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Jumeau numérique : une interaction complexe avec le monde

Un jumeau est une modélisation de lois physiques et de comportements humains, pour et depuis le réel. À ce titre, il peut contribuer à améliorer l'efficacité énergétique des systèmes. La question de son coût écologique ne doit toutefois pas être éludée.

TECHNIQUE  |  Energie  |    |  G. Boillot-Defremont
Environnement & Technique N°398
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°398
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Dans une étude publiée en juillet 2022, le cabinet international de conseil Gartner place la technologie du jumeau numérique (modèle informatique reproduisant un objet réel dans le but de simuler plusieurs scénarios) dans le « creux des désillusions » de son cycle du Hype (méthode de recherche et d'interprétation de la médiatisation technologique conçue par la structure). Après des « attentes surdimensionnées », selon la terminologie employée par le cabinet pour sa modélisation, la technologie du jumeau numérique serait-elle vraiment vouée à une baisse d'intérêt ? Sur le territoire européen, le lancement de projets d'envergure de création de jumeau numérique, comme Destination Earth, et sur le plan français, la constitution d'un groupe de travail par l'Afnor, en février 2023, ainsi que la tenue d'un colloque du CNRS en janvier 2024 notamment, semblent montrer, au contraire, que si le sujet redescend de ces sommets de médiatisation, c'est pour mieux ancrer ses assises, ses possibles améliorations et faire la preuve de ses différentes utilités, parmi lesquelles se trouve l'amélioration de l'efficacité énergétique d'un système.

Ancrés dans le réel

« Le jumeau numérique doit interagir avec l'environnement réel ! » Pour Alejandro Franco, professeur à l'université de Picardie Jules-Verne, à Amiens, les simulations de scénarios réalisées par les modèles de jumeau numérique dépendent d'une multiplicité d'éléments dont certains se trouvent en dehors du système numérique. En témoigne son jumeau numérique d'une ligne de fabrication de batteries au lithium-ion sur lequel il travaille depuis plusieurs années. « C'est le constructeur qui va nous donner ses directives quant à la durabilité voulue pour les batteries. L'optimisation d'une batterie de véhicule électrique ne se fera pas de la même manière que celle d'un téléphone portable. »

Le domaine des smart cities s'intéresse également à ces technologies. Pour Gilles Gesquière, du laboratoire d'informatique en images et systèmes d'information de l'université Lumière Lyon-II, spécialiste de ces questions, les modèles numériques aux lois trop strictes manqueraient à comprendre et à intégrer « la rétroaction du vivant sur ces modèles ». Par exemple, l'optimisation énergétique de la consommation d'un immeuble d'entreprise doit prendre en compte les changements sociétaux et démographiques, en mouvement constant, de la société qui gravite autour, et des conséquences de la progression du dérèglement climatique sur celle-ci. S'ils veulent conserver leur efficacité, les jumeaux numériques ne doivent pas se comporter comme des îles sans connexion avec le monde qui les entoure.

Mais avec des données de nature hybride, « il est important que le modèle physique soit calibré de manière continue par l'expérience réelle, et permette à l'architecte de la solution de modifier le jumeau en fonction de la précision souhaitée pour les prédictions », insiste Alejandro Franco. Ses travaux adjoignent pour ce faire une ligne pilote de fabrication aux modèles physiques travaillés par les hommes derrière la machine. L'intelligence artificielle (IA) est utilisée ensuite pour prédire les recettes de fabrication permettant d'obtenir les performances de batterie souhaitées avec une fidélité décidée par l'utilisateur.

Bien aider à la décision

Une approche qui se nourrit de beaucoup de données pour ne faire ressortir qu'un « espace de solutions », pour reprendre les mots de Damien Eveillard, professeur en informatique à Nantes Université, des solutions dont l'utilisateur devra ensuite s'emparer. Directeur de recherche à l'Institut de physique théorique à Saclay (Essonne), Marc Barthélémy abonde : « Les modèles les plus prédictifs ne sont pas forcément les plus précis sur les ingrédients. Ce qui est important, c'est l'interaction » entre les éléments du système, entre le système et le monde réel ensuite, et enfin entre l'utilisateur et le système.

Les bons gestes d'économie communiqués par les géants du secteur de l'énergie en complément de leur offre de service l'illustrent bien. D'où la nécessité d'une « recherche tirée par l'aval », pour Gilles Gesquière, afin de préparer le terrain commun sur lequel jumeau et utilisateur pourront se rencontrer.

Améliorer l'efficacité énergétique des jumeaux numériques eux-mêmes

Avec de nombreux modèles nécessitant des capacités machines conséquentes (le réseau européen des superordinateurs est quelques fois mis à contribution pour faire tourner les simulations), on peut se demander comme Thomas David, chef des services à l'IGN, structure impliquée dans la construction d'un jumeau numérique de la France avec le Cerema notamment, si la « capacité à mieux gérer la transition écologique pourra compenser le coût de la démarche ». Autrement dit, l'optimisation de l'efficacité énergétique de leur propre système est tout aussi importante que leur capacité à optimiser l'efficacité énergétique du système dont ils se font le reflet. Gilles Gesquière élabore plusieurs pistes pour ce faire.

Pour lui, il s'agit tout d'abord de travailler à un « système des systèmes » pour qu'un modèle puisse se coupler avec un autre et qu'une société ou une ville ne se retrouve pas coincée sans interopérabilité possible. Ensuite, il s'agirait de réfléchir à ce que l'on calcule et comment on le calcule. « L'aide à la prise de décision par exemple ne demande pas une haute précision. C'est pourquoi un relevé de données toutes les deux minutes à la place de toutes les cinq millisecondes pourrait largement faire l'affaire. » Enfin, la question du où et du comment dans les calculs est aussi à l'ordre du jour. « S'il n'a pas besoin d'être exact dans certains cas, le calcul n'a pas non plus besoin d'être rapide. De plus, à l'instar de ce que proposent les scanners d'ordinateurs, un mode de prévisualisation pourrait être intéressant à mettre en place. » Alejandro Franco abonde en ce sens : « Les superordinateurs européens sont constitués des nombreux processeurs. Avec à la clé une grande rapidité dans les calculs. Mais on peut tout à fait faire tourner un jumeau numérique sur beaucoup moins de processeurs. C'est ce qu'on veut faire avec le jumeau numérique qui définit les ressources de calcul nécessaires. »

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