Lors d'un point presse tenu le 6 juillet, Canalisateurs de France, organisation professionnelle fédérant 400 entreprises spécialisées dans la pose de canalisations, et André Flajolet, député UMP du Pas-de-Calais et président du Comité national de l'eau, ont plaidé pour une accélération de la rénovation des réseaux français d'eau et d'assainissement.
Un litre d'eau sur quatre perdu dans les canalisations
Les données existantes sont en effet alarmantes. Un litre d'eau sur quatre est perdu dans les canalisations, selon le ministère de l'Ecologie. L'indice de perte est de 120 litres par abonné et par jour selon l'Association scientifique et technique pour l'eau et l'environnement (ASTEE).
"Il est effectivement produit 6 milliards de m3 d'eau potable dont 22% en moyenne est perdu à cause des fuites ; un pourcentage qui peut atteindre 40% localement. 1,3 milliard de m3 d'eau se perdent ainsi dans les canalisations ; soit 190.000 litres d'eau perdus toutes les 30 secondes !", confirme Jacques Dolmazon, président de Canalisateurs de France.
Selon l'enquête Cador de 2002 sur le patrimoine des canalisations d'alimentation en eau potable, la moitié du réseau serait antérieure à 1972. "La plupart des réseaux ont en effet été construits après guerre, entre les années 50 et 70", précise Jacques Dolmazon.
Quatre matériaux, l'acier, la fonte grise, le PVC et l'amiante lié, sont dans le collimateur. Ils forment 60% de la valeur du patrimoine à remplacer, soit 51 milliards d'euros.
D'après la dernière enquête "Eau et assainissement" du ministère de l'Agriculture, le renouvellement actuel du réseau n'est que 5.041 km par an. Compte tenu des 906.000 km de réseaux d'eau potable existants en France et de ce rythme de remplacement, "une canalisation d'eau potable ne serait changée qu'au bout de 170 années", calcule Jacques Dolmazon.
Pour André Flajolet, ce grave retard dans la rénovation des réseaux a une triple conséquence : un appauvrissement sensible du patrimoine, des conséquences sur la qualité sanitaire des eaux et sur l'environnement, ainsi que des conséquences en termes d'emploi. "L'accélération du remplacement des réseaux occasionnerait le développement d'emplois non délocalisables", précise le président du Comité national de l'eau.
Descriptif détaillé des réseaux avant fin 2013
Alors, que faire pour accompagner les collectivités territoriales et les inciter à renouveler leur réseau ?
Tout d'abord, améliorer leur connaissance de ces réseaux."La loi Grenelle 2 impose la réalisation d'un descriptif détaillé qui inclut un inventaire des réseaux avant la fin 2013. Les collectivités locales auront de fait une obligation d'amélioration du rendement du service", souligne Alain Grizaud, délégué régional de Midi-Pyrénées de Canalisateurs de France.
Le service devra prévoir un plan d'action en cas de dépassement d'un taux de perte en eau, dans un délai de trois ans à compter de ce dépassement. A défaut, il verra doubler le taux de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau.
Le projet de décret d'application de cette disposition, attendu pour cet automne, fixerait le taux de perte à 15% en milieu urbain et 20% en milieu rural.
Canalisateurs de France indique, en outre, qu'il a accompagné la mise en place des inventaires du patrimoine dès 1997 et qu'il souhaite les soutenir "dans la mesure où ils se pratiquent dans la neutralité et où ils sont accompagnés par une charte de qualité des réseaux d'assainissement ou de l'eau potable". Cette charte devrait être signée à la fin de cette année par l'ensemble des parties prenantes : ministères, agences de l'eau, Onema, professionnels, etc.
Le consommateur et le contribuable sollicités
Pour André Flajolet, le financement de l'inventaire des réseaux et de leur renouvellement doit reposer à la fois sur le consommateur et sur le contribuable. Donc sur la facture d'eau et sur l'impôt.
Et de justifier "une augmentation raisonnable du prix de l'eau", d'autant plus que des mécanismes de solidarité se mettent parallèlement en place avec "une politique d'accès de l'eau pour tous".
Le tarif moyen du mètre cube d'eau en France est de 3,39 euros pour une consommation annuelle de 120 m3, soit la cinquième position parmi les pays les moins chers en Europe. "La chèrté de l'eau doit être relativisée lorsque l'on voit que son coût ne représente que 25% des dépenses de téléphonie mobile des ménages", souligne André Flajolet.
Mais certains gestionnaires de services d'eau et d'assainissement, en particulier privés, ne font-ils pas déjà payer de longue date la rénovation des réseaux par les consommateurs à travers une ligne spéciale de la facture d'eau ? Pour André Flajolet, les techniques de provision sont maintenant interdites par la loi, les abus qui ont pu être constatés font maintenant partie du passé.
Financer le renouvellement par les économies réalisées
En outre, fait valoir Alain Grizaud, "les économies réalisées en réduisant les pertes permettraient d'accélérer le renouvellement des réseaux". En valorisant les pertes au prix moyen de l'eau potable, celles-ci sont évaluées à 2,4 milliards d'euros par an. "Avec ces moyens, de 1.500 à 6.000 km supplémentaires de réseaux pourraient être remplacés chaque année", calcule-t-il.
Autre piste évoquée, la réforme de la comptabilité M 49, de manière à ce que les collectivités puissent prévoir dans leur budget l'amortissement technique des réseaux. "Actuellement, explique Alain Grizaud, il n'y a pas d'adéquation entre les durées d'amortissements technique et financier".
En tout état de cause, pour Canalisateurs de France, si l'on n'agit pas dès maintenant, les travaux de renouvellement coûteront à l'évidence plus cher. "A l'exemple des travaux réalisés dans une maison, il n'est jamais prudent de remettre à plus tard certains investissements", conclut Jacques Dolmazon.