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Actu-Environnement

Adaptation au changement climatique : « L'avenir des territoires est entre leurs mains »

La question de l'adaptation au changement climatique commence progressivement à s'installer dans le débat public. Une évolution qui doit encore être soutenue et accompagnée, selon Robert Bellini, de l'Ademe.

Interview  |  Gouvernance  |    |  N. Gorbatko
   
Adaptation au changement climatique : « L'avenir des territoires est entre leurs mains »
Robert Bellini
Directeur adjoint adaptation, aménagement et transition bas carbone à l’Ademe
   

Actu-Environnement : L'adaptation au changement est longtemps restée le parent pauvre des politiques climatiques. Comment l'expliquez-vous ?

Robert Bellini : En réalité, la première Stratégie française d'adaptation au changement climatique date de 2006 et le premier plan national de 2011. Certaines grandes collectivités locales ont également commencé à intégrer cette notion dans leur plan climat-air-énergie territorial (PCAET) à partir de 2015. Mais, jusqu'il y a peu, le sujet restait globalement absent des débats. Sans doute parce qu'il fallait déjà commencer par expliquer au public pourquoi il était nécessaire de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Par ailleurs, on a tendance à ne pas traiter les problèmes complexes et futurs qui se situent au-delà de notre champ de vision. C'est ce que Mark Carney, gouverneur de la Banque d'Angleterre, a appelé « la tragédie de l'horizon ».

AE : Pourquoi les choses ont-elles commencé à évoluer ?

RB : La canicule de 2003, la tempête de 2009, les crises à répétition à partir de 2017, puis les événements extrêmes de 2021 et surtout de 2022 – inondations, sécheresses, incendies… – ont occupé l'espace médiatique et ont constitué autant d'éléments déclencheurs. Par ses apports réglementaires, dans le domaine littoral notamment, la loi Climat et résilience a aussi permis d'alerter et d'intéresser le public à la question. Mais, concrètement, le pays est très loin d'être prêt.

AE : Quels sont les freins à lever ?

RB : Le premier d'entre eux est d'ordre culturel. Les temporalités du changement climatique, ses liens avec la biodiversité, le rôle des sols, la question des limites planétaires… Tout cela n'est pas encore intégré : ni par la majorité des collectivités locales, ni par la plupart des entreprises, malgré les alertes du Forum économique mondial sur les risques liés aux dérèglements climatiques. Or la culture de l'environnement, trans-disciplinaire et ouverte à la complexité, est indispensable pour mettre en œuvre une politique d'adaptation efficace. Afin de la développer, l'Ademe soutient la recherche dans ce domaine. Certaines collectivités ont également désigné des chargés de mission spécialisés dans la sensibilisation des publics à cette question. Quant aux entreprises, elles sont encore en retard, mais nous enregistrons une demande croissante d'accompagnement de leur part sur ce sujet.

La fragmentation des politiques, en général, et des politiques publiques, en particulier, constitue un autre frein. Voirie, espaces verts, énergie… Chacun s'occupe de ses dossiers en silo. À ce titre, le comité de pilotage ministériel installé le 23 février dernier par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, est un bon signal de la prise en compte de la transversalité du sujet, notamment dans la perspective de la rédaction du nouveau Plan national d'adaptation au changement climatique. Sous la houlette de la direction générale de l'Énergie et du Climat (DGEC), les différents ministères seront ainsi sollicités et responsabilisés aux enjeux de cette problématique.

AE : La prise de conscience va-t-elle s'accélérer ?

RB : En effet. La commission spécialisée du Conseil national de la transition écologique (CNTE) avait recommandé de donner des températures de référence aux horizons 2030 et 2050. Le ministre de la Transition écologique l'a suivie en annonçant la nécessité de se préparer à + 4 °C. Au-delà de la formule propre à marquer les esprits, la réglementation s'alignera sur cette nouvelle référence et cela activera sa prise en compte dans l'ensemble des prochaines politiques publiques et privées.
En parallèle, certaines régions, encore trop rares, tentent de mettre en place des dynamiques collectives. En Bourgogne-Franche-Comté, par exemple, neuf organismes – services de l'État, Région, Ademe, Office français de la biodiversité, agences de l'eau, agence régionale de santé… – se sont mis autour d'une table pour définir les grands enjeux et les priorités du territoire en matière d'adaptation, mais aussi les synergies existantes, les actions à mettre en œuvre, par qui et avec quels financements. Il est important de bénéficier de cette vision large : pour l'eau, les forêts, les filières agricoles… Un agriculteur qui modifie ses cultures ou pratiques a besoin que l'ensemble de sa filière bouge et assure la soutenabilité économique de sa production.

AE : Pourquoi l'Ademe s'est-elle dotée d'une direction transverse sur l'adaptation au changement climatique, l'aménagement et les trajectoires bas carbone ?

RB : L'objectif était d'abord de donner un coup de projecteur sur le sujet, de faire dialoguer tous nos services pour travailler sur la stratégie globale présentée en février dernier. Pour nous aussi, il est désormais nécessaire d'intégrer cette préoccupation à chacune des thématiques traitées par l'Agence : bâtiment, énergie, transports… Car elle change la manière d'aborder les stratégies, les technologies, les performances.
La nouvelle direction se consacre également à la construction de méthodes fiables, déclinées par territoire et par secteur, comme la démarche TACCT pour les collectivités ou le référentiel ACT adaptation pour les entreprises. Grâce à ces outils et ses nombreux partenariats – comme avec l'Office français de la biodiversité, les agences de l'eau ou la Banque des territoires –, elle peut s'efforcer de mobiliser les différents acteurs et de les accompagner dans le développement de trajectoires, sur la base de différentes temporalités : les Régions, en tant que cheffes de file de l'adaptation territoriale, les autres collectivités, les filières agricoles comme celles du lait ou des pommes, les entreprises... L'Ademe travaille par ailleurs à mettre en évidence les retours d'expérience, de montrer à chaque acteur ce qu'il est possible de mettre en œuvre, tout en s'appuyant sur les écosystèmes et la biodiversité.

AE : Quel bilan tirez-vous de toutes ces initiatives ?

RB : Même si le constat de départ sur le manque de préparation du pays est un peu alarmant, même s'il reste beaucoup de lignes à faire bouger, même si c'est compliqué, nous sommes positifs. En effet, l'avenir des acteurs est entre leur mains et ils peuvent en avoir la maîtrise. L'organisation qui sera mise en place face aux changements climatiques sera celle qu'ils auront choisie. Et les retours d'expérience montrent qu'avec une stratégie partagée et un collectif coordonné, on réussit à avancer sur le chemin d'une adaptation effective au changement climatique.

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