
Parti Socialiste
Actu-environnement.com : Quelle évolution du mix énergétique français envisagez-vous ?
François Hollande : Aujourd'hui nous devons nous préparer à ce qui est inéluctable, la fin de l'ère du pétrole abondant et bon marché, et anticiper le vieillissement du parc électronucléaire. La lutte contre le réchauffement climatique nous oblige également à réduire considérablement notre consommation d'énergies fossiles et nos émissions de GES. Pour ce faire, il nous faut changer nos modes de vie, de consommation et de production et nos façons d'habiter et de nous déplacer.
Ainsi, j'ai indiqué vouloir faire passer la part de l'électricité d'origine nucléaire de 75% à 50%, dans le mix énergétique, d'ici 2025. Il s'agit pour nous de donner un signal fort en faveur de cette transition, puisque cette baisse ne sera pas compensée par une augmentation de la production d'électricité sortant des centrales thermiques au gaz ou au fuel, mais par de l'électricité d'origine renouvelable et les économies d'énergie.
La rénovation thermique des bâtiments est l'une des mesures majeures que nous souhaitons soutenir avec vigueur : notre objectif est de procéder à la rénovation complète du parc en 20 ans et donc d'isoler 600.000 logements anciens annuellement.
Une loi de transition énergétique votée en 2013, qui suivra un grand débat sur la transition énergétique, arrêtera les plans et programmes d'investissements et les dispositifs réglementaires et fiscaux permettant le changement de cap énergétique.
Quant aux gaz de schistes, la technique de la fracturation hydraulique comporte trop de risques pour qu'on en autorise aujourd'hui l'exploration et l'exploitation.
AE : Prévoyez-vous une remise à plat de la fiscalité globale et quelle place y aurait la fiscalité environnementale ?
FH : J'ai proposé d'engager une réforme fiscale de grande ampleur. Cette réforme prendra bien évidemment en compte la problématique environnementale. Un examen systématique des niches fiscales défavorables à l'environnement sera notamment réalisé.
Un des enjeux de la fiscalité environnementale est l'incitation des entreprises à avoir un comportement plus en accord avec les problématiques de développement durable. Il faut pour cela non seulement évaluer les dispositifs fiscaux, mais également garantir une stabilité de la fiscalité pour que les entreprises aient une meilleure visibilité de leurs investissements. Je propose donc d'encadrer ces incitations fiscales par une loi qui fixera dès le départ les orientations en ce domaine.
Enfin, j'ai proposé la mise en place d'une contribution écologique aux frontières de l'Union européenne, qui doit pouvoir tendre vers l'économie verte, et inciter les pays tiers à en faire autant, par un dispositif à la fois incitatif et protecteur.
AE : Quelle est votre vision pour une bonne gestion de l'eau et le partage de ses usages ?
FH : Ce sont à la fois une réflexion pertinente sur l'aménagement du territoire et une politique ambitieuse de l'eau qu'il faut mener. Pour cela, le premier axe de notre politique sera de réorienter la politique des agences de l'eau vers le préventif, soit vers le grand cycle de l'eau et l'animation des territoires. Ceci suppose de rationaliser l'ensemble de notre gouvernance et de mettre nos élus et nos concitoyens au cœur des décisions. Des mesures concrètes en découlent : un collège spécifique des usagers domestiques aux comités de bassin, des représentants des usagers dans les structures de gestion des services d'eau, etc. Les élus de nos collectivités doivent avoir les moyens de choisir le mode de gestion de l'eau et de l'assainissement le plus adapté à leur besoin. Il faudra qu'ils puissent s'appuyer sur des pôles d'ingénierie publique territorialisés où trouver conseil et expertise dans les domaines technique, juridique et financier.
Une grande loi-cadre sur l'eau permettra de répondre à ces défis. Dans sa partie consacrée au service public de l'eau et de l'assainissement, elle devra fixer des grands principes en termes d'organisation territoriale, d'accès et de qualité de l'eau. Le prix de l'eau varie de 1 à 10 sur le territoire national, disparités qui ne sont pas acceptables.
AE : Quel modèle agricole défendrez-vous si vous êtes élu ?
FH : Je défendrai un budget européen ambitieux pour l'avenir de l'agriculture dans sa diversité. J'encouragerai la promotion de nouveaux modèles de production durables et l'agriculture biologique. Je donnerai aux producteurs les moyens de s'organiser pour rééquilibrer les rapports de force au sein des filières face à la grande distribution.
Concernant la PAC, je serai vigilant sur trois points. Le premier c'est de fournir un budget de l'agriculture qui soit à la hauteur des défis en matière de sécurité alimentaire et de sécurité environnementale. Deuxièmement, la réforme devra garantir une architecture de la politique agricole qui permette d'assurer le développement économique durable des productions en favorisant les systèmes d'exploitation créateurs d'emplois et protecteurs des ressources naturelles.
Concernant les OGM, je ne suis pas favorable aux recherches en plein champ, qui peuvent avoir des conséquences sur les autres cultures. Celles réalisées en sites confinés peuvent en revanche être poursuivies, sous réserve d'un strict encadrement. La culture des OGM n'a pas sa place en France telle que proposée actuellement, car ses bénéfices éventuels par rapport aux risques induits sont très contestables. L'interdiction de la mise en culture du maïs MON 810 sera donc maintenue.
Enfin, la réduction de l'usage des pesticides, selon le plan Ecophyto 2018, reste un objectif majeur, pour préserver aussi bien la santé des agriculteurs au premier chef, que notre environnement. Or, on a peu progressé dans ce domaine. Là aussi, l'évolution des pratiques agricoles, le retour de l'agronomie (rotation et association de cultures, lutte intégrée…), le soutien à la recherche et l'innovation pour une agriculture durable, seront pleinement encouragés.
AE : Quelle position française porterez-vous dans les négociations internationales en cours ?
FH : Nous nous sommes d'ores et déjà engagés publiquement à réduire de 20% les émissions françaises de gaz à effet de serre d'ici à 2020 et nous nous donnerons, à l'inverse de la majorité présidentielle actuelle, les moyens de réaliser cet objectif. Cela étant dit, je souhaite aller plus loin, et j'agirai pour que l'UE porte son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre à 30% à l'horizon 2020.
Rio+20 doit être l'occasion de faire un bilan des progrès réalisés, identifier les enjeux prioritaires et établir un plan d'action. Je soutiendrai en particulier la création d'une Organisation mondiale de l'environnement dont le rôle sera, entre autres, d'uniformiser les normes environnementales au niveau mondial, de faire un bilan de l'état des ressources naturelles dans chaque pays et de lutter contre le dumping environnemental. Je porterai également un engagement fort pour l'économie verte, et une transition de notre modèle de développement vers beaucoup plus de durabilité et de solidarité planétaire. Les questions d'environnement et de développement durable pour tous doivent être liées.
Je réactiverai la solidarité internationale en plaçant l'eau au cœur des politiques de coopération et porterai, à la Conférence des Nations Unies à Rio en juin 2012, l'idée de créer une agence mondiale de l'eau.
AE : Quelle place comptez-vous accorder à l'environnement dans votre gouvernement ?
FH : Le Grenelle de l'environnement, après les grands espoirs soulevés, a malheureusement été l'objet d'une application concrète décevante : promesses non tenues, détricotage dans le Grenelle 2, un enterrement dans beaucoup de secteurs d'avenir, une gouvernance bancale : voilà le bilan du gouvernement actuel, suite à l'abandon par Nicolas Sarkozy de toute ambition environnementale.
J'avancerai là où il a renoncé ! J'instaurerai une Conférence environnementale à 5 collèges + 1, celui des parlementaires, doté d'un agenda environnemental qui déterminera chaque année des priorités, pour mettre le dialogue environnemental au niveau du dialogue social. Cette Conférence sera régionalisée, pour permettre une meilleure prise en compte de la diversité des territoires.
Un grand débat national sur la transition énergétique préalable à la loi de programmation sera lancé, qui permettra d'aborder des sujets centraux pour la vie de nos concitoyens : sobriété et efficacité énergétiques, sécurisation et développement des filières des énergies renouvelables, avenir de la filière nucléaire, plan massif de rénovation thermique des logements… Ce sera un débat citoyen, pluraliste et territorialisé.
Notre ambition pour la transition énergétique et la transition écologique de l'économie sera portée au plus haut niveau par le Président de la République et le Premier ministre qui sera directement chargé de la transition écologique. Mais chaque ministre devra avoir lui-même sa feuille de route en matière de transition écologique dans le domaine de sa compétence. Enfin, tous les acteurs, acteurs économiques, élus locaux, acteurs associatifs, et les citoyens eux-mêmes, devront être pleinement associés à la mutation que nous devons mener, de façon transversale, démocratique et décentralisée. C'est le gage de sa réussite et de son acceptabilité.