La commission de Recherche et d'Information Indépendantes sur la Radioactivité (CRIIRAD) associée à l'association de juriste SHERPA et à Médecins du Monde suit depuis plusieurs années les conditions d'exploitation de ces mines et leurs impacts environnementaux et sanitaires. Dans un rapport rendu public le 4 avril dernier, ces associations accusent la société AREVA de fournir des informations erronées et incomplètes quant aux conditions d'exploitation des mines. Selon la CRIIRAD, il est apparu que les informations données par AREVA sur l'impact environnemental et sanitaire de ses activités ne rendent absolument pas compte de la réalité. Les problèmes concerneraient aussi bien les sites en cours d'exploitation au Niger que les sites réaménagés comme ceux du Gabon.
Au Gabon et plus précisément à Mounana, le CEA puis la COGEMA ont exploité à travers la société COMUF plusieurs gisements d'uranium entre 1958 et 1999. Depuis la fermeture de la mine, AREVA a été chargé de réaménager le site. Début 2007, la société annonçait qu'il s'agissait du premier réaménagement en forêt équatoriale conforme aux standards internationaux. La qualité du réaménagement a été confirmée par quatre missions de l'AIEA effectuées de 2001 à 2006 pour le compte du gouvernement gabonais. Cependant selon la CRIIRAD, le réaménagement des sites a consisté à simplement recouvrir certains secteurs radioactifs de remblais en terre végétale. Les déchets radioactifs sont toujours dans le sol. La CRIIRAD estime donc que la procédure de réaménagement a été totalement insuffisante. Elle rappelle par ailleurs que les frais de ce réaménagement ont été pris en charge par un budget Européen (le Fond Européen de Développement) : AREVA n'est même pas en mesure d'assumer sa responsabilité financière, s'indigne-t-elle. Quant à la vérification de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique, la CRIIRAD remet en cause la neutralité de ces contrôles.
À partir de l'enquête conduite sur place par SHERPA en juin 2006, des témoignages d'anciens travailleurs Gabonais et d'expatriés et des documents consultés par la CRIIRAD, les associations dénoncent également des insuffisances dans les conditions de travail et dans la gestion des résidus radioactifs à l'époque de l'exploitation des mines. Elles estiment que la protection des travailleurs n'était pas correctement assurée, que le suivi médical était inadapté et les médecins non formés. Sur le plan environnemental, la CRIIRAD explique que des bâtiments ont été construits à Mounana avec des matériaux radioactifs (maternité, école, marché) et que plus de 2 millions de tonnes de résidus ont été simplement déversées dans la rivière entre 1961 et 1975.
Au Niger où la SOMAÏR (société des mines de l'Aïr) et la COMINAK (compagnie minière d'Akouta) exploitent depuis respectivement 1971 et 1978 des gisements d'uranium, le constat est lui aussi inquiétant. Suite à leur enquête, les associations témoignent et dénoncent la dispersion de ferrailles contaminées qui se retrouvent sur les marchés des villages, la contamination de l'eau potable distribuée par les compagnies minières par de l'uranium conduisant à une exposition supérieure aux normes de l'OMS, l'accès libre aux déchets d'extraction du minerai laissés à l'abandon sans surveillance, le stockage sans protection contre l'envol des sables radiotoxiques, la protection insuffisante pendant le transport des concentrés uranifères et enfin le déversement en périphérie des villes des ordures des cités minières. Selon la CRIIRAD, les certifications ISO 14001 des deux sociétés fièrement mises en avant par AREVA cachent une réalité qui est loin de correspondre à des pratiques réellement respectueuses de l'environnement et de la santé des salariés et des populations. Au regard de toutes ces informations, la SHERPA estime avoir tous les éléments nécessaires pour lancer une procédure judiciaire.
Pour sa défense, la société AREVA rappelle le lancement en mars dernier de la création d'un observatoire de la santé autour de ses sites miniers notamment en Afrique afin de répondre aux attentes des populations et des parties prenantes. Créé sous l'égide des autorités nationales avec la participation d'organismes scientifiques et d'ONG, cet observatoire devrait inclure notamment un suivi médical des anciens collaborateurs du groupe. Le groupe envisage d'étendre cette veille sanitaire à l'ensemble des mines qu'il opère dans le monde. Nous voulons jouer la transparence absolue, a déclaré à l'AFP Anne Lauvergeon, présidente d'AREVA.