Doit-on éliminer différemment les déchets contenant des nanoparticules ? C'est une des questions auxquelles ont cherché à répondre, à travers le projet NanoFlueGas, les équipes de scientifiques de l'Ineris, l'école des mines de Nantes et Trédi, la filiale du groupe Séché, spécialisée dans la gestion et le traitement des déchets industriels dangereux. Aujourd'hui, il n'existe pas de filière d'incinération spécifique et l'efficacité des procédés d'épuration des fumées vis-à-vis de ces particules n'est pas connue. Le développement des nanomatériaux manufacturés impose pourtant d'améliorer la connaissance de leur répartition, leur utilisation et leur comportement en fin de vie. Selon le dernier bilan de la déclaration R-nano, plus de 1.700 importateurs, producteurs, distributeurs ont indiqué avoir mis sur le marché en 2013 au total près de 400.000 tonnes de substances à l'état nanoparticulairen (275.000 tonnes produites et 122.000 importés).
96% des nanoparticules de carbones filtrées
Lors de la présentation à la presse des premiers résultats de NanoFlueGas, les partenaires ont souhaité se montrer rassurants : l'expérience montre que le système de traitement de fumées issues d'incinération testé retiendrait plus de 96% en nombre des nanoparticules de carbone émises dans les fumées brutes. "Concernant les rejets dans l'atmosphère, en moyenne nous sommes proches de 1 mg/m3, situe Danielle Venditti, ingénieur de recherche dans le laboratoire de Trédi. En prenant une hypothèse défavorable de présence de nanoparticules avec un abattement de 99,9% en massique, nous considérons que l'ensemble des opérateurs – soit 120 unités – relargueraient dans l'atmosphère une quantité inférieure à la centaine de tonnes par an".
Pour obtenir ces résultats, les différentes équipes ont dû contourner plusieurs difficultés. Tout d'abord, les scientifiques ont identifié les gisements de déchets susceptibles de contenir des nanoparticules manufacturées. Aujourd'hui, selon l'équipe de NanoFlueGas, la production annuelle de nanoparticules se compose à 40% sous forme de silice (peinture, détergents, cosmétique, etc.), 39% sous forme d'alumine (cosmétique, catalyse, vernis, etc.), 20% sous forme de noir de carbone (composants électroniques, pneus, encres, équipements sportifs, etc.) et 1% sous forme de dioxyde de titane (TiO2) (peinture, crèmes solaires, détergents).
Trois types de déchets testés
Les scientifiques ont retenu pour l'expérimentation trois types de gisements se retrouvant dans les déchets dangereux représentatifs des flux de déchets réellement collectés et traités, toutes filières d'élimination confondues : la poudre de carbone (noir de carbone), un polymère organo-silicé (mastics et élastomères silicones) et des déchets de peintures en phase aqueuse. "Nous n'avons pas traité l'alumine car nous n'en avons pas retrouvé", précise Danielle Venditti. Ils ont également vérifié leur contenu en nanocharges. Le déchet noir de carbone présente 30% en masse de nanoparticules, le polymère environ 8% de nanoparticules de silice et la masse sèche de la peinture 0,5% de nanoparticules de silicium (silicates de calcium et de sodium).

Une nouvelle population de nano-particules
Quant à la combustion du polymère, il génère un mâchefer composé principalement de silicium et d'oxygène et un aérosol concentré de nano-particules de silice. La particularité de ce dernier ? Il présente deux types de "population" : la première provient de particules de nano-silice initialement présentes dans le déchet et la seconde, nouvelle, est issue de l'oxydation du silicium organique en particules de nano-silice.
L'équipe de scientifiques de l'école des mines de Nantes s'est ensuite intéressée à l'efficacité du système de filtre à manche pour retenir les nanoparticules présentes dans ces fumées. "Nous avons choisi ce dispositif car il est en théorie, avec le filtre électrostatique, le plus efficace pour éliminer les particules et est très répandu", explique Aurélie Joubert, enseignant-chercheur. Les scientifiques ont reproduit en laboratoire les conditions de traitement du dispositif réel (150°C, teneur en eau de 1 à 12%, présence de réactif d'élimination de gaz acide, dioxine et furane). L'aérosol testé reproduit les caractéristiques de celui produit lors de l'incinération du noir de carbone dans le pilote de l'Ineris. "Nous avons choisi le plus défavorable en terme de comportement", justifie la scientifique.
Résultat : le procédé retient 96% en nombre des nanoparticules de carbones émises dans les fumées. "Il est plus facile de capturer des particules de dix nanomètres que de 100 nanomètres, du fait des mécanismes de collecte, précise Aurélie Joubert. Pour un diamètre de 100 nanomètres, nous atteignons 99% de collecte". La portion non émise dans les émissions d'incinération devrait se retrouver dans les déchets solides, les résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères (Refioms). Les premiers résultats de NanoFlueGas ouvrent la voie à de nombreuses questions et autres investigations.