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Loi ENR : les dispositions en matière d'autoconsommation

La loi ENR comporte plusieurs mesures en faveur du développement des opérations d'autoconsommation, qu'elles soient individuelles ou collectives. Toutefois, l'objectif d'accélération de ces opérations demeure inachevé.

DROIT  |  Commentaire  |  Energie  |  
Droit de l'Environnement N°322
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°322
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Loi ENR : les dispositions en matière d'autoconsommation
Sophie Weill et Inès Madi
Avocates, De Gaulle Fleurance
   

Au quatrième trimestre 2022, la France comptait 208 371 installations en autoconsommation, représentant 994 mégawatts (MW) (1) . Si ces chiffres sont en forte progression en France, ils demeurent très éloignés d'autres pays européens comme l'Espagne, où les installations en autoconsommation représentaient 2 800 MW en 2021 (2) .

Dans ce contexte, la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables du 10 mars 2023 avait pour but de déployer massivement les énergies renouvelables, en ce compris les projets d'autoconsommation. La loi comporte effectivement plusieurs mesures en faveur du développement des opérations d'autoconsommation, qu'il s'agisse d'autoconsommation individuelle (consommation par un autoproducteur de tout ou partie de l'électricité produite par son installation) ou collective (consommation par un ou plusieurs consommateurs de l'électricité produite par un ou plusieurs producteurs, tous les acteurs étant situés dans un même bâtiment ou périmètre géographique restreint). L'objectif d'accélération des projets en autoconsommation demeure toutefois inachevé.

I. Des avancées bienvenues en faveur de l'autoconsommation

1) Sécurisation et simplification pour les personnes publiques (art. 86 et 88)

Les immeubles des personnes publiques constituent un axe considérable des projets d'autoconsommation, mais les contraintes qui s'y appliquent en ralentissent le développement.

Dans ce contexte, la loi confirme la possibilité pour les acheteurs soumis au Code de la commande publique de recourir à des contrats de la commande publique – marchés publics ou concessions – pour répondre à leurs besoins en électricité produite à partir de sources renouvelables, en gaz renouvelable (dont le biogaz) ou en gaz bas-carbone, notamment dans le cadre d'opérations d'autoconsommation ou de PPA greenfield.

Il existait en effet une incertitude juridique sur la possibilité de recourir aux contrats de la commande publique pour les opérations d'autoconsommation, lesquelles ne peuvent être amorties que sur le long terme. En effet, les acheteurs étaient confrontés aux règles de la Code de la commande publique en matière de durée et à leur interprétation par la jurisprudence sur le recours à des marchés de longue durée. Cet obstacle est désormais levé puisque la loi précise que la durée du contrat est définie en tenant compte de la nature des prestations et de la durée d'amortissement des installations nécessaires à leur exécution, y compris lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice n'acquiert pas ces installations.

La loi a également allégé une autre contrainte administrative et budgétaire des collectivités territoriales en supprimant, sous certaines conditions à déterminer par décret, l'obligation de créer une régie et un budget annexe pour les services de production d'électricité photovoltaïque exploités dans le cadre d'opérations d'autoconsommation.

2) L'autoconsommation collective en matière de gaz (art.100)

L'autoconsommation collective est étendue par la nouvelle loi au secteur du gaz, notamment au profit des bailleurs sociaux.

Cette création est salutaire et accueillie favorablement par la filière compte tenu de l'émergence de projets d'autoconsommation en gaz portés par des entreprises et des collectivités territoriales. Ces opérations ne pourront toutefois être mises en œuvre qu'après la publication des mesures règlementaires d'application (notamment les critères de proximité géographique des points de consommation et d'injection), très attendues par les acteurs du secteur.

II. Un possible frein : la nécessité d'une autorisation administrative (art. 86)

En matière d'autoconsommation, la nouvelle disposition la plus contraignante est sans aucun doute l'obligation pour les producteurs d'électricité de détenir une autorisation administrative à partir du 1er juillet 2023 pour conclure « un contrat de vente directe d'électricité à des consommateurs finals ou à des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes ».

Il avait été envisagé lors des travaux parlementaires d'exclure les producteurs en autoconsommation (individuelle et collective) du champ d'application de cette nouvelle autorisation, mais ces derniers sont finalement concernés par cette mesure.

Cette nouvelle autorisation est intégrée dans le même article que l'autorisation que doivent obtenir les fournisseurs pour exercer leur activité d'achat pour revente, qui implique un formalisme lourd imposant de justifier de garanties techniques, économiques et financières.

Pour autant, la forme et les modalités d'obtention de cette autorisation doivent encore être définies par décret et il faut espérer que le texte à venir saura ménager un sort différent aux producteurs dans le cadre d'opérations d'autoconsommation. Leur position ne présente pas en effet les mêmes enjeux de sécurité à l'égard des consommateurs et du réseau public de distribution que celle des fournisseurs, voire des producteurs vendant l'électricité produite dans le cadre de c-PPA (vente directe au consommateur final en dehors des schémas d'autoconsommation). A l'inverse, une autorisation trop contraignante pourrait constituer un frein au développement des projets d'autoconsommation qui viendrait s'ajouter à l'encadrement déjà existant (nécessité d'une personne morale organisatrice, limitation de distance et de puissance…etc.).

L'échéance du 1er juillet prochain doit par ailleurs être gardée à l'esprit : le décret d'application de cette nouvelle mesure devrait en effet être adoptée dans un calendrier permettant aux producteurs de demander et d'obtenir leur autorisation avant cette date. En cas contraire, il existerait en effet un risque juridique que le régime applicable aux fournisseurs s'applique également aux producteurs dans le cadre de projets d'autoconsommation.

Dans ce cas, les producteurs pourraient toutefois se reposer sur la possibilité ouverte par la loi de désigner un producteur ou un fournisseur déjà titulaire d'une telle autorisation pour assumer par délégation les obligations liées notamment à la sécurité d'approvisionnement.

III. Un rendez-vous manqué pour favoriser davantage l'autoconsommation

1) Un frein non levé : l'interdiction pour les producteurs de créer des SPV (art. 48 avant censure du Conseil constitutionnel)

L'interdiction actuelle (3) , pour le producteur, d'exercer l'activité d'autoconsommation collective en tant qu'activité principale est un frein au développement : elle empêche le recours par les développeurs à des sociétés de projet dédiées (SPV), pourtant fréquentes dans le marché des ENR, puisque ces sociétés auraient alors pour seule activité la production et la vente d'électricité en autoconsommation collective.

La levée de cette interdiction par la loi AER était donc bienvenue et saluée par la filière. Cette disposition a toutefois été censurée pour des raisons de forme par le Conseil constitutionnel qui a considéré qu'elle constituait un cavalier législatif sans lien avec la rédaction d'origine du projet de loi.

Cette disposition devra donc être intégrée dans un autre projet de loi à venir pour entrer en vigueur, ce qui est déplorable compte tenu de son caractère consensuel…

2) L'alignement de la fiscalité entre l'autoconsommation individuelle et l'autoconsommation collective

Les livraisons d'électricité sont soumises à un droit d'accise qui doit être acquitté par les fournisseurs sur la base des quantités d'électricité livrées aux consommateurs finals. Un tarif particulier de l'accise sur l'électricité s'applique à l'électricité produite par de petites installations dans le cadre d'opérations d'autoconsommation individuelle.

Contre l'avis du Gouvernement, le Sénat avait proposé d'étendre ce régime favorable en matière de d'accise aux opérations d'autoconsommation collective. La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale s'y est toutefois opposée, au motif que cet allégement n'était pas justifié puisque l'électricité transite sur le réseau public de distribution dans le cadre d'une opération d'autoconsommation collective.

Sur ce point comme sur les autres, force est donc de constater que la loi contient quelques évolutions positives, mais ne suffira pas à remplir l'objectif d'accélération attendu par les professionnels du secteur permettant un véritable essor des projets d'autoconsommation.

1. Deboutte G., [Bilan 2022] Pour la filière solaire, une année en demi-teinte s'achève, pv magazine, 22 déc. 2022 2. Morel S., En Espagne, l'essor spectaculaire du photovoltaïque après des années de retard, Le Monde, 2 nov. 20223. C. énergie, art. L. 315-2

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