Par un jugement du 19 février 2019, le Tribunal administratif de Basse-Terre a annulé les arrêtés du préfet de la Guadeloupe autorisant la chasse d'une espèce menacée en se fondant sur le principe de précaution.
"Compte tenu des connaissances scientifiques actuelles, la chasse du pigeon à couronne blanche en Guadeloupe et à Saint-Martin apparaît susceptible de menacer gravement le maintien de l'espèce sur ces territoires. Par suite, en autorisant cette chasse (…), le préfet de la Guadeloupe (…) a commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'application du principe de précaution", indique le jugement.
Le pigeon à couronne blanche est une espèce endémique du bassin caribéen. Elle est classée "quasi-menacée" sur la liste mondiale et "en danger" sur la liste régionale pour la Guadeloupe de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). La chasse est identifiée par les experts de cette organisation comme l'une des principales menaces pesant sur cette espèce. "Si un plan de gestion a été instauré et que le préfet a fixé un quota global à 1.500 spécimens et une limite de trois oiseaux par chasseur pour la saison de chasse 2018/2019, ce quota n'est fondé sur aucune étude de la dynamique des populations, notamment après le passage des ouragans Irma et Maria en 2017", indique le jugement, et ce, même si les arrêtés ont pris partiellement en compte les périodes de reproduction de l'espèce.
"C'est à ma connaissance, la première fois qu'un juge administratif applique le principe de précaution en faveur de la protection d'une espèce", commente Julien Bétaille, maître de conférence à l'Université Toulouse 1 Capitole. L'intérêt est qu'ici, contrairement au cas de la chasse à la glu tranché par le Conseil d'Etat en décembre 2018, la faiblesse des connaissances ne joue pas au détriment de l'espèce mais en faveur de sa protection".
Le principe de précaution est contenu dans l'article 5 de la Charte de l'environnement qui a valeur constitutionnelle. Ce dernier prévoit que "lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage".