
Candidat à la Présidentielle 2017 pour En marche
Actu-Environnement : Comment vous inscrivez-vous par rapport à la transition énergétique lancée par le précédent quinquennat ?
Emmanuel Macron : La loi de transition énergétique a fixé des objectifs ambitieux. Cependant, si les objectifs sont bons, les moyens à mettre en œuvre pour les atteindre sont loin d'être réunis. Le projet que je porte vise justement à se donner les moyens, notamment financiers, pour y parvenir.
Je souhaite accélérer le développement des énergies renouvelables, indispensable pour réduire notre dépendance à l'énergie nucléaire et respecter l'objectif de 50% de nucléaire à l'horizon 2025. D'ici à 2022, nous avons pour objectif de doubler la capacité en éolien et en solaire photovoltaïque. L'Etat devra encourager l'investissement privé pour mobiliser 30 milliards d'euros d'investissement. Nous en finirons avec les procédures qui s'empilent, en raccourcissant et en simplifiant les procédures de déploiement des renouvelables. Et nous focaliserons les efforts de recherche et de développement sur le stockage de l'énergie et les réseaux électriques intelligents.
Par ailleurs, j'irai au-delà de la trajectoire actuelle en fixant un cap pour l'élimination des énergies fossiles à l'horizon 2050. Pour y parvenir, je m'engage à fermer les centrales à charbon restantes en 5 ans, à interdire l'exploration des gaz de schiste et à ne délivrer plus aucun nouveau permis d'exploration d'hydrocarbures. Enfin, j'enclencherai la montée en puissance de la composante carbone pour atteindre 100 €/tCO2 en 2030.
AE : La santé est une préoccupation majeure des Français. Que prévoyez-vous en matière de santé environnementale ?
EM : J'ai décidé de faire de la prévention l'axe fort de la politique de santé, qui est trop orientée pour l'instant vers le curatif. C'est pourquoi la santé environnementale est un impératif qui apparaît comme tel dans mon programme. Les mesures concrètes sont très nombreuses pour protéger en amont la santé : essor donné à l'agriculture biologique par le 50% bio, labels écologiques de qualité, circuits courts dans la restauration collective publique et privée d'ici 2022, la remise à plat des méthodes d'évaluation aberrantes des perturbateurs endocriniens et phytosanitaires. Il en va de même de la lutte contre les particules fines, en particulier celles émises par le diesel : alignement sur la fiscalité de l'essence, prime de 1.000 € pour un particulier qui veut changer son vieux véhicule diesel pour un véhicule propre, neuf ou d'occasion.
AE : Comment envisagez-vous l'évolution du modèle agricole français ?
EM : Je souhaite que la France devienne le leader de l'agroécologie. Un programme d'investissement d'avenir agricole de 5 milliards d'euros sera lancé sur la période 2017-2022 afin de moderniser les exploitations. Ces financements seront réservés aux projets ayant un impact positif sur l'environnement et le bien-être animal ainsi qu'aux projets de transformation privilégiant les circuits courts. De plus, nous rémunérerons les agriculteurs pour les services environnementaux (entretien des paysages, non labour ...) qu'ils rendent, à hauteur de 200 millions d'euros par an dans le cadre de la PAC.
Par ailleurs, dans les premiers mois du mandat, je réunirai des états généraux de l'alimentation avec tous les acteurs du secteur : agriculteurs, filières, industries de transformation, distribution, associations environnementales et consommateurs. L'objectif est d'élaborer un agenda commun des solutions qui seront portées dans les futures négociations de la PAC. Nous y définirons notamment un calendrier d'élimination progressive des pesticides. Enfin, dès le début du quinquennat, je séparerai les activités de conseil aux agriculteurs et de commerce des pesticides qui peuvent susciter des conflits d'intérêt.
AE : L'arrivée du phénomène de ZAD complique l'aménagement du territoire. Comment concilier développement économique local avec le respect des milieux ?
EM : Mon objectif est de mettre un terme à la progression de l'artificialisation des terres. L'application, avec persévérance et détermination des dispositions de la loi biodiversité de 2016 sur le principe ERC (éviter, réduire et si on ne peut faire autrement, compenser) est la première étape à mettre en œuvre. Il s'agit de s'assurer que le bilan béton/nature ne devienne pas négatif, sans pour autant renoncer aux équipements vraiment indispensables. Il faut aussi réexaminer les dispositifs législatifs et fiscaux qui favorisent trop l'artificialisation des sols, pour bâtir une stratégie de retour des terres à un usage plus naturel. Je faciliterai notamment l'accès des agriculteurs au foncier, et renforcerai la transparence des transactions de terrains en soumettant les sociétés foncières au contrôle des SAFER.
A l'avenir, je donnerai la priorité à la modernisation et l'optimisation des infrastructures existantes, plutôt qu'à de nouveaux projets. Toute proposition nouvelle fera l'objet d'une analyse très rigoureuse de son plan de financement et de ses bénéfices au regard de ses conséquences environnementales et de son acceptabilité locale.
En ce qui concerne les ZAD actuelles, mon objectif est le maintien de l'ordre public et d'éviter toute violence, pour ne pas recréer les conditions d'un drame comme celui de Sivens.
AE : De quelle manière entendez-vous mettre en œuvre une politique environnementale au sein de votre gouvernement ? Quel budget prévoyez-vous pour vos mesures et comment les financez-vous ?
EM : Le changement climatique, la crise de la biodiversité, conditionnent tout ce qui a de l'importance à nos yeux : la solidarité entre les peuples et avec les générations futures, l'économie et l'emploi, la santé, l'égalité, l'éducation, la paix. C'est pourquoi la transition écologique est le fil rouge de mon projet, et je veillerai à ce qu'elle soit mise en œuvre de manière cohérente dans tous les volets de l'action du Gouvernement.
Conscient de notre double dette, écologique et financière, je souhaite que le plan d'investissement soit le bras armé de notre ambition écologique. 15 milliards seront consacrés à la transition énergétique et écologique : rénovation énergétique des bâtiments publics, des logements des ménages-propriétaires en situation de précarité énergétique ; transformation du crédit d'impôt transition énergétique en prime octroyée sans délai au moment des travaux. A ces 15 milliards s'ajouteront d'autres champs d'action (transports, agriculture) ayant un impact positif sur l'environnement. Au total, ce sont 40 % du plan d'investissement quinquennal qui sont consacrés à la refonte complète de notre système productif. Si on compte l'effet de levier sur les financements privés ce sont plus de 100 milliards d'euros qui seront redirigés vers la transition écologique.