Soumis au principe du pollueur-payeur, ou REP (pour responsabilité élargie du producteur), les peintures et les enduits font l'objet d'une collecte séparée une fois arrivés en fin de vie, comme tous produits de la filière des déchets diffus spécifiques (DDS), à savoir tous ceux contenant une ou plusieurs molécules chimiques, qui ne sont certes pas considérés comme dangereux, mais peuvent constituer un risque pour la santé et/ou l'environnement (1) .
Néanmoins, alors même qu'ils faisaient l'objet d'une collecte séparée, ces déchets étaient incinérés... jusqu'à ce qu'EcoDDS et quelques autres (2) s'attèlent à la tâche de séparer les restes de peinture et d'enduits acryliques de leur contenant en métal ou en plastique. Et ouvrent la voie à de nouveaux modes de valorisation.
Le nouvel Éco-pôle du groupe Excoffier Recyclage
En construction depuis 2016, l'Éco-pôle de Chêne-en-Semine (74) est opérationnel depuis début 2022. Installé sur une parcelle de 7 hectares, au bord de l'A40, ce nouveau site accueille plusieurs activités : « Un peu de DIB, explique Valentin Lamy, directeur d'exploitation, et une petite activité de déchets inertes récupérés en déchèteries ». Surtout, il héberge un centre de tri qui, début 2023, traitera les emballages ménagers d'un million d'habitants. Dans le cadre d'un appel d'offres remporté début 2022 auprès d'un groupement de collectivités locales, l'Éco-pôle déploie aussi une activité de tri et de regroupement des déchets dangereux (DD) des ménages. Enfin, en partenariat avec EcoDDS, il participe à la valorisation matière des vieux pots de peinture et d'enduits, grâce à un déconditionneur installé en juin 2022.
Un partenariat inhabituel
La machine a été achetée entre 500 000 et 600 000 euros par l'éco-organisme auprès de la société britannique Atritor Limited. Jugeant au départ un peu « risquée » l'idée de ce déconditionneur, Excoffier Recyclage a de son côté investi dans l'environnement de la machine – bâtiments, outillage (tapis de tri, overband), etc. Un « co-investissement peu habituel », reconnaît Valentin Lamy, directeur d'exploitation, mais qui ne suscite « aucun regret ». Mieux, Valentin Lamy évoque « un état d'esprit commun intéressant (...), en dehors de la relation classique client-fournisseur », avec des ingénieurs qui, chez EcoDDS « ont vite compris les problématiques d'exploitation. On fait notre métier, poursuit le directeur d'exploitation. On met en place des outils industriels pour gérer les déchets et aller dans le sens d'un meilleur recyclage ».
Du béton, les pâteux ?
À la fin du process, qui ne nécessite pas l'ajout d'eau, trois fractions, métallique, pâteuse et plastique, sont récupérées. La fraction métallique est traitée par Excoffier Recyclage avec les autres déchets ferreux que prend en charge la société. Quant aux pâteux, le recycleur savoyard les utilise pour réduire le PCI d'une partie des refus de tri industriels qu'il envoie à l'incinération. EcoDDS continue de travailler sur d'autres pistes de valorisation pour la fraction pâteuse : la plus prometteuse, à ce jour, est son intégration dans le béton. Des tests grandeur nature sont d'ailleurs menés depuis la fin de l'été 2022 sur des bétons structurels avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) : l'objectif serait d'utiliser les entraîneurs d'air présents dans les déchets de peinture en remplacement de ceux apportés dans les adjuvants traditionnels, très coûteux (3) .
Pour sa part, la fraction plastique (polypropylène) est broyée et extrudée sous la forme de granulés par la start-up Cycl'Add, basée dans l'Ain. Cette nouvelle matière première est ensuite confiée à la PME Rovip, spécialisée dans l'injection, qui l'utilise pour fabriquer des caisses homologuées ADR pour le transport de marchandises dangereuses. Ces caisses servent à la collecte des déchets chez les partenaires et prestataires d'EcoDDS.
Prochaine étape : l'automatisation du tri
En amont de ce procédé unique en France, « et dans le monde », affirme Pierre Charlemagne, directeur général de l'éco-organisme depuis 2013, se trouve le tri d'un gisement qui, pour l'ensemble des 78 lignes de produits couvertes par EcoDDS, a été estimé, pour 2022, à quelque 40 000 tonnes, dont 27 000 tonnes de pâteux acryliques et 18 320 tonnes potentiellement extrayables. L'idée est d'isoler ces résidus pâteux acryliques, car ils ne sont pas considérés comme des déchets dangereux, contrairement à d'autres produits de la filière DDS.
Aujourd'hui, ce travail de tri est réalisé manuellement par des opérateurs. L'éco-organisme a néanmoins lancé des travaux pour l'automatiser. Ils ont abouti à l'élaboration d'un prototype de caisson équipé de quatre caméras qui, couplées à un système d'intelligence artificielle et de deep learning, doivent être capables d'analyser toutes les informations figurant sur les pots. Les premiers tests montrent « un très bon taux de reconnaissance », avec une analyse des pictogrammes « en une seconde et demie », se félicite Pierre Charlemagne, qui se dit « très confiant » quant à la suite du projet. L'installation du prototype sur le terrain est d'ailleurs annoncée « pour l'été 2023 », avec un déploiement qui se précisera en fin d'année.