Une circulaire, signée par la directrice des affaires criminelles et des grâces, relative à la politique pénale en matière de trafics d'espèces protégées a été adressée le 16 décembre aux procureurs.
La fermeté est de mise face à un trafic qui prend de l'ampleur.
La corne de rhinocéros plus cher que l'or ou la cocaïne
Le commerce illicite des espèces sauvages, "dont les gains sont évalués entre 8 et 15 milliards d'euros par an, contribue à la disparition de la biodiversité, met à mal les efforts des pays producteurs pour gérer leur écosystème, les dépossède de leur patrimoine naturel et culturel, voire menace la sécurité de leurs habitants", relève la circulaire.
En France, en 2012, la gendarmerie a constaté 1.084 infractions pour des atteintes aux espèces protégées ou réglementées, ce qui représente une augmentation de 48,5% par rapport à l'année précédente. La même année, l'Office nationale de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) a relevé 2.576 infractions d'atteinte à la faune et la flore protégées. Les services douaniers, quant à eux, ont constaté, entre janvier 2010 et décembre 2012, 1.850 infractions portant sur les produits réglementés par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites), dite aussi "Convention de Washington". Ces constats ont conduits à la saisie de 29.330 spécimens, 24,2 tonnes de produits divers comme des coquillages et coraux, et près de 5.000 mètres cubes de bois exotique.
De plus, ajoute la circulaire, des opérations "coups de poing" menées notamment sous l'égide d'Interpol, ont mis en évidence le développement de cette délinquance, perpétrée bien souvent par des groupes armés pour s'autofinancer ou financer d'autres groupes rebelles, en Afrique notamment. Il faut dire que des produits tels que la corne de rhinocéros ou la bile d'ours valent parfois plus chers à la revente que l'or ou la cocaïne, relève la ministre de la Justice.
Trafic en bande organisée
Face à ce constat et devant la faiblesse des peines encourues, la loi Ddadue du 16 juillet 2013 (news 18614) a inséré dans le code de l'environnement un article punissant de sept ans d'emprisonnement et de 150.000 euros d'amende le trafic d'espèces protégées commis en bande organisée. "Ainsi, la circonstance aggravante de bande organisée devra être relevée chaque fois que les circonstances de l'affaire le justifieront", demande la garde des Sceaux, ce qui permettra de saisir les juridictions interrégionales spécialisées, d'effectuer des surveillances sur l'ensemble du territoire et de procéder à la saisie des avoirs.
S'agissant d'un contentieux technique, la circulaire demande à ce qu'il fasse l'objet d'un traitement spécifique par le référent "environnement" du parquet en lien avec les différents services spécialisés de l'Etat. "Il est particulièrement important de tenir également compte des aspects patrimoniaux, sociaux et sanitaires de ces dossiers, pour lesquels les qualifications retenues et les pistes d'enquêtes peuvent être multiples", insiste la garde des Sceaux.
Afin d'assurer l'efficacité et la cohérence de l'action menée, cette dernière demande aux procureurs de trouver une articulation adéquate entre la politique pénale mise en œuvre et la possibilité de conclure des transactions sur l'action douanière. En revanche, la conclusion de telles transactions doit être proscrite dans le cas de comportements récidivistes.
Pour les procédures traitées judiciairement, il est demandé aux procureurs de relever de manière systématique les infractions de faux et d'usage de faux, fréquentes en la matière, en sus des infractions au code de l'environnement et au code des douanes. Ces derniers devront en outre "vérifier si les faits sont en lien avec des infractions relatives au travail illégal, à l'exercice illégal de la profession de pharmacien, à de l'escroquerie, de la tromperie, du blanchiment ou de la corruption" et "s'assurer de la réalisation d'enquêtes patrimoniales approfondies dans ces procédures".
Les procureurs devront saisir systématiquement les juges de réquisitions afin qu'il soit statué sur le sort des animaux vivants saisis, "ces spécimens devant faire l'objet de conditions d'hébergement et d'un entretien particulier".
Poursuites systématiques
En tout état de cause, conclut la directrice des affaires criminelles et des grâces, "les responsables des trafics organisés à grande échelle devront systématiquement faire l'objet de poursuites devant les tribunaux répressifs et de réquisitions empreintes de fermeté".
Les procureurs sont tenus de prendre en compte la situation économique de l'intéressé, et la valeur des spécimens en cause pour fixer le montant des amendes requises. Ils devront prendre également en considération les éventuels antécédents douaniers des personnes mises en cause. Enfin, la garde des Sceaux leur demande de requérir toute autre peine utile telles que la confiscation, l'interdiction professionnelle, la fermeture d'établissement ou l'affichage.
