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Électrification de transports poids lourds : les limites du retrofit

Un projet de Renault Trucks l'atteste : le rétrofit d'un poids lourd diesel vers l'électrique n'est pas viable économiquement et génère une économie carbone limitée. De plus, l'électrification des véhicules lourds pourrait nuire à la stabilité du réseau.

TECHNIQUE  |  Transport  |    |  G. Boillot-Defremont
Électrification de transports poids lourds : les limites du retrofit

L'entreprise de véhicules industriels et utilitaires Renault Trucks a lancé, en 2020, un projet de rétrofit sur un véhicule de 12 tonnes. Le but : remplacer le moteur diesel par une alimentation électrique, avec un gain annoncé de 12 tonnes de CO2, selon les analyses de cycle de vie réalisées en interne. Son homologation devrait être validée en mai 2024.

Un gain carbone relatif

« Le rétrofit d'un camion est beaucoup plus lourd que celui d'une voiture », souligne Laurent Colpier, vice-président de la division Used Trucks de Renault Trucks. Par exemple, à la différence d'une voiture, un camion fabrique de l'air comprimé pour son système de freinage. Alimenté par le moteur diesel sur un véhicule thermique, le compresseur devra, dans le cadre du retrofit, être remplacé par un nouveau, électrique, connecté à la batterie.

De la même manière, la pompe de direction reliée au moteur diesel devra aussi être rattachée à la batterie. « Ce ne seront pas seulement les schémas électriques qui seront impactés, ce sera aussi la mécanique, explique Laurent Colpier. Les batteries d'un véhicule électrique neuf représentent entre 60 et 80 % de son bilan carbone. » Un véhicule rétrofité devra lui aussi être équipé de batteries neuves pour assurer sa durabilité. Pompes, compresseur et boîte de vitesses seront aussi remplacés par d'autres composants.

“ Le rétrofit d'un camion est beaucoup plus lourd que celui d'une voiture ” Laurent Colpier, Renault Trucks
Une refonte en profondeur donc, qui impacte nombre d'éléments, et une interrogation légitime sur les économies carbone occasionnées par un tel projet. La réponse pourrait se trouver dans une partie de la cible envisagée par Laurent Colpier et ses équipes pour la commercialisation d'un tel produit : des véhicules comme les hydrocureuses ou les véhicules municipaux complexes, dont la carrosserie seule vaut plus cher que le véhicule lui-même. Les autres clients potentiels étant les véhicules en circuit fermé (n'ayant donc pas besoin d'homologation) et les loueurs pourvus de grosses flottes – l'investissement financier rendant viable l'option d'une seconde vie.

Les limites de l'électrification

Le 13 mars 2020 a été publié un arrêté relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible. Trois ans plus tard, « seulement deux ou trois bus électrifiés et retrofités ont été homologués. Mais aucun poids lourd », constate Laurent Colpier.

Et d'expliquer ce bilan, valant sans doute pour tous les constructeurs : « Nous n'arriverons jamais à avoir un véhicule aussi efficace que nos véhicules électriques neufs. » Ces derniers sont pourvus de batteries de 180 à 250 kWh selon leur tonnage, alors que le rétrofit est réalisé avec une batterie de 210 kWh. Une puissance médiane qui s'explique notamment par la volonté du groupe de garder une politique de prix attractive : un modèle rétrofité, du fait du travail demandé hors batteries, se vendrait en effet uniquement entre 5 et 15 % moins cher qu'un neuf.

C'est donc bien une stratégie orientée client qui guide la tendance générale à l'électrification de la flotte Renault Trucks. Une politique réaffirmée par Christophe Martin, directeur de Renault Trucks France, le 20 mars dernier. Cette stratégie se base sur « des garanties de fiabilité, une exigence de sûreté et une demande d'accessibilité », explique Laurent Colpier.

Mais à l'horizon 2030 - que partagent les stratégies nationales et Renault Trucks concernant la décarbonation de sa flotte, la question ne sera pas tant relative à l'énergie disponible qu'à la stabilité du réseau. « Il y aura alors 15 millions de véhicules électriques sur les routes et des installations photovoltaïques réparties sur l'ensemble du continent, faisant risquer aux moments de charge et en cas de faible ensoleillement des coupures généralisées si le réseau n'est pas capable de répondre à la demande », rappelle Étienne Wurtz, responsable scientifique du département énergies solaires au CEA.

« Une étude Enedis sur l'électrification de la mobilité lourde longue distance parue en mars 2024 indique que le pic de toutes les stations de recharge pour les camions électriques pourrait atteindre 1,1 GW, complète Jens Merten, chargé de projet pour le même département du centre de recherche atomique. Pour lisser cette consommation, une solution serait, pour les conducteurs de poids lourds, toutes sociétés confondues, de s'organiser pour que les pauses déjeuner – temps privilégié de recharge – ne se fassent pas en même temps. Une autre solution, plus technique et moins compliquée, serait d'intégrer des systèmes de stockage stationnaire aux stations de recharge, couplés à une production d'énergie solaire locale. Pour faciliter la conception des stations de recharge et augmenter leur rendement, je recommande un couplage direct de ces composants avec un réseau en courant continu de moyenne tension, un concept développé par le projet européen DC-Power. »

L'heure est donc à la diversification du mix énergétique et à une coordination des acteurs industriels sur leur stratégie de décarbonation. Celle-ci sera rendue possible – d'après les remontées de plusieurs acteurs de terrain – par un accompagnement étatique soutenu, permettant une visibilité de long terme sur le marché de l'énergie.

Réactions1 réaction à cet article

La décarbonation des transports terrestre passe par leur électrification rapide et massive, ainsi que par le ferroutage.
Pour qu'elle soit efficace, il faut qu'elle soit décentralisée jusqu'aux réseaux locaux stabilisés par stations de batteries sodium-ion (10 fois plus puissantes, moins chères, plus écologiques que les batteries Li-ion) disposées aux postes de transformation, d'interconnexion et d'injection des parcs EnR variables, aux stations de charge-décharge des VER et PL électriques en mode V2G dans les villes, sur routes, dans les entreprises, les bâtiments administratifs et scolaires, les surfaces commerciales, etc.
Les batteries des VER serviront pendant 50 à 90% du temps de stockage électrique permanent, diffus et rémunéré pour les réseaux et les EnR variables (50 à 100 GWh) et de réserve de puissance électrique (50 à 100 GW) pour lisser les pics.

Thierry de Larochelambert | 30 mars 2024 à 12h22 Signaler un contenu inapproprié

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