
Les propriétés des nanomatériaux leur permettent de postuler à de très nombreux usages. Reste qu'il est très difficile de connaître précisément leur diffusion. Les autorités publiques prennent le problème en main.
La taille infinitésimale des nanoparticules leur confère des propriétés chimiques, électriques ou magnétiques qui modifient le comportement des matériaux. Ces matériaux révèlent ainsi de nouvelles qualités de résistance, de flexibilité ou d'adhérence. En cause ? Les règles de la physique quantique qui se substitueraient aux règles de la physique classique, lorsqu'on travaille la matière à l'échelle des atomes. La maîtrise croissante de ces matériaux innovants conduit nombres d'experts à leur prédire un avenir prometteur, comme ce fut le cas du développement phénoménal des microtechnologies qui les précèdent.
En une décennie, certains produits, tels que les nanotubes de carbone, sont sortis des laboratoires pour devenir des réalités industrielles et économiques. D'autres, tels que le nano-argent, connu et produit depuis plus d'un siècle, retrouve une nouvelle vie dans de très nombreux produits. Le marché "devrait croitre pour atteindre plusieurs centaines de milliards d'euros en 2015", estime la Commission européenne. En 2010, les américains de la National Nanotechnology Initiative (NNI) évaluaient le marché global à 251 milliards de dollars en 2009 et envisageaient qu'il atteigne 2.400 milliards en 2015.
Reste que ces estimations sont à considérer avec prudence, comme le souligne une note du Centre d'analyse stratégique (CAS) de novembre 2011 : "l'absence d'inventaire des industries produisant ou utilisant des nanotechnologies ainsi que l'absence de nomenclature internationale autorisant des comparaisons pertinentes incitent à une grande prudence face [aux] estimations [du marché mondial]". Effectivement, la comptabilité nationale ne distingue pas le secteur des nanotechnologies. Les nanomatériaux échappent donc aux nomenclatures et statistiques officielles.
Des nanos largement utilisées ?
De même, il est encore relativement difficile de connaître avec précision les produits incorporant des nanomatériaux. Tout au plus sait-on qu'ils sont déjà présents dans nos vies quotidiennes et qu'il ne s'agit probablement que d'un début.
Au-delà de cet inventaire à la Prévert, peu d'informations précises sont disponibles. En cause tout d'abord, l'absence de définition réglementaire avant 2011 qui rend difficile le contrôle publique ou la labellisation. Ensuite, les entreprises communiquent peu sur ce sujet, comme l'a montré une étude Novethic en 2010.
Les pouvoirs publics s'organisent
Dans ce contexte, et alors qu'elle travaillait à la définition règlementaire des nanomatériaux, la Commission européenne a fait réaliser une étude sur les inventaires de produits contenant des nanomatériaux. Le rapport rendu public en 2011 par la direction générale de l'Environnement, pointe les difficultés méthodologiques d'identification des produits et envisage la création d'une base de données européenne. Il présente aussi un état des lieux des rares inventaires disponibles, telle que celui du Bureau européen des unions de consommateurs (Beuc) qui recensait près de 500 produits en 2010 ou celui du Project on Emerging Nanotechnologies, considéré comme le plus abouti avec 1.300 produits listés en 2011.
Au-delà de ces inventaires de produits, les pouvoirs publics cherchent aussi à identifier les entreprises du secteur. En France, le ministère du Redressement productif a fait réaliser une étude sur les réalités industrielles dans le domaine des nanomatériaux. Elle recense 260 entreprises, pour plus de 60% des PME, principalement implantées en Ile-de-France et Rhône-Alpes.
Enfin, la France vient de mettre en place une déclaration des nanomatériaux et de leurs usages. En vigueur depuis le 1er janvier, cette obligation impose aux distributeurs, producteurs ou importateurs traitant plus de 100 grammes par an de déclarer les quantités et la nature des nanomatériaux avec lesquels ils travaillent. Un site dédié a été ouvert par le ministère de l'Ecologie et l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (Anses) pour réaliser cette première déclaration relative à l'année 2012.
Philippe Collet
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Retrouvez le dossier "Nanomatériaux : entre défis et précaution"
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