C'est un nouvel avertissement sur la nécessité pour les aménageurs de prendre correctement en compte la législation sur les espèces protégées. Par une décision du 28 septembre 2023, la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé l'annulation des arrêtés du préfet de la Meurthe-et-Moselle du 16 novembre 2018 qui avaient autorisé les sociétés HLM Batigère et Maison familiale Batigère à déroger à l'interdiction de destruction des espèces protégées.
Ces sociétés projetaient de construire trois bâtiments de logements sociaux, ou en accession sociale à la propriété, sur une parcelle de la commune de Villers-lès-Nancy. Elles avaient déposé auprès du préfet une demande de dérogation au régime de protection des espèces en raison de la présence de salamandres tachetées le long d'un ruisseau à proximité de la parcelle. En octobre 2020, le tribunal de Nancy avait annulé, à la demande d'une association et d'une soixantaine de riverains, les deux arrêtés préfectoraux qui avaient accordé les dérogations aux interdictions, d'une part, de capture temporaire avec relâché et, d'autre part, de destruction des spécimens de salamandres. Les deux sociétés avaient fait appel du jugement.
Même si le projet présente un intérêt public, juge la cour, il ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) suffisante pour justifier une dérogation à la législation sur les espèces protégées. Pour rappel, la RIIPM constitue l'une des trois conditions cumulatives permettant d'accorder cette dérogation, avec l'absence d'autre solution satisfaisante et la condition de ne pas nuire au maintien de l'espèce dans un état de conservation favorable.
Les juges dénient cette RIIPM au projet pour plusieurs raisons. Il n'était pas nécessaire pour atteindre les objectifs, d'intérêt public, d'aménagement durable et de politique du logement social, dès lors que la commune satisfaisait déjà aux exigences de la loi SRU sur le logement social. La société n'a pas donné la preuve que, sans ce projet, ces objectifs ne pouvaient être atteints qu'au détriment des terres agricoles environnantes. Elle n'a pas non plus démontré que la zone urbaine connaissait une situation de tension particulière en matière de logement social. Enfin, les juges ont relevé qu'il existait d'autres sites, moins attentatoires à la biodiversité, permettant le développement de ce type de projets.