
© Ineris
Si le projet de loi Grenelle 2, voté fin juin au Parlement, prévoit d'achever l'inventaire des sites pollués ''historiques'' dans l'Hexagone, il entend aussi accélérer le traitement de sites pollués orphelins. Ces friches industrielles sont donc appelées à être réhabilitées et reconverties pour d'autres utilisations. Plusieurs techniques de dépollution des sols ou du moins de stabilisation des polluants sont utilisées pour faire face à ce problème. Si elles peuvent être physicochimiques, thermiques ou biologiques, une autre technique consiste à utiliser les capacités naturelles de certaines plantes pour stabiliser, détruire ou absorber des polluants. Il s'agit de la phytoremédiation qui fait l'objet, depuis les années 90, de nombreux projets de recherche.
Une cinquantaine d'essais sont à ce jour répertoriés en Europe. Le projet de loi Grenelle 2 encourage d'ailleurs l'utilisation de ces phytotechnologies pour réhabiliter les sites pollués. Si la phytostabilisation, relativement récente, doit encore faire ses preuves, cette technique présente pourtant de ''nombreux avantages'', estime l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) : une utilisation de procédés biologiques et d'organismes végétaux, des coûts de mise en œuvre ''considérablement réduits'' par rapport aux techniques classiques, mais aussi des ''procédés agréables du point de vue visuel ou sonore'', selon l'Agence. Des critères ''d'autant mieux acceptés que leur mise en oeuvre est longue et peut durer quelques années''.
L'intérêt du recours aux plantes pour valoriser le foncier
Parmi les projets de recherche figure le programme ''Phytostab'', coordonné de 2007 à 2009 par l'Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques (Ineris), qui visait justement à évaluer l'intérêt de la phytostabilisation dite ''aidée'', lorsque cette technique recourt également à l'utilisation d'amendements (additifs) fertilisants et/ou stabilisants. Cette méthode est ''efficace'' pour dépolluer de façon ''pérenne et écologique'' les sites pollués par les métaux, confirme l'Institut en présentant le 22 juin les résultats de ce projet. Les recherches, cofinancées par l'Ademe et l'Union Européenne, ont été réalisées en collaboration avec l'Ecole des Mines de Douai (Nord). La phytostabilisation ''n'a pas vocation à nettoyer les sols mais permet d'immobiliser et de séquestrer des contaminants dans un sol pollué grâce aux plantes'', rappelle l'Ineris.
L'Institut a mené depuis 2002, une expérimentation à Lallaing (Nord) sur 9 parcelles de sédiments de curage du canal de la Scarpe, pollués au cadmium et arsenic (éléments traces métalliques ''les plus toxiques'') mais aussi, zinc, plomb ou encore cuivre. Sur ces 9 parcelles, trois ont été semées de fétuque rouge et trois de canche cespiteuse : il s'agit de deux herbacées d'Europe du Nord, de la famille des poacées (graminées). Les trois dernières parcelles ont servi de témoins, laissées sans plantation. Aussi, sur chacune des trois parcelles de fétuque, canche et végétation spontanée d'origine, l'une a été traitée avec l'amendement sidérurgique (sous-produit de la fabrication d'acier riche en chaux), l'autre avec l'hydroxyapatite (riche en phosphate de calcium).
Résultats : les polluants ont été absorbés par les racines des deux plantes qui les ont fixés, empêchant leur dilution dans les sols et leur migration vers d'autres végétaux. La canche et la fétuque accumulent en effet le moins de cadmium et de zinc dans leurs parties aériennes, ''diminuant ainsi les risques de contamination de la chaîne alimentaire'', explique l'Institut. Les polluants ne sont en effet pas libérés par les plantes par évapotranspiration ! Les recherches ont également démontré que l'association entre la canche et l'amendement sidérurgique (l'un des deux additifs) s'avère ''la plus efficace'' pour stabiliser le cadmium et le zinc, et réduire ainsi les possibilités de transfert dans le sol (vers les eaux souterraines par exemple).
Outre ses capacités de stabilisation des polluants, la technique permet également ''d'améliorer la biodiversité''. Les résultats montrent que, sur le long terme, le couvert végétal se maintient grâce à la croissance d'espèces spontanées. Ce couvert végétal préserve les parcelles de l'érosion et par conséquent s'oppose à la migration des polluants dans l'air et le sol, précise l'Ineris.
Autre intérêt ''économiquement viable'' : la phytostabilisation aidée permet ''de valoriser le foncier'', souligne Valérie Bert, ingénieur à l'Institut et responsable de l'étude. Aux côtés de la phytoextraction (autre méthode de dépollution par absorption dans les parties aériennes des plantes), ce procédé ''in situ'' apparaît aujourd'hui ''comme une alternative économique et écologique aux techniques de décontamination thermique et physico-chimique'', à condition ''de disposer d'une maîtrise foncière à long terme en raison de la durée de traitement''.