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Actu-Environnement

“Aujourd'hui, on manque de clarté sur l'ensemble des chaînes énergétiques”

Expert de l'énergie, président de l'association négaWatt, Thierry Salomon rappelle les origines et la vocation de la contribution climat-énergie, dont la taxe carbone, récemment rejetée par le Conseil constitutionnel, n'est qu'une version restreinte.

Interview  |  Energie  |    |  A. Sinaï
   
“Aujourd'hui, on manque de clarté sur l'ensemble des chaînes énergétiques”
Thierry Salomon
Président de l’association négaWatt
   
Actu-Environnement : La taxe carbone est née du Grenelle de l'environnement, auquel vous avez participé en tant qu'expert de l'énergie. Quel était l'esprit de la proposition initiale ?
Thierry Salomon :
La proposition initiale n'était pas une taxe carbone. Il s'agissait, au départ, d'une contribution - et non d'une taxe - car contribuer à préparer notre avenir énergétique n'est pas taxer. Cette contribution ne portait pas seulement sur le carbone, mais sur l'énergie et le climat, il faut insister sur ces deux termes. L'énergie d'abord, car une grande partie des problèmes climatiques sont énergétiques, et parce que l'énergie se raréfie : il s'agissait donc d'introduire une vraie réflexion sur les ressources primaires et la raréfaction physique des énergies fossiles (peak oil), et de faire en sorte de passer d'une société dans laquelle on fait des ponctions sur les stocks à une société qui doit s'organiser autour des seuls flux énergétiques, à partir des revenus de la nature et du soleil. Le deuxième terme portait sur le climat et pas seulement sur le carbone, car au-delà du gaz carbonique, c'est sur l'ensemble des gaz à effet de serre - dont les oxydes nitreux et méthane - qu'il faut intervenir.

AE : Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné dans la proposition finalement retenue par le gouvernement ?
TS :
Au final, une vision trop « monocarbonée » : en ne regardant que les aspects carbone, en oubliant l'énergie et les autres GES, la taxe s'est penchée uniquement sur les problématiques d'émission de CO2, ce qui en a fait une taxe assez pauvre par rapport à l'esprit initial. Du coup, on a perdu de vue la nécessité d'une recomposition beaucoup plus cohérente de la fiscalité. La fiscalité actuelle, historiquement liée aux Trente Glorieuses, a servi à soutenir le développement de l'industrie et les échanges : par exemple, à développer l'aviation civile après la deuxième guerre mondiale par la détaxation du kérosène. Il y a eu ensuite des volontés successives de soutenir certains secteurs économiques. Toutes ces politiques se sont exprimées au travers du levier fiscal. Au final, on hérite d'un empilement historique de taxes, qui reflète l'histoire économique des soixante dernières années et non ce qu'il faudrait faire pour répondre aux défis de notre époque et pour anticiper les décennies à venir.

AE : Quels pourraient être les éléments et les principes d'une fiscalité énergétique opérante ?
TS :
Il faut élaborer une fiscalité à la fois de court terme et de long terme. La fiscalité de court terme permet des réorientations rapides par rapport à des choix immédiats. Exemple : le bonus – malus écologique, qui a montré son efficacité. Dans ce sens, il est judicieux de recourir à une fiscalité rapide, limitée dans le temps, très incitative, pour réorienter les achats vers des produits de moindre consommation énergétique, depuis la télévision jusqu'aux voitures. La bonne fiscalité mêle la carotte et le bâton, elle n'est donc pas uniquement punitive. Elle consiste à introduire une externalité négative ou positive dans le prix du produit.
Quant à la fiscalité de long terme, elle porte sur les grands choix sociétaux que sont des choix d'aménagement, immobiliers, industriels. Il faut, dans ces choix et dans les gammes de produits qui en résultent, que les impacts environnementaux aient un poids de plus en plus important, au travers notamment de la contribution énergie-climat. Avec un signal fort et progressif, qui traduise une réorientation historique de la fiscalité. Notre préoccupation aujourd'hui, ce n'est plus de développer le transport aérien, c'est de le limiter, ce n'est plus le tout voiture, mais la bascule vers les transports en commun.
La fiscalité est là pour organiser cette bascule dans une logique de long terme, assise sur toutes les énergies non renouvelables, y compris l'électricité, avec des taux différents selon la nature de l'énergie utilisée, selon la pression environnementale sur les stocks. Il s'agit bien d'une contribution fiscale sur l'énergie primaire. Son produit sera majoritairement reversé à un fonds public pour les filières renouvelables et pour la construction et la rénovation écologique. Une partie de la recette servira également à soulager les ménages modestes et ceux qui se trouvent en situation de précarité énergétique. Cette contribution climat-énergie doit être modulée en fonction des impacts environnementaux. Chaque facture énergétique aura une contribution climat-énergie sur les énergies délivrées, en fonction du rendement de la chaîne énergétique et de l'impact environnemental. En France, on manque cruellement d'études sur ce point. Par exemple, la réglementation thermique française, c'est un coefficient pour toutes les énergies et un autre pour l'électricité, qui ne tient pas réellement compte de leur empreinte écologique. Les Suisses ou les Allemands, eux, ont bâti leur réglementation thermique à partir de coefficients beaucoup plus réalistes et précis. Il faudrait instaurer un Haut Conseil de l'énergie, indépendant des groupes industriels, qui fera les études nécessaires pour déterminer les coefficients, pour ne pas mêler physique et politique. Par exemple, ce Haut Conseil sera chargé de calculer le rendement énergétique et les émissions de GES pour chaque type d'énergie, en toute indépendance, sur une base scientifique. Aujourd'hui, on manque de clarté sur les chaînes énergétiques, sur la façon dont les énergies sont produites et délivrées, de la ressource à l'usage.

Réactions10 réactions à cet article

Pourquoi un nouveau haut conseil ? et l'Ademe ?

:L'ADEME ne pourrait elle pas faire office de " Haut Conseil de l'Energie " ?
Pourquoi ne pas utiliser les études des allemands et des Suisses ?
Commencons , simple & petit , le chemin est long ...

Anonyme | 19 janvier 2010 à 22h22 Signaler un contenu inapproprié
Re:Pourquoi un nouveau haut conseil ? et l'Ademe .

Tout à fait d'accord, il faut arrêter de multiplier les institutions et les organismes publics aux missions identiques.

Thug | 20 janvier 2010 à 10h36 Signaler un contenu inapproprié
Re:Pourquoi un nouveau haut conseil ? et l'Ademe .

Heuu vous avez déjà demandé quelque chose à l'ADEME à part des subventions ? (désolé la réponse est rude, mais dans le fond pas si fausse, malheureusement)
et surtout comme Thierry Salomon dit "pour ne pas mêler physique et politique" je pense que c'est en partie pour ca qu'il propose la création d'un haut conseil en énergie.

chocard | 20 janvier 2010 à 12h18 Signaler un contenu inapproprié
L'ALLEMAGNE EST-ELLE LE BON EXEMPLE ?

Je rejoins Monsieur Salomon quand il parle d'une autorité indépendante, non seulement de l'industrie et des finances, mais aussi du pouvoir, et cela n'est pas du tout le cas de l'ademe.
Pour l'Allemagne comme exemple, il serait bon que Monsieur Salomon précise sa pensée, car au regard des chiffres sur la nature de la production énergétique de l'Allemagne pour 2008, il apparait un anachronisme: ce pays est cité réguliérement par les "écologistes", l'ademe, comme étant un exemple et pourtant plus de 60% de son électricité est produite par du charbon, plus de 24% par du nucléaire, le taux par habitant de production de CO² est, un ou celui le plus élevé d'Europe. Bref cela n'est pas très clair, pourriez vous nous expliquer comment on peut prendre l'Allemagne en exemple. Cordialement

pascal03 | 21 janvier 2010 à 08h42 Signaler un contenu inapproprié
De l'importance de la précision...

Concernant la référence à l'Allemagne, M. Salomon, à juste titre, précise simplement que ce pays, l'instar de la Suisse, utilise des coefficients de conversion Ef==>Ep différents selon le combustible, déterminés sur la base d'études bcp plus précises que celle réalisées en France.
A aucun moment M. Salomon ne prend pour exemple vertueux l'Allemagne sur la nature de sa production énergétique ou sur ces perfomances en terme d'émissions de GES.
L'imprécision des propos et les amalgames sont trop souvent à l'origine de polémiques et faux débat...qui font perdre bcp trop de temps et sont contre-productifs.
SVP, pas ici.

GreenGreenGreennnn... Allo ! | 21 janvier 2010 à 10h44 Signaler un contenu inapproprié
L'exemple de l'Allemagne

A coté de realisations remarquables, biogaz, maisons a faible consommation l'Allemagne est un mauvais élève de l'Europe elle emet par habitant 1,6 fois plus de CO2 que la France, elle joue un rôle de lobying detestable a Bruxelles pour la reglementation des emissions des voitures.
Pour l'électricité, beaucoup d'allemands n'en sont pas fiers, et les verts allemands ont été bien silencieux, à ce sujet, A.Merkel a inauguré une centrale de 1.000 MW à la lignite pire que le charbon. Cela signifie que la plus haute autorité politique allemande est bien en accord sur cette politique.
Chaque pays a ses problèmes, il faut arreter de toujours voir mieux ailleurs et continuer à travailler et à developper des solutions nouvelles habitat, recuperation, des dechets, transports collectifs et reduction de consommation.

jean-marie | 21 janvier 2010 à 17h04 Signaler un contenu inapproprié
Re:Re:Pourquoi un nouveau haut conseil ? et l'Ade.

Oui, l'ADEME telle qu'elle est dirigée aujourd'hui mèle "physique et politique" :
- elle est sous la tutelle du gouvernement (MEEDDM et MRES)
- Chantal Jouano en a été la présidente en 2008. Juste avant elle avait été directrice de cabinet de N. Sarkozy puis conseillère Devt Durable de l'Elysée, juste après elle est propulsée Secrétaire d'État chargée de l'Écologie. Elle a aussi été nommée administratrice de l'ANDRA pendant sa présidence de l'ADEME...
- Ce sont désormais les préfets qui sont les délégués régionaux de l'ADEME

Vous avez déjà vu l'ADEME porter le moindre regard critique, ou même la moindre analyse fouillée sur le nucléaire par exemple??

nini | 22 janvier 2010 à 09h30 Signaler un contenu inapproprié
Re:De l'importance de la précision...

Loin de moi l'envie de polémiquer, j'ai juste eu une mauvaise réaction en lisant l'article, l'exemple de l'allemagne à toute les sauces fini par rendre épidermique.

En effet monsieur Salomon, n'a pas présenté l'allemagne comme verdueuse, je fais cette réponse pour ne pas perturber le débat et ne pas laisser penser à vos lecteurs que je cherché à être contre productif. Très cordialement

pascal03 | 23 janvier 2010 à 10h04 Signaler un contenu inapproprié
Quel coefficient de conversion vous ferait plaisir

Dites-moi quelle énergie vous souhaitez promouvoir ou enterrer au niveau d'une nation et je vous calcule un coefficient de conversion ad oc. Si l'on veut vraiment tout remettre en question alors, il faudrait également revoir le coefficient de conversion de 1 pour le gaz naturel (ou le fioul)car après extraction, soit celui-ci est liquéfié, transporté par bateau jusqu'aux ports méthanier, soit directement comprimé pour circuler lans les gazoducs ou les deux successivement. Le bilan énergétique n'est donc pas de 1 pour le gaz (ni pour le bois qu'il faut couper, stocker et transporter jusque chez l'utlisateur). Mais si l'on raisonne en rapport entre ces différentes énergies, alors ce fameux coefficient de 2,58 pour l'électricité n'est pas si stupide! Tout ceci n'est qu'ergotages et ratiocinations de chicaneurs.

jojo | 25 janvier 2010 à 14h05 Signaler un contenu inapproprié
Re:Quel coefficient de conversion vous ferait plai

Il ne s'agit pas de "se faire plaisir", mais de s'approcher de la réalité physique. Oui, pour le gaz et le fioul, le ratio primaire/final ne devrait pas être égal à 1, mais de l'ordre de 1,1 à 1,15. Et avec le même périmètre d'analyse (du gisement ou de la mine à l'énergie délivrée) le coefficient Ep/Ef pour l'électricité serait entre 3,2 et 3,6 selon l'usage et le mix correspondant.
Rien n'empêche par ailleurs de compléter ce coefficient "physique" A par une modulation "politique" B, le ratio pris en compte étant alors A x B
(c'est d'ailleurs ce qui est fait implicitement pour le bois dans le BBC avec Ep/Ef = 0,6, que l'on peut interpréter comme A = 1,2 et B = 50 %)
Cette approche a le mérite de distinguer clairement la réalité et les choix énergétiques ... alors qu'actuellement on navigue en pleine confusion.
Au fait, il ne s'agit pas de pinaillage : ces facteurs de conversion Ep/Ef sont absolument structurants de la RT, du DPE, des certificats d'économie d'énergie, des choix constructifs et d'équipements dans le bâtiment ... excusez du peu ! Et celà vaut plus que 5 malheureuses lignes dans la monumentale RT ...

Thierry SALOMON | 26 janvier 2010 à 14h51 Signaler un contenu inapproprié

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