L'Inspection générale des affaires sociales (Igas) vient de rendre public son rapport consacré aux interactions entre santé et travail. La mission a effectué son analyse à partir de quatre risques, parmi lesquels les nanoparticules. Mais elle établit plus un état des lieux des connaissances sur ces dernières qu'elle ne formule de recommandations nouvelles.
"Les risques liés aux nanoparticules peuvent être qualifiés de risques «paradoxaux»", estime l'Inspection. D'un côté, ils sont classiques par le fait qu'ils sont induits par les produits ou les procédés de travail mais, d'un autre, qu'il sont "très émergents" en raison de "la combinaison de la nouveauté, du manque de recul, et même de l'ignorance s'agissant des entreprises non manufacturières".
Une différence d'approche selon les entreprises
"Le caractère spécifique des nanoparticules a conduit à des difficultés pour faire comprendre aux entreprises qu'elles étaient concernées", souligne le rapport. Ses auteurs constatent en fait une différence d'approche entre les entreprises productrices, très fortement sensibilisées aux risques, et les entreprises utilisatrices qui le sont beaucoup moins. De plus, certaines sont réticentes à reconnaître une utilisation de nanoparticules pour une question d'image.
La taille et la nature des entreprises jouent aussi. En bref, "une entreprise que l'on peut qualifier d'artisanale et qui dans son activité utilise des matériaux de pointe comportant des nanoparticules (fabrication de skis ou de raquettes de tennis par exemple) n'aura pas le même comportement face au risque qu'une des principales entreprises productrice de nanoparticules", résume le document.
Des méthodes de mesure inappropriées
Le rapport cite la conclusion du séminaire de l'Observatoire des micro et nanotechnologies (OMNT) de février 2008, qui semble toujours d'actualité : "on peut résumer l'état des connaissances actuelles en matière d'hygiène et de sécurité des nanoparticules de la façon suivante : on ne sait pas grand chose de leur toxicité, il n'est pas facile de les mesurer dans les ambiances de travail, mais les moyens techniques existent pour s'en protéger efficacement".
• Délimiter, signaliser et restreindre la zone de travail aux seuls salariés directement concernés par la manipulation de nano-objets
• Optimiser le procédé pour obtenir un niveau d'empoussièrement aussi faible que possible : privilégier les systèmes clos et des techniques automatisées
• Capter les polluants à la source (sorbonne de laboratoire, boîte à gants, buse ou anneau aspirant…) et filtrer l'air avant rejet à l'extérieur du local de travail (filtres à fibres à très haute efficacité, de classe supérieure à H13)
• Porter un appareil de protection respiratoire filtrant (filtre de classe 3) ou isolant, une combinaison à capuche jetable contre le risque chimique (type 5), des gants et des lunettes
• Nettoyer régulièrement et soigneusement les sols et les surfaces de travail
• Collecter et traiter les déchets
Pas de réglementation spécifique
Citant l'INRS, le rapport rappelle qu'aucune réglementation spécifique ne régit actuellement la manipulation des nanomatériaux qui peut intervenir aux différentes phases de la production.
Il n'existe pas pour autant de vide réglementaire, ajoute-t-il : "les principes généraux relatifs à la protection de la santé des salariés demeurent applicables, ainsi que les textes consacrés à la mise sur le marché des substances chimiques, médicaments, produits cosmétiques ou aliments". De plus, les nanomatériaux étant des agents chimiques, la réglementation en matière de prévention du risque chimique prévue par le code du travail s'y applique.
"Les particularités des nanomatériaux et l'insuffisance des connaissances sur leur toxicité ont toutefois amené l'INRS à formuler des recommandations sur les mesures spécifiques de prévention à prendre au-delà de ce qui est prescrit par le code du travail", rappelle l'Igas.
Et l'inspection de conclure : "le cas des nanoparticules témoigne des nombreuses questions qui restent à résoudre et de la nécessité d'adapter radicalement les outils dont on dispose face à ce type de risque".