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Éolien : capteurs et radars, des alliés pour produire de la donnée

En mai 2023, le premier mât de mesure a été installé au large de Fécamp, où sortira bientôt de l'eau le parc éolien éponyme. Muni d'une douzaine de capteurs, il lance la France dans une accumulation de données aussi attendue qu'ambitieuse.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  F. Gouty
Éolien : capteurs et radars, des alliés pour produire de la donnée

En matière d'éolien, la France n'a pas seulement à rattraper son retard en termes de production d'énergie : elle doit aussi le faire en ce qui concerne la production de savoir. Le 9 mai dernier, l'Institut de transition écologique France Énergies marines (ITE FEM) a annoncé l'installation de la « première plateforme française de recherche en mer consacrée à l'éolien offshore », baptisée Draccar. Emblématique, ce projet n'est que la proue d'un vaste bateau.

Une histoire de mesures

Pendant que les premières mesures de suivi scientifique étaient encore effectuées à la jumelle dans l'Hexagone, au début des années 2000, certains pays voisins s'étaient déjà attelés à investir dans des infrastructures standardisées. « L'Allemagne, en particulier, a tout de suite accompagné l'émergence de l'éolien offshore de la création d'observatoires et plateformes de recherche localement », se souvient David Marchal, directeur exécutif adjoint de l'Agence de la transition écologique (Ademe). En 2002, le gouvernement allemand charge l'université des sciences appliquées de Kiel de mettre en œuvre une première plateforme de recherche en mer du Nord (« Forschungsplattformen in Nord », ou Fino) alors à proximité du parc éolien pilote Alpha Ventus, à 45 kilomètres de l'île de Borkum. Sur cette plateforme se dresse une tour métallique de cent mètres de haut bardée de capteurs météorologiques, renseignant la vitesse et la direction du vent, pour mieux prédire la production des parcs alentour. Cette Fino1, qui vient de fêter ces vingt ans, a été suivie par Fino2, en 2007 (à 33 km de l'île de Rügen en mer Baltique) et Fino3, en 2009 (à 80 km de l'île de Sylt, en mer du Nord).

“ Grâce à ces travaux, le dimensionnement des éoliennes pourra être optimisé ” Lamri Adoui, université de Caen-Normandie
Ce modèle précurseur, qui a directement inspiré le projet Draccar, a notamment essaimé en Grèce. Déployé en 2019 à 250 mètres au large de l'île de Macronèse, en mer Égée, le mât flottant Float Mast, présenté comme la « miniaturisation d'une plateforme pétrolière », accueille, lui aussi, une batterie de capteurs météorologiques collectant un maximum de données sur le vent, mais également des radars pour suivre les comportements de la faune marine locale. Contrairement au cas de l'Allemagne, cette infrastructure précède le développement de l'éolien offshore pour la Grèce : il a fallu attendre le 5 août 2022 pour que le Parlement grec approuve une loi introduisant le développement de cette énergie en mer.

Dans cette lignée européenne de recherche et développement, le projet Draccar paraît le plus ambitieux. Géré par le consortium public-privé ITE FEM pour au moins cinq ans, il est financé à hauteur de 8,2 millions d'euros par la Région Normandie et l'Union européenne. Installé à treize kilomètres au large de Fécamp (Seine-Maritime), près du futur parc éolien éponyme, ce mât de mesure entièrement automatisé et piloté à distance comporte plusieurs séries d'anémomètres (pour déterminer la vitesse du vent), une douzaine de caméras rotatives avec reconnaissance visuelle (pour identifier les espèces d'oiseaux évoluant à proximité), des accéléromètres (pour mesurer la houle), ainsi que des hydrophones et des radars sous-marins (pour suivre la mégafaune marine locale). L'objectif ? Modéliser plus finement le vent et étudier l'évolution de l'écosystème marin en présence d'un substitut d'éolienne, la fréquentation de la mégafaune à proximité, la caractérisation de l'effet récif, le comportement de la structure face aux courants, et les processus hydrosédimentaires liés à la présence du mât. « Grâce à ces travaux, la compréhension des interactions entre l'éolien en mer et l'environnement sera améliorée, et le dimensionnement des éoliennes pourra être optimisé », avance Lamri Adoui, président de l'université de Caen-Normandie, l'un des trois établissements de recherche mobilisés dans ce projet.

Standardisation de la connaissance

La tech bretonne se spécialise autour de l'éolien en mer

Forte de la récente mise en oeuvre du parc éolien au large de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), la Bretagne accueille un nombre grandissant de start-up se spécialisant dans les technologies associées aux énergies marines renouvelables. À l'occasion du forum Seanergy tenu à Paris les 20 et 21 juin, le cluster régional Bretagne Ocean Power a présenté trois nouvelles propositions technologiques. Le logiciel de « deep-learning » Harmony, exploité par la société Wipsea et notamment utilisé dans le cadre du projet Owfsomm de l'ITE FEM, permet par exemple une identification automatique de cétacés, d'oiseaux marins et de poissons à partir de photographies réalisées lors d'opérations de suivi aériennes, puis d'en faire la cartographie. Dans la même idée, le drone aérien Stormm, et son nouvel équivalent solaire en autoconsommation Solar Stormm, utilise un système de télédétection optique pour catégoriser la mégafaune marine. L'entreprise brestoise Quiet-Oceans utilise, quant à elle, des bouées dotées d'hydrophones connectés offrant un suivi sonore en temps réel des bruits occasionnés localement lors de la construction d'un parc. L'idée, ici, est d'alerter les constructeurs sur leur nuisance et de les inciter à la limiter.
Ce modèle n'est pas le seul déployé en France. L'ITE FEM pilote également le programme Semafor qui, s'appuyant sur le réseau de radars côtiers comme continentaux de Météo-France, va développer un « outil de surveillance en temps réel de l'avifaune » par échos radars. « L'idée, précise Jehanne Prévot, responsable de l'intégration environnementale et sociétale en recherche et développement pour l'ITE FEM, est d'obtenir un modèle prédictif des parcours migratoires des oiseaux observés et d'en déduire l'influence des sites éoliens. » Financé à hauteur de 840 000 euros, il doit s'achever en 2025. La modélisation sera également au coeur du projet Nestore, se déroulant dans le même temps. Doté d'un budget de 3,3 millions d'euros, son but est de développer « une série d'outils imbriqués à différentes échelles spatiales (pour) intégrer le cumul d'impact des énergies marines renouvelables et des autres activités humaines dans le fonctionnement des écosystèmes marins ». L'opportunité, selon Jehanne Prévot, de « produire des scénarios évaluant les effets socio-écosystémiques du positionnement d'un ou de plusieurs parcs à l'échelle d'une façade maritime entière ».

Un tel outil bénéficiera, notamment, des prochains résultats du projet Owfsomm, lancé par l'ITE FEM en 2020. Celui-ci, aidé d'un financement de 1,4 million d'euros en partie délivré par le plan d'investissement d'avenir (PIA4), a œuvré au développement d'outils à base d'intelligence artificielle pour mutualiser et coupler un maximum de données radars et acoustiques. Ces données sont relevées lors d'opérations de suivi de l'avifaune et de la mégafaune marines réalisées en avion au-dessus des sites éoliens actifs ou futurs. « La standardisation des protocoles de suivi et l'harmonisation des données collectées sera utile à tous, soutient Enora Tredan, responsable du programme « Énergies marines renouvelables et biodiversité » de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). La production de données au gré du développement de l'éolien offshore dope l'accumulation de connaissances sur le milieu marin et pourrait même éprouver des mesures d'évitement ou de réduction à ajouter aux critères de sélection du cahier des charges des futurs projets, en plus du simple critère du prix. »

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