Le 30 mai dernier, le ministère de l'Ecologie et du Développement durable a publié comme chaque année les résultats des mesures de dioxines et de furannes à la sortie des cheminées des usines d'incinération d'ordures ménagères (UIOM) en France. Alors que le bilan des incinérateurs s'était amélioré entre 2002 et 2003 (flux total de 210g en 2002 et 100g en 2003), il s'est dégradé en 2004 avec un flux total de 170g dont environ 50g émis par le seul incinérateur défectueux de Gien.
En août 2004, un prélèvement indiquait que l'incinérateur émettait 221 nanogrammes de dioxine par Normaux Mètre Cube (NM3) d'air rejeté (Résultat en ng I-TEQ/m3 à 11% O2) soit un taux 2.210 fois supérieur à la norme. Pire, en janvier 2005, un autre prélèvement* indiquait que l'incinérateur émettait 680 ng/Nm3 alors que la valeur limite d'émission fixée dans l'arrêté du 20/09/2002 qui deviendra obligatoire le 28/12/2005 est de 0,1 ng/Nm3. Le dépassement des valeurs limites d'émissions de plusieurs polluants atmosphériques (CO, HCl et dioxines) a conduit à l'arrêt de la ligne 2 de l'unité depuis le 24 janvier 2005 et à différents arrêts techniques de la ligne 1, notamment en avril 2005.
Fianlement, c'est un délai désespérément long qui aura été nécessaire arrêter la ligne d'incinération défectueuse. Pourtant les responsables se défendent d'avoir laissé traîné et évoquent les délais importants pour obtenir, voire contre expertiser les résultats des analyses des prélèvements…
Au total, sur l'année 2004, l'usine de Gien a rejeté près de 50 grammes de dioxine dans l'atmosphère, soit un tiers des rejets produits par les 130 usines d'incinération françaises.
L'Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) qui a fait le point sur ces résultats le 2 juin dernier, a constaté un très grand écart entre les concentrations très élevées en dioxines mesurées à la cheminée lors du pic d'émissions observé sur l'usine de Gien et les valeurs qui restent relativement proches du « bruit de fond » dans l'environnement immédiat de l'unité. Cet écart est vraisemblablement le fait que les dioxines, qui sont majoritairement émises sous forme gazeuse et non particulaire à la cheminée, ne vont pas retomber dans l'environnement immédiat de l'unité mais au contraire se disperser dans l'atmosphère et participer à la pollution atmosphérique globale, explique l'ADEME.
La principale source de contamination pour l'homme étant d'origine alimentaire, du lait issu de vaches des alentours a été analysé en Avril et les résultats ont montré qu'ils contenaient jusqu'à 1,5 picogramme de dioxine par gramme de matière grasse (pg/g), la norme européenne se situant à 3 pg/g. En 2001, après des fuites encore plus considérables à l'incinérateur de Gilly-sur-Isère (Savoie), 6.875 animaux avaient été abattus et la vente de lait interdite.
Pour l'ADEME, le problème rencontré par l'unité de Gien relève d'un incident lié à une application technologique nouvelle mais ne remet pas en cause les technologies éprouvées de combustion utilisées pour l'incinération des déchets ménagers tant pour les installations existantes qu'en projet.
L'ADEME précise toutefois que ce problème met cependant en évidence pour tous les incinérateurs aujourd'hui en fonctionnement, quelle que soit leur technologie de combustion, la nécessité de suivre non seulement les émissions de polluants à la cheminée de l'installation mais aussi leur impact réel sur l'environnement.
L'incinérateur de déchets ménagers à lit fluidisé de Gien a été mis en service fin 1999. Cette unité fait l'objet depuis début 2004 (arrêté préfectoral du 6 février 2004) d'un programme particulier de surveillance de l'impact de l'installation sur son voisinage, en termes de polluants atmosphériques à l'émission, d'analyses des retombées de dioxines et métaux lourds sur 8 points de contrôle et enfin d'analyses de dioxines dans le lait des élevages situés à proximité.
La combustion en lit fluidisé est une technique éprouvée sur le charbon ou sur certains déchets homogènes (boues de station d'épuration, farines). Son application au traitement des ordures ménagères est encore récente et sujette à polémique. En France, on compte 4 unités utilisant la technologie en lit fluidisé dont la construction a débuté entre 1995 et 1997, selon deux variantes : four à lit fluidisé rotatif ABT/Lurgi (Gien-45 et Mulhouse-68) et four à lit fluidisé dense TMC (Guerville-78 et Monthyon-77). Aucun n'a encore posé de problème d'une telle importance que celui de Gien.
*Les résultats du programme de surveillance des émissions atmosphériques ont fait apparaître en janvier 2005 un pic de pollution significative sur certains polluants avec les valeurs suivantes :
- Sur la ligne d'incinération n°2, le 19 janvier 2005 :
* CO : 1874,9 mg/Nm3, la valeur limite étant de 50 mg/Nm3 fixée dans l'arrêté du
15/12/1995
* Dioxines : 680 ng/Nm3 de fumées, la valeur limite d'émission étant de 0,1 ng/Nm3 fixée dans l'arrêté du 20/09/2002 qui deviendra obligatoire le 28/12/2005. Le rapport d'analyses montre que les dioxines sont majoritairement émises sous forme gazeuse et minoritairement sous forme particulaire.
- Sur la ligne d'incinération n°1, le 18 janvier 2005 :
* CO : 178,8 mg/Nm3, la valeur limite étant de 50 mg/Nm3 fixée dans l'arrêté du 15/12/1995
* HCl : 112,4 mg/Nm3, la valeur limite étant de 10 mg/Nm3 fixée dans l'arrêté du 15/12/1995
* Dioxines : 30,8 ng/Nm3 de fumées, la valeur limite d'émission étant de 0,1 ng/Nm3 fixée dans l'arrêté du 20/09/2002 qui deviendra obligatoire le 28/12/2005.
Le flux est calculé, à partir de la concentration mesurée, sur la base d'un débit de fumées de 5800 m3 par tonne d'ordures ménagères incinérée et d'un fonctionnement de 7500 h par an.