Au moment où le débat fait rage sur ce que recouvre la notion de protection forte, le tribunal administratif de la Guadeloupe ajoute sa pierre au débat. Par un jugement du 1er juin 2022, il a annulé l'arrêté de la directrice du Parc national qui définissait les modalités de délivrance des autorisations d'activités commerciales dans les espaces maritimes en cœur de parc.
Cet arrêté portait sur les sites des îles Pigeon et du Grand-Cul-de-Sac. Plusieurs professionnels du tourisme et des activités nautiques exerçant dans ces zones l'avaient attaqué car ils s'estimaient lésés. En décembre dernier, ils avaient déjà obtenu en référé la suspension d'une disposition de l'arrêté qui interdisait aux plongeurs l'usage de toutes palmes supérieures à 45 cm et de tout éclairage artificiel de jour.
Le tribunal annule donc la totalité de l'arrêté après avoir invalidé un grand nombre de ses dispositions, estimant que la directrice du parc avait excédé ses pouvoirs de police spéciale. Les dispositions incriminées prévoyaient une autorisation du parc en cas de cession d'une activité commerciale existante, une phase d'instruction des demandes d'autorisation seulement deux fois par an et une durée d'instruction de trois mois sans assortir ce délai de conséquences. Elles prévoyaient également un audit des activités réglementées, ainsi que des formations obligatoires pour les encadrants et les représentants légaux des sociétés commerciales, assorties d'un contrôle des connaissances à l'issue des deux périodes de formation prévues chaque année. L'arrêté imposait aussi l'obligation pour les plongeurs de porter un brassard d'identification et interdisait les prises de vues et de sons.
Par un communiqué daté du 9 juin, le Parc annonce faire appel de la décision. « Depuis sa création en 1989, le Parc national veille sur ses cœurs reconnus à l'échelle mondiale comme "hot spot de biodiversité". Avec l'évolution de la réglementation en 2009, la préservation des îlets Pigeon, cœur de parc marin, est un enjeu majeur pour l'archipel guadeloupéen. L'objectif du Parc vise à maintenir le caractère exceptionnel de ce patrimoine naturel commun où s'exercent de nombreuses activités économiques et de loisirs. Cela exige d'encadrer ces pratiques de manière raisonnée et équilibrée », explique le gestionnaire du parc. Par une décision du 15 novembre 2021, le Conseil d'État avait précisé les pouvoirs de police spéciale du directeur du Parc de la Guadeloupe. Il avait indiqué que relevait de cette police la modification d'un arrêté autorisant une société à pratiquer des activités de loisirs dans le cœur marin du parc, en vue d'encadrer plus strictement ces activités.