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La mousson africaine passée au crible

Depuis sept ans, le programme d'analyses multidisciplinaires de la mousson africaine (AMMA) tente de décrypter les mécanismes de cette saison des pluies d'Afrique de l'Ouest afin de mieux la prévoir. Les premiers résultats sont très encourageants.

Gouvernance  |    |  S. Fabrégat
   
La mousson africaine passée au crible
© Steven Love
   
Le début de la mousson, c'est le feu vert pour les agriculteurs africains : c'est le moment des semis. Mais pas seulement. La mousson peut également avoir une influence sur le développement de certaines maladies, notamment le paludisme, sur les invasions de criquets… Il est donc indispensable pour le continent africain de pouvoir prévenir, pour mieux guérir. Or, les raisons de la variabilité de la mousson sont encore mal connues et les conséquences de cette méconnaissance sont parfois énormes. Le déficit de précipitations observé sur l'Afrique de l'Ouest et en particulier le Sahel jusque dans les années 90 a eu pour conséquence de très grosses famines, dans les années 85 – 90, explique Jean-Luc Redelsperger, responsable scientifique du programme AMMA (analyses multidisciplinaires de la mousson africaine). Si aujourd'hui l'Afrique de l'Ouest n'est plus dans une période aussi sèche que dans les années 80, elle reste en déficit de précipitations, en particulier à proximité de la façade Atlantique. Et la variabilité interannuelle est très forte : à une année très bonne peut succéder une année très mauvaise. Pourtant, savoir si de fortes évolutions vont avoir lieu et être capable de les quantifier, permettrait aux populations de s'adapter à ces changements parfois brutaux.
Nous avons des difficultés à expliquer le déficit de précipitations mais aussi la variabilité, note Jean-Luc Redelsperger. C'est pourquoi, en 2001, des chercheurs français ont lancé le programme AMMA, qui regroupe aujourd'hui plus de 140 laboratoires africains, américains et européens. L'objectif est de mieux connaître les mécanismes de la mousson africaine, ce qui permettra de mieux prévoir ses variations et ses répercussions sur le climat local, régional et global mais aussi sur les populations, ses impacts sur la santé, les ressources agricoles et les ressources en eau. L'objectif, à terme, est d'améliorer les modèles de prévision météorologique et climatique. Jusqu'ici nous manquions de données, mais aujourd'hui nous avons remis à niveau le réseau d'observation, note le responsable scientifique de l'AMMA.

Comprendre les mécanismes de la mousson

Le fonctionnement de la mousson d'Afrique de l'Ouest repose sur un système où interagissent l'océan, le continent et l'atmosphère. Des chercheurs ont travaillé sur ces interactions afin de décortiquer le mécanisme de la mousson. Leurs travaux ont permis de mettre en évidence que la mise en place d'une langue d'eau froide au niveau du golfe de Guinée précède le déclenchement des pluies de mousson et exerce une forte influence sur la mousson elle-même.
Ces résultats nous donnent l'espoir de mieux prévoir la date des premières pluies, ce que, pour l'instant, nous ne savons pas faire. Je pense que d'ici 5 ans, nous aurons fait des progrès considérables
, commente Jean-Luc Redelsperger. Nous commençons néanmoins à pouvoir donner des conseils sur les semis.
L'objectif est également de pouvoir donner aux agriculteurs des prévisions intra saisonnières. Actuellement, les prévisions que nous sommes en mesure de faire sont insuffisantes pour les agriculteurs. Mais nous commençons à comprendre les mécanismes des pauses sèches - arrêts ou fortes diminutions de pluies qui durent de 10 jours à un mois et peuvent être désastreuses pour les cultures. Le grand enjeu est de pouvoir les prévoir. Cela demandera davantage de temps.

Mousson et changement climatique

La déforestation, la variabilité naturelle du climat, le réchauffement de l'Atlantique, la pression démographique sont autant de facteurs qui ont eu une incidence sur la mousson ces dernières décennies. Nous pensons que l'énorme déforestation qui a eu lieu en Afrique de l'Ouest dans les années 60 - 70, notamment en Côte d'Ivoire où des forêts primaires ont été détruites, a eu un véritable impact sur la mousson. Les sols retiennent moins d'humidité et réfléchissent davantage l'énergie solaire vers l'atmosphère, ce qui diminue l'intensité de la mousson.
Les chercheurs de l'AMMA souhaitent aujourd'hui être capables de prévoir à dix ou vingt ans l'évolution du climat de la région. Normalement, nous devons être capables de le faire à cette échelle là. Mais aujourd'hui, les scenarios du GIEC (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) révèlent des incertitudes sur les zones de mousson, zones qui ont pourtant un rôle capital sur le climat global. Le Sahel est la région où ces incertitudes sont les plus fortes. Il y a d'énormes désaccords : certains modèles prévoient une hausse des précipitations, d'autres modèles prévoient une baisse. Nous tentons aujourd'hui de comprendre ces désaccords, pour à terme être capable d'améliorer les prévisions.
Le programme AMMA a été reconduit pour une période de dix ans, ce qui permettra d'approfondir les recherches sur la variabilité de la mousson africaine et ses mécanismes au profit de l'amélioration des prévisions météorologique et climatique et des scénarii de changement climatique des années à venir. Le programme ambitionne également de mieux diffuser les avancées scientifiques obtenues aux pays d'Afrique de l'Ouest et à leurs populations. Quatorze pays d'Afrique de l'Ouest participent déjà au programme.

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