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"Sans procédure d'évaluation, l'Ansès n'aurait pas les moyens juridiques de contraindre les industriels"

Reach, 5 ans après Actu-Environnement.com - Publié le 04/06/2012

Chef de l'unité REACH-CLP à la direction des produits réglementés à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation de l'environnement et du travail, Henri Bastos revient pour Actu-environnement sur la procédure d'évaluation des substances.

Reach, 5 ans après  |    |  Chapitre 3 / 8
Environnement & Technique N°315 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°315
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Henri Bastos, Anses © Fcoutureau
 
   
Actu-environnement : Quel est l'objectif de l'évaluation des substances ?

Henri Bastos : Dans le cadre de l'enregistrement des substances, les industriels doivent fournir des informations proportionnelles au niveau de tonnage produit ou importé. L'agence européenne des produits chimiques (Echa) réalise un premier contrôle d'un certain nombre de ces dossiers afin de vérifier que l'industriel a répondu à ses obligations. La phase d'évaluation des substances qui peut suivre a pour objectif de lever un doute sur une substance. Certains dossiers peuvent en effet être jugés complets par l'Echa mais l'interprétation des données réalisée par les pouvoirs publics peut montrer des incertitudes quant aux dangers ou aux risques pour la santé et l'environnement. L'évaluation réalisée par les Etats membres de l'UE, l'Anses en France, doit donc clarifier ce doute.

Cette procédure donne surtout aux Etats les moyens de demander des informations complémentaires aux fabricants ou importateurs. S'il n'y avait pas cette procédure, l'Anses n'aurait pas les moyens juridiques de contraindre les industriels à produire des données complémentaires comme c'était le cas avant l'entrée en vigueur de Reach. La réglementation antérieure dépendait en effet de la bonne volonté des industriels à fournir ces informations puisque la charge de la preuve était du côté des autorités publiques.

AE : Quelles sont les substances concernées ?

HB : Sur la base de données des enregistrements, l'Echa et les Etats membres identifient des substances à inscrire à l'évaluation sur la base des risques potentiels de la substance. La liste de ces substances constitue le Plan glissant d'action communautaire d'évaluation des substances prioritaires ou Community Rolling Action Plan (CoRAP). Pour chaque substance on y précise l'Etat membre en charge de l'évaluation, le calendrier prévu et les doutes à lever. Le premier CoRAP a été publié le 28 février dernier. Il sera mis à jour tous les ans. Ainsi fin 2012 de nouvelles substances y seront ajoutées.

Les substances peuvent à l'inverse en être retirées si les industriels qui les fabriquent ou les importent mettent à jour les dossiers avant la publication du prochain CoRAP et clarifient les préoccupations soulignées par les Etats membres. Mais cela ne signifie pas qu'on arrête de s'intéresser à cette substance ou qu'on arrête de la réglementer ! Si les industriels apportent les informations qui nous manquent, on ne va pas s'engager dans le processus d'évaluation mais on va quand même pouvoir proposer des mesures pour maitriser les risques, s'ils sont avérés.

AE : Qu'en est-il de la France ?

HB : Selon le CoRAP, la France a 10 substances à évaluer sur la période 2012-2014. En 2012 par exemple, nous devons lever les incertitudes sur le tetrachlorure de carbone, le 1,3-diphenylguanidine et l'octocrilène. A partir du moment où le CoRAP est publié, l'évaluation débute. L'Anses a un an pour analyser le contenu du dossier et demander des informations complémentaires, si nécessaire. Elle doit rendre un projet de décision à l'Echa deux mois avant la fin du délai d'un an. Deux cas de figure sont possible : soit l'Agence est en mesure d'aboutir à une conclusion – le risque existe, ou au contraire, n'existe pas-, soit le doute persiste et l'Agence demande alors des informations complémentaires. L'industriel doit alors mettre à jour son dossier avant la date indiquée dans la décision avec ses informations. S'il ne le fait pas, il s'expose à des sanctions administratives et/ou pénales. S'il a mis à jour son dossier, l'état membre dispose d'un an maximum pour évaluer ces nouvelles informations. Au- delà de ce délai, l'évaluation est considérée comme étant terminée.

AE : Quels types d'informations demandez-vous aux fabricants ou importateurs ?

HB : Théoriquement, l'Anses peut demander à peu près ce qu'elle veut mais tout dépend de l'objectif visé. Elle peut demander par exemple une étude épidémiologique sur 20 ans mais en attendant la substance reste sur le marché. Il faut donc adapter la demande à l'objectif recherché et au contexte de la substance. Il faut par exemple choisir la voie d'exposition la plus appropriée : si une substance est utilisée en cosmétologie, la logique voudrait qu'on l'évalue par la voie cutanée. Si c'est une substance utilisée sous forme de poudre en milieu industriel il faut privilégier des tests par voie inhalatoire. L'enjeu réside aussi dans une meilleure compréhension des usages et des expositions.

AE : Vous pouvez demander des informations autant de fois que vous le souhaitez ?

HB : Ce règlement a donné une base juridique aux Etats membres pour demander des informations mais attention à ne pas tourner en rond ! Pour des substances controversées, les échanges pourraient durer des années car les réponses apportées par l'industriel pourraient soulever de nouvelles incertitudes. Avec le Bisphénol A, par exemple, le problème n'est pas le nombre d'études, mais leur qualité et l'interprétation qui en est faite. Par conséquent, la procédure d'évaluation n'est pas forcément appropriée pour de telles substances. Il faut être capable à un moment donné de rendre une décision qui soit proportionnelle aux risques pour la santé humaine ou l'environnement.

AE : A quels types de décisions peut aboutir l'évaluation ?

HB : Si la substance ne présente pas de risque, on s'arrête là. Si la substance présente un risque, malgré les mesures prises par l'industrie concernée, plusieurs outils sont disponibles dans le cadre de Reach (autorisation, restriction…) ou d'une autre réglementation communautaire pour gérer ces risques. A l'issue de l'évaluation, l'Anses doit produire un "Best Risk Management Option", autrement dit une analyse comparative des mesures de gestion existantes, et doit recommander la mesure la plus appropriée : celle qui va maximiser la protection du risque tout en tenant compte des impacts sur les différents acteurs (état, industrie, consommateurs ; etc.). Il s'agit en fait d'une étude d'impact de l'application des différentes mesures. C'est le ministère chargé de l'environnement, autorité compétente pour REACH, qui décide in fine de la procédure à appliquer.

Pour certaines substances, seuls certains usages posent problème. L'Anses peut donc recommander une restriction sur ces usages. Pour d'autres substances tous les usages posent problème, il faut donc envisager une interdiction totale de la substance. Pour certains usages, professionnels par exemple, il existe des réglementations sectorielles déjà en vigueur, on peut donc ne pas aller plus loin dans le cadre de Reach. Surtout si cela ne concerne que deux ou trois usines en Europe. La problématique étant plutôt liée à l'application, au niveau national, des règles en vigueur. Ca ne veut pas dire que le problème ne sera pas géré, il sera géré d'une autre manière.

AE: A qui revient la décision finale ?

HB : Les Etats membres via leurs agences sanitaires proposent leurs conclusions et la décision revient à la Commission européenne. Si par exemple, la France, sur recommandation de l'Anses, conclut que la mesure la plus appropriée pour gérer un risque est la restriction, l'Agence doit soumettre à l'Echa un dossier de restriction qui précise les risques et usages concernés, le libellé du texte qu'elle propose d'inscrire à l'annexe XVII - par exemple "interdit de mettre cette substance dans les articles à plus de x%"- et les impacts socio-économiques de cette mesure. On est obligé de tout démontrer ! L'Echa publie en ligne le dossier et le soumet à consultation publique durant 6 mois, puis à l'opinion de deux comités : le comité d'évaluation des risques, composé d'experts européens, qui se prononcera sur la partie évaluation des risques et le comité d'analyse socio-économique qui donnera son opinion sur les impacts probables de la mesure de restriction. Le tout est envoyé à la Commission européenne qui prend une décision en comitologie avec les Etats membres. Entre la proposition de l'Anses et la restriction finale, le texte peut être modifié. Au total, la procédure peut durer 18 mois après le dépôt du dossier. Résultat : entre la mise en route de l'évaluation et la décision finale il peut se passer entre 3 et 4 ans.

Propos recueillis par Florence Roussel

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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