Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Risque inondation : l'Inrae lance un serious game

En voulant à la fois divertir et partager des savoirs, le serious game évolue sur une ligne de crête. Avec à la clé une tension sur le choix des connaissances à transmettre, et du public à sensibiliser.

TECHNIQUE  |  Eau  |    |  G. Boillot-Defremont
Risque inondation : l'Inrae lance un serious game
Environnement & Technique N°396
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°396
[ Acheter ce numéro - S'abonner à la revue - Mon espace abonné ]

Depuis 2021, l'Inrae développe un jeu sérieux (ou serious game) appelé Sim-Mana. Un projet qui a pour objet de sensibiliser élus, personnels techniques des collectivités locales et citoyens aux solutions fondées sur la nature (noues, bassins d'eaux pluviales, etc.) pour faire face aux risques d'inondations dans leur commune. Franck Taillandier, chercheur en aide à la décision, à la tête du projet, a fait la démonstration de son jeu à Marseille, le 9 octobre, et lors du Salon des Maires et des collectivités locales, le 21 novembre dernier, avec un double objectif : tester sa version finale et dessiner ses perspectives pour la suite.

Mécanismes et connaissances

Les phases d'itération successives menées pendant trois ans ont servi à « épurer les mécanismes et connaissances », pour garantir que l'équilibre soit maintenu entre connaissances acquises et plaisir de jouer, et puisse profiter à un public large. Par exemple, la partie submersion marine a été retirée pour ne garder que les inondations par ruissellement et débordement de cours d'eau. Un technicien Gemapi d'une collectivité territoriale de montagne nous explique que ce jeu fait état de « mécanismes classiques de l'hydraulique tel qu'il est possible de les retrouver sur les bassins versants de la Seine et de la Loire par exemple. Mais, il n'aborde pas le cas spécifique des torrents de montagne ». La volonté assumée de l'Inrae de toucher le public le plus large possible sera-t-elle finalement contre-productive ou de potentielles extensions viendront-elles différencier les approches hydrauliques ? On gage que ces questionnements sont dans la tête des équipes et seront déterminants dans leur stratégie de développement.

Comment joue-t-on à Sim-Mana ?

Le premier tour commence par une simulation d'inondation dans une ville fictive. Ensuite les participants – de 5 à 20 personnes, dont les rôles se répartissent entre les différents acteurs municipaux - élaborent plusieurs projets d'aménagements. Ils les défendent ensuite devant le conseil municipal avec deux accords possibles – majorité ou consensus, selon la nature de l'aménagement défendu. À chaque projet, les indicateurs (attractivité, environnement, gestion du risque inondation, accès au logement, infrastructures et services, satisfaction des habitants) sont remis à jour. Le jeu se joue en trois tours, chacun d'approximativement trente minutes.

Avec l'organisation d'une partie sur la version finalisée à Marseille en compagnie d'élus, de personnels techniques et administratifs, Franck Taillandier et son équipe ont, pour la première fois, éprouvé l'expérience de jeu et ses apprentissages hors du cercle restreint de chercheurs ayant participé aux précédents retours d'expérience. L'heure et demie de jeu fut riche d'apprentissages pour les joueurs, comme pour les concepteurs. Pour les joueurs d'abord, à qui il fut demandé de prendre une fonction différente dans le jeu de celle exercée dans la territoriale. « Quand chacun se retrouve à la place de l'autre, il comprend ce qu'il vit, ses contraintes quotidiennes, ses enjeux, et la discussion devient immédiatement plus féconde », indique Franck Taillandier. Pour les concepteurs ensuite. En effet, « l'animateur du jeu Sim-Mana doit être formé aux mécanismes du jeu, mais pas seulement. Il doit avoir aussi de bonnes connaissances en hydraulique et en politiques publiques. Le biais auquel est confronté tout créateur de serious game est de considérer que le joueur auquel il s'adresse a la même culture ludique, scientifique et décisionnelle que lui. Ce qui n'est souvent pas le cas ».

Clément Bachellerie, game designer pour Sledgehammer Games (Microsoft), complète quant à la ligne de crête sur laquelle se positionne tout serious game : « La connaissance acquise par le joueur dépend intrinsèquement du modèle systémique implémenté dans le jeu. Or ces modèles doivent pour être compris et amusants être plus ou moins simplifiés par rapport au monde réel. Si ce delta est acceptable dans un jeu dit de divertissement (par exemple Sim City et son approche de l'urbanisme nord-américain), il est beaucoup plus sensible dans le cas d'un serious game, où la fonction dénotative est première. Il faut par conséquent être vigilant et honnête à propos de ce delta, aussi bien dans la conception du jeu que dans sa communication au joueur. »

Des débouchés à trouver

La Fondation MAIF, dont la mission est de soutenir des projets scientifiques dans le cadre global de la prévention des risques, a cofinancé le projet avec l'Inrae à hauteur de 86 000 euros. Chargé du suivi, Jean-Marc Truffet indique que le projet a attiré leur attention du fait notamment « de son caractère innovant et de l'objectif d'aboutir à une solution pragmatique et utilisable, aspect souvent négligé par les chercheurs ». Avec la présence jointe de l'entité de recherche publique et de la fondation sur le stand de la SMACL, assureur des collectivités territoriales, au dernier Salon des Maires, les partenaires insistent maintenant sur la nécessité de relais de terrain. 

Tout d'abord, parce que la Fondation MAIF n'a pas vocation à suivre les projets qu'elle finance après la phase de recherche, selon Jean-Marc Truffet. Ensuite, car la phase est hautement critique. « Entre la recherche et l'industrialisation, c'est un peu la vallée de la mort… Beaucoup de projets sont contraints alors de déposer le bilan », souffle Jean-Marc Truffet.

Un potentiel passage à vide dont Franck Taillandier espère sortir sans encombre avec notamment un nouveau projet avec l'association Playtime, pour faire de Sim-Mana un véritable jeu de société commercialisable à la demande à l'horizon 2024.

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question au journaliste Guénolé Boillot-Defremont

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager