Même si le transport maritime est plus efficace que le terrestre ou l'aérien en termes d'émissions par tonne-kilomètre de marchandises transportées, il est tout de même responsable de près de 3 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). Selon différents scénarios, ces émissions qui ne font pas encore l'objet d'une réglementation, pourraient même augmenter de 150 à 250 % d'ici 2050 si rien est entrepris. Quelques actions ont été mises en place, mais des décisions fortes sont nécessaires pour se rapprocher des objectifs de réduction.
25 dollars la tonne de CO2
Conscients de cette problématique, WWF et la confédération internationale Oxfam ont publié, le 8 septembre, les conclusions de leur étude sur le transport maritime mondial. Dans ce rapport, ils veulent soumettre ce secteur à une nouvelle réglementation qui imposerait une taxe sur les émissions de navires ainsi que des objectifs d'émissions. Préconisé à un montant de 25 dollars américains par tonne de CO2, le « prix du carbone » pourrait apporter des réductions significatives en GES. "La définition d'un prix du carbone pour les navires – même à un niveau modéré – constitue un signal on ne peut plus clair à l'intention des armateurs et opérateurs leur indiquant qu'ils doivent internaliser les coûts du carbone aussi bien dans la conception que dans l'exploitation de leurs navires", souligne ce rapport.
En fixant le prix à 25 dollars la tonne et en estimant les émissions totales du transport maritime à 1,05 gigatonnes, cette taxe engendrait plus de 25 milliards de dollars de recettes. Mais, elle augmenterait le coût du transport d'à peine 0,2 %, soit 2 dollars pour chaque transaction de 1.000 dollars.
La mise en place du « prix du carbone » à 25 dollars la tonne obligerait les professionnels du secteur à mieux réfléchir à leur trajets maritimes mais également à mieux équiper leurs navires afin de réduire au maximum leurs émissions. De plus, l'argent générée par cette taxe permettra d'être "cohérent avec le principe du Common but Differentiated Responsibilities (CBDR), selon lequel les pays développés doivent être à la tête du combat contre changements climatiques, les pays en développement ne doivent pas faire face à des coûts nets consécutifs à ces initiatives".
Le rapport stipule donc que les pays en développement recevront une contrepartie financière pour compenser les impacts négatifs que ce système pourrait avoir sur leurs économies. Les travaux de WWF et d'Oxfam estimant que ces pays seront principalement affectés par des coûts d'importation plus élevés, ils proposent que la part des recettes prélevées soit proportionnelle au pourcentage de la part des importations mondiales par voie maritime. Sur les 25 milliards de dollars prévus en 2020, près de 10 milliards seraient affectés à ces pays en développement. Le Bangladesh pourrait ainsi toucher près de 40 millions de dollars par an alors que l'Afrique du Sud, jusqu'à 200 millions de dollars.
Par ailleurs, une partie équivalente de l'argent obtenu par cette taxe pourrait être utilisé pour alimenter le Fonds vert pour le climat (GCF). Cette solution permettrait aux gouvernements des pays riches de remplir leur engagement pris à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Cancun. Plus de 10 milliards de dollars pourraient donc être reversés sur ce fonds chaque année, soit un dixième du budget annuel espéré et nécessaire.
"Une plus petite part devrait rester dans le secteur maritime pour être dépensée dans le domaine de la recherche et du développement pour un transport maritime plus propre", ajoute également WWF dans son rapport.
Des répercussions possibles mais faibles
La mise en place d'un « prix du carbone » à 25 dollars la tonne risque toutefois d'avoir quelques répercussions. Au niveau des tendances mondiales du commerce, l'instauration est susceptible d'avoir un impact marginal. Menées par l'OMI, des études ont supposé qu' « un prix du carbone » augmenterait le prix des carburants de soute d'environ 10 %. Un pourcentage assez faible comparé aux fluctuations des prix du carburant au cours de la dernière décennie.
En outre, cette taxe pourrait aussi avoir des conséquences sur les denrées alimentaires importées. Mais selon Oxfam qui estime que le prix des produits agricoles va doubler d'ici 2030, la moitié de cette augmentation sera causée par les changements climatiques. "Or, les émissions de navires non plafonnées sont susceptibles d'avoir un impact plus important sur les prix alimentaires qu'un « prix du carbone » sur le transport maritime", précise la confédération.
Cette proposition d'accord de WWF et d'Oxfam a déjà été remise à l'OMI et sera l'un des enjeux majeurs du prochain sommet du G20 à Cannes, les 3 et 4 novembre. Ce « Prix du carbone » sera ensuite étudié au sommet sur le climat début décembre à Durban. En outre, la France et l'Allemagne ont déjà appelé à l'application d'un tel système et au reversement des recettes à titre de compensation pour les pays en développement ainsi que pour le GCF.