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Recycler le béton dans le béton (2/4) : de la façon de mener un projet de valorisation

Complexité des bâtiments à déconstruire, caractérisation des bétons de démolition, recherche d'exutoires… Quelles sont les étapes à franchir pour espérer recycler le béton dans le béton ? Éléments de réponse à destination de la maîtrise d'ouvrage.

TECHNIQUE  |  Bâtiment  |    |  C. Lairy
Recycler le béton dans le béton (2/4) : de la façon de mener un projet de valorisation
Environnement & Technique N°399
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°399
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Quand elle est mobilisée sur des chantiers de déconstruction ou de construction, l'entreprise Neo-Eco (59) se positionne le plus souvent en tant qu'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMOA). À ce titre, elle conseille les propriétaires des bâtiments à construire ou déconstruire, et les accompagne sur la stratégie à mener en matière d'économie circulaire (objectifs de recyclage et de réemploi par exemple).

Responsable de l'activité « Chantier circulaire » chez Neo-Eco, Adrien Lamonier note que des progrès importants sont possibles pour rendre la déconstruction circulaire : « En règle générale, aujourd'hui sur un chantier de déconstruction, l'entreprise travaux vérifie que le béton de démolition n'est pas pollué, réalise un pack ISDI  (1) et vérifie son critère environnemental par rapport à un arrêté ministériel : s'il est inerte, tant mieux, il part en déchets inertes pour valorisation en remblais ou en technique routière ; sinon, c'est le début des problèmes, et la question de la gestion du déchet non inerte se pose. Mais ça ne va guère plus loin. »

“ Les bâtiments très amiantés conviennent très bien pour ce type de valorisation ” Adrien Lamonier, Neo-Eco
Déconstruction : quelle viabilité technique et économique ?

Pour évaluer les possibilités de recycler le béton d'un chantier de déconstruction, Neo-Eco commence par étudier la complexité du bâtiment. Comme ce mode de valorisation exige à ce jour un gisement très pur, sans indésirables de type polystyrène, enduits de plâtre et autres isolants, les bâtiments multifeuilles ou multicouches auront tendance à être écartés. « Devoir désosser un bâtiment couche par couche, ôter tous les éléments de second œuvre pour avoir un béton pur, ça ne vaut pas le coup/coût », relève Adrien Lamonier. Pour éviter les surcoûts économiques en phase chantier, certaines opérations seront ainsi plus favorables que d'autres. « Typiquement, illustre le chargé de projet, les bâtiments très amiantés conviennent très bien pour ce type de valorisation, car leur déconstruction induit forcément un désamiantage important – or qui dit désamiantage important, dit béton nickel, la réglementation imposant que tout le second œuvre soit curé (…). Il n'y a donc aucun surcoût induit pour la maîtrise d'ouvrage. »

Neo-Eco procède aussi à la caractérisation du gisement, avec des analyses physico-chimiques pour déterminer la qualité du béton et donc des granulats/sables qui seront produits. « Par rapport aux essais définis dans les différentes normes, on vérifie que le béton de démolition est qualitatif et qu'il permettra d'atteindre des résultats positifs en phase chantier », explique Adrien Lamonier.

L'enduit de plâtre, materia non grata

Évolution de l'ancienne norme NF 206 issue des retours d'expérience de Recybéton, la norme NF EN 206+A2/CN interdit dans les granulats recyclés le dépassement de la valeur maximale de la teneur en sulfates solubles dans l'eau. « Or la présence d'enduit de plâtre [dans les granulats recyclés] explose le taux, indique Adrien Lamonier, chargé de projet chez Neo-Eco. Les retours des centrales à béton avec lesquelles on a pu échanger ont confirmé qu'un excès de sulfates solubles dans l'eau pouvait avoir un grave impact sur le gonflement à l'intérieur du béton. » Bonne nouvelle selon lui, « l'emploi de plaques de plâtre posées sur des rails dans les constructions récentes permettra, à l'avenir, d'éviter d'avoir à curer, gratter et décaper les murs ».

Dernière précaution à prendre avant d'inscrire ce type de valorisation dans les clauses de marché : s'assurer que le contexte territorial est favorable. « On doit vérifier dans la phase d'études qu'il y aura des exutoires pour cette application du béton dans le béton, qu'il y aura des repreneurs intéressés, détaille l'expert, car ça n'a aucun sens de faire parcourir des milliers de kilomètres aux granulats recyclés. » En phase de chantier, le bureau d'études procède à des analyses plus poussées, « afin de vérifier tous les paramètres définis dans la norme et de s'assurer que les matériaux sont bien conformes à un usage dans un nouveau béton ».

Construction : le frein de la disponibilité

Sur le volet construction, Neo-Eco intervient soit en AMOA, pour accompagner un client souhaitant intégrer des matériaux recyclés, soit en groupement de maîtrise d'œuvre, pour aider l'entreprise de construction à sourcer les matériaux recyclés. Et bien souvent, la volonté du porteur de projet ne suffit pas : la principale difficulté réside dans la disponibilité de matériaux recyclés, à un instant t, et dans un zone géographique donnée. « Souvent, rappelle Adrien Lamonier, on dit que pour des questions de coût, le béton doit parcourir entre 30 et 50 km au maximum entre la centrale où il est produit et le site de construction. Or dans certains endroits, il peut arriver qu'il n'y ait pas de centrales capables de répondre à la demande de béton recyclé. »

Certes, poursuit le chef de projet, « un gisement peut se stocker, mais moyennant un prix qui sera répercuté dans celui du béton. C'est pourquoi l'on tend à maximiser cette valorisation dans les déconstructions : on veut qu'il y ait un gisement continu dans les centrales ».

Dans ce contexte, la volonté des acteurs joue un rôle clé. Adrien Lamonier, qui travaille surtout avec des bailleurs, note que les chantiers associés aux nouveaux programmes de renouvellement urbain (NPRU) définis chaque année par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) se prêtent bien à cette valorisation du béton dans le béton : « Ce sont de gros réaménagements urbains qui amènent souvent un grand nombre de réhabilitations et de déconstructions au sein d'un même quartier ou d'un même territoire (…). Ces opérations permettent de faire des liens avec de futures constructions (…) et d'amener plus facilement des synergies : on sait que l'on pourra réutiliser dans une construction nouvelle les granulats issus d'un bâtiment déconstruit un an auparavant. » Sous réserve que le projet de déconstruction puisse passer en phase chantier, la réintégration des granulats dans les constructions neuves « n'engendre a priori pas de surcoût ».

1. Installation de stockage de déchets inertes

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