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Peintures réflectives : à chacun sa formule

Augmenter l'inertie thermique des bâtiments grâce à une peinture spéciale est une technique d'adaptation à peu de frais. Sur ce marché, chacun sa formule. Le bilan carbone a aussi son importance, pour une solution identifiée comme « low-tech ».

TECHNIQUE  |  Bâtiment  |    |  G. Boillot-Defremont
Peintures réflectives : à chacun sa formule
Environnement & Technique N°397
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°397
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« Nous n'avons rien inventé ! » Ronan Caradec, fondateur de Cool Roof France, donne le ton de sa mission : remettre au goût du jour ce que les Grecs et les Tunisiens avaient découvert il y a vingt-cinq siècles de cela à propos du pouvoir du blanc pour réfléchir les rayons du soleil. À la lumière des conséquences néfastes en termes de fissures, d'infiltrations et d'inertie thermique sur les bâtiments que présentent les pics de chaleur dus au dérèglement climatique, cette « redécouverte » semble pour le moins opportune. Ronan Caradec la date sur le territoire français à la naissance de son entreprise en 2015. Suivra l'émergence d'Enercool en mai 2020, et de Solar Paint fin 2020.

La meilleure formule ?

À qui aura la meilleure formule ? La valeur ajoutée du produit d'Enercool sont les aérogels de silice, un micro-isolant créé en 1931 et dont l'usage s'est répandu avec la baisse de son prix ces dernières années. Ronan Caradec, lui, préfère miser sur une émissivité la plus faible possible, en remplaçant la silice contenue dans la charge de la peinture par de la coquille d'huître, « ceci afin d'améliorer la réflectivité de la lumière ». Solar Paint partage cet intérêt pour les matériaux bio-sourcés et le réemploi, mais préfère à la coquille d'huître des brisures de verre. Enfin, les polymères fluorés sont utilisés dans la formule conçue par Cool Roof France, « pour que la peinture ne pèle pas sous l'effet des ultraviolets », explique Ronan Caradec, qui assure avoir une approche ouverte et transparente de l'utilisation de cet élément chimique. Nadège Bernard, directrice commerciale de Solar Paint, indique que la peinture vendue par son entité ne contient pas cet élément controversé et pourtant évite le type de dégradation dont Cool Roof France veut se prémunir.

C'est quoi les aérogels de silice ?

Synthétisés il y a une centaine d'années, oubliés, puis relancés dans les années 1980 et aujourd'hui au cœur de la formule développée par Enercool, les aérogels de silice sont considérés souvent comme des matériaux magiques, du fait de leur conductivité thermique plus basse que l'air dans des conditions ambiantes. Tatiana Budtova, enseignante-chercheuse spécialiste de la physico-chimie des polymères et médaille d'argent du CNRS en 2020, rappelle que « les aérogels de silice se fabriquent à partir d'un gel de silice dont on évacue le liquide tout en préservant sa structure et en gardant sa porosité. Pour évacuer le liquide, on utilise en grande majorité le séchage dans des conditions supercritiques. Mais à partir de la fin des années 1990, la communauté scientifique a découvert qu'il était possible d'éviter de passer par ce type de procédé coûteux et de sécher à pression ambiante pour arriver à la structure finale. En effet, il est possible de passer par ce qu'on appelle le "springback effect". Cela consiste à modifier les parois du gel de silice en y ajoutant des liaisons chimiques qui empêchent sa fermeture. Avec la pression induite par le séchage à l'air ambiant, le gel monolithe se casse, et les granules en résultant sont utilisées dans des peintures, comme celle développée par Enercool. Chaque petit granule est un aérogel avec une conductivité thermique très faible, plus basse que la conductivité de l'air. (...) dans mon laboratoire Mines Paris à Sophia Antipolis, nous nous attachons à développer des bioaérogels à base de polymères naturels (cellulose, pectine, amidon, etc.). Pour exemple, les aérogels de pectine ont une conductivité thermique comparable à leurs cousins de silice (0,015 W/mK). Pour l'instant, leur séchage implique l'instauration de conditions supercritiques, mais nous travaillons pour l'éviter. »

Mais la meilleure formule, c'est aussi celle sur laquelle on peut garder la main. Maxime Claval, CEO d'Enercool, aborde le sujet en gardant secrète sa formule, et en ne la brevetant pas, « car dès lors qu'un brevet est posé, il est consultable. Et il est facile de changer sa formule très légèrement pour échapper à la protection qu'il procure », explique-t-il. Enercool a commencé son projet il y a trois ans « en faisant du négoce avec un laboratoire », selon l'expression de Ronan Caradec. Mais désormais, Maxime Claval et ses équipes ont leur propre formule « exclusive et secrète », qui leur permet de « fabriquer chez différents industriels », explique le patron d'Enercool. Ronan Caradec, quant à lui, indique avoir développé en interne la formule de son produit, avec à la clé une agilité dans son utilisation. Enfin, pour réaliser sa formule combinant de la peinture à l'eau et de la brisure de verre, Solar Paint a noué un partenariat avec le fabricant de peintures Maestria. Avec un inconvénient : si Solar Paint peut commercialiser la peinture issue de cette formule, le groupe n'en a pas l'exclusivité. Maestria peut décider d'utiliser la formule conçue grâce au partenariat avec Solar Paint pour fabriquer une peinture sous sa propre marque.

Bilan carbone

Le bilan carbone est aussi au cœur des stratégies. Comme le dit Ronan Caradec, « le remède ne doit pas être pire que le mal ». À cet effet, chacun a lancé des analyses du cycle de vie de sa peinture. Selon l'Inies, la base de données environnementales et sanitaires de référence pour le bâtiment et la RE2020, Cool Roof France a un poids de 4,10 kilos de CO2 par mètre carré de peinture sur toute la durée de vie du produit, et Solar Paint un poids de 3,82 kilos. Enercool, qui n'y est pas référencé, indique un résultat de 1,59 kilo de CO2 par mètre carré de peinture. Sur la question de son absence dans cette base de données, Maxime Claval indique : « Nous avons fait l'analyse de cycle de vie et nous avons le rapport en interne, mais il y a actuellement un "bouchon" pour l'entrée sur la base Inies. Les analyses doivent être validées par des inspecteurs indépendants très peu nombreux en France. Il y a donc des délais d'un an pour la validation. »

Enfin, à la question de l'impact de la production d'aérogels de silice et de leur transport (Enercool se fournissant au Danemark alors que par exemple des entreprises comme Enersens, basée en Isère, produisent ce type de composé) sur le bilan carbone de son produit, Maxime Claval répond : « Il est toujours intéressant d'améliorer notre bilan carbone et il s'avère que la production d'aérogels a un impact non négligeable dans le process complet. Donc s'il est possible de le réduire, cela se réfléchit ! »

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