentent le plus de risques sanitaires et environnementaux, voire en responsabilité et en termes de possibles « conflits d’intérêts », et surtout qui sont les plus profitables en termes de marges et donc de bénéfices pour les entreprises qui les réalisent…

En fait, la lourdeur et la complexification à outrance de ce projet d'arrêté ministériel « certification-ATTES » semble également indiquer que le ministère-DGPR-B3S redoute dorénavant les experts et l'expertise indépendante en Gestion SSP en France, car ces derniers se révèlent être pour le ministère une source potentielle d'éventuels « problèmes de communication » voire de « possibles recours longs et pénibles »... notamment suite à des « remises en causes » de positions dogmatiques et de préjugés qui ont visiblement la vie dure chez certains collaborateurs de la DGPR, du moins chez ceux qui n'ont - hélas pour eux et pour la profession SSP - jamais, ou quasiment, pratiqué la Gestion SSP sur le terrain / dans le monde réel... 

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[1] NDLR : Site de la consultation publique : accès à la consultation 

[2] NDLR : Voir l’article sur le site d’Actu-environnement, Sites et sols pollués : les nouvelles modalités de certification en consultation :  accès à l'article

[3] NDLR : Article 173, loi ALUR 2014 : accès à l'article de loi

[4] NDLR : Article 57, loi ASAP, 2020 : accès à l'article de loi

[5] NDLR : Norme NF X31-620-1 : accès à la première partie de la norme. Les cinq parties de la norme sont consultables gratuitement sur le site de l’Afnor.

[6] NDLR : Décret n°2021-1096 du 19 août 2021 : accès au décret.  Voir aussi l’article de blog, Gestion des sites et sols pollués : UCIE prend position face au nouveau décret du 19 août 2021 de la loi Asap : accès à l'article.

[7] NDLR : Référentiel LNESSP : accès au référentiel.

[8] NDLR : Norme NF X31-620, partie 4 : accès au texte.

Article proposé par : THIERRY BLONDEL THIERRY BLONDEL président UCIE

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