Si la machine semble lancée, reste à définir la mise en œuvre concrète de ce dispositif. De nombreuses questions sont posées quant à la cohérence des politiques, l'ingérence ou encore les niveaux d'actions.
Pré requis : la cohérence des politiques des pays du Nord
Les Etats donateurs, engagés dans le partenariat mondial, sont aussi des pays consommateurs. La demande croissante des pays du Nord en produits alimentaires mais aussi en énergie (agrocarburants, bois énergie) contribue à la déforestation, plus que l'exploitation forestière en elle-même. De nombreux pays forestiers se sont par exemple tournés vers la spécialisation primaire, comme le Brésil avec le soja et le bœuf ou l'Indonésie avec l'huile de palme, pour répondre à cette forte demande. Près de 50 % de la déforestation serait ainsi due à l'agriculture exportative et à l'industrie extractive. L'un des pré requis de la lutte contre la déforestation réside donc dans l'harmonisation des politiques commerciales ou agricoles des pays du Nord avec les politiques environnementales, pour que les premières ne soient pas à l'origine de ce que les secondes essaient de panser.
Une exigence : fournir des revenus pérennes
Si les neuf pays donateurs se sont engagés sur une somme de 4 milliards de dollars pour trois ans, se pose désormais la question de l'allocation efficace de ces aides. Celles-ci doivent pouvoir fournir des revenus sur le long terme pour que leurs effets soient pérennes, et ne retardent pas seulement de quelques temps la destruction des forêts. En effet, la plupart des pays forestiers concernés sont des pays en développement et ne sont pas en mesure d'arbitrer entre croissance économique et préservation de l'environnement. Les mesures mises en œuvre doivent permettre de compenser les 3 ou 4 points de PIB liés à l'exploitation forestière et à la dégradation des forêts.
L'Equateur, par exemple, est actuellement en négociation avec l'Onu sur un projet de préservation de la forêt. Le deal : le pays s'engage à renoncer à l'exploitation de 850 millions de barils de pétrole présents dans le sous-sol de la jungle amazonienne (20 % des hydrocarbures de l'Equateur) en échange d'une contribution financière de la communauté internationale sur dix ans, de l'ordre de la moitié de ce qu'aurait rapporté l'exploitation pétrolière.
Des actions à mener à différents niveaux
Enfin, les origines de la déforestation ou de la dégradation des forêts étant nombreuses, l'effort de lutte nécessite la mise en œuvre de politiques et de mesures diverses, bien souvent au delà du secteur forestier lui-même.
La lutte contre la déforestation pose d'abord des questions de gouvernance. La plupart des pays concernés sont instables politiquement et souffrent de corruption. Comment s'assurer que les fonds alloués bénéficient à la lutte contre la déforestation. Le centre d'analyse stratégique (CAS) préconise de se tourner directement vers les acteurs locaux (agriculteurs, entreprises, communautés…) et de soutenir les systèmes judiciaires nationaux dans la lutte contre la corruption. En même temps, les mesures financées doivent être soutenues et appropriées par les gouvernements locaux, pour ne pas créer une ingérence. ''Ces changements ne doivent pas s'imposer ex nihilo mais doivent répondre à une volonté exprimée du pays hôte de changer ou tout du moins que celui-ci fasse siennes les réformes qui lui sont suggérées'', note le CAS dans une analyse de juin 2010*. Par exemple, la question des régimes fonciers, primordiale dans la lutte contre la déforestation, doit être initiée par les Etats. Le Cameroun ou encore le Congo Brazzaville se sont ainsi engagé dans une démarche d'abandon de la présomption de domanialité (les terrains non titrés relève d'une propriété présumée de l'Etat) en introduisant la notion de forêts communautaires. Cela éviterait à l'Etat de donner des forêts en concession et d'impliquer les communautés locales dans la préservation de cette ressource.
Autre mesure clé : le soutien à l'agriculture familiale. L'objectif est double : permettre aux pays concernés d'atteindre la sécurité alimentaire tout en luttant contre l'agriculture industrielle, source de déforestation. ''La mise en place de nouvelles politiques agricoles centrées sur l'objectif d'une intensification durable, c'est-à-dire écologique, est une condition au maintien d'espaces forestiers dans nombre de pays du Sud confrontés à une augmentation des besoins de production alimentaire'', note le CAS. L'amélioration de la productivité doit notamment permettre d'éviter l'emprise sur de nouveaux espaces. Reste la question des cultures de rente (palmiers à huile, hévéas…), développées par les ruraux pour améliorer leur situation. Ici, des incitations financières semblent indispensables.
La régulation de l'exploitation forestière, même si elle n'est pas la principale cause de déforestation, semble également nécessaire. Les infrastructures créées pour cette activité (routes, accueil des travailleurs…) sont très destructrices pour les forêts. Le Cas propose l'annulation par les Etats des permis et concessions, l'encadrement de producteurs et transformateurs artisanaux, la certification forestière et le développement de sources durables d'approvisionnement pour le bois domestique.
*La lutte contre la déforestation dans les Etats fragiles : une vision renouvelée de l'aide au développement, Note de veille n°180, CAS, juin 2010