"Une offre du réseau de bus insuffisante - et qui ne peut être améliorée à cause de la congestion importante du réseau routier -, un territoire morcelé par des coupures urbaines, tout cela ajouté à un fort développement territorial d'ici 2014, justifient - dans notre cas - le choix d'un transport urbain par câble aérien", détaille Yoann Rispal, chef de projet de la direction des transports et des déplacements du Conseil Général du Val-de-Marne (94).
Le projet de téléphérique urbain en Val-de-Marne, "le Téléval" prévoit de relier quatre communes à travers les stations du "Bois Matar" à Villeneuve-Saint-Georges, "Emile Combes" dans le haut de Limeil-Brévannes, "les Temps Durables" à Limeil-Brévannes et "Pointe du Lac" à Créteil. Les 4,1 km de ligne au total pourraient voir le jour à l'horizon 2018, selon les porteurs du projet.
" Nous avons comparé cette solution à d'autres comme la création d'un site propre pour le bus, métro, etc. et le téléphérique apparaît comme l'option la plus intéressante", complète Yoann Rispal.
New York (Etats-Unis), Constantine (Algérie), Bolzano (Italie), Medellín (Colombie), Rio (Brésil), différentes villes dans le monde ont opté pour ce mode de transport atypique.
"En France, il n'existe pas de transports collectifs par câble aérien, en revanche, certains projets sont très avancés comme ceux de Brest, Toulouse et Créteil", précise Cécile Clement-Werny, directeur d'études "Systèmes innovants et territoires spécifiques" au centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions (Certu).
Faibles impacts sonores
Outre le franchissement d'obstacles, la faible emprise au sol, ce moyen de transport en commun présente un certain nombre de points positifs. Tout d'abord, les impacts sonores du déplacement des cabines sur la ligne s'avèrent faibles. Les principales sources de bruit se concentrent lors du passage de la tête des pylônes et en station. En se basant sur les exemples de téléphérique de station de ski, une étude du Certu estime qu'à moins de 10 mètres autour d'une station ouverte, le niveau sonore global est compris entre 60 et 65 dB(A) du côté de la zone d'embarquement, et entre 67 et 72 dB(A) du côté départ ou de l'arrivée des cabines. "Les nuisances sonores sont moins importantes que pour un tram, par exemple", assure Cécile Clement-Wern.
Autre élément positif : la fiabilité du service concernant les horaires. "Sa régularité est comparable à celle des métros automatiques de dernières générations qui réalisent 99,5 % des courses théoriques", pointe Yoann Rispal.
D'un point de vue coût, les estimations minimales pour un projet comme le Téléval s'élèvent à 32 millions d'euros HT, selon le chef de projet de la direction des transports et des déplacements du Conseil Général du Val-de-Marne. Pour affiner ce montant, il manque cependant des données comme l'évaluation du nombre de passagers, la capacité et le nombre de cabines, etc. Des études devraient fournir ces informations d'ici la fin de l'année.
"Le téléphérique de Londres avec ses pylônes vrillés en forme d'ADN représente 56 millions d'euros pour 1,1 km et deux stations, celui de Rio avec 6 stations et 3,5 km, 92 millions d'euros, note Cécile Clement-Wern. c'est conséquent mais en regard, le coût d'une ligne de tram est de 25 millions d'euros du km".
L'importance de l'insertion visuelle
Le poste le plus onéreux, selon elle ? Les stations et le travail des architectes pour une insertion urbaine optimale. L'impact de la maîtrise foncière est également à prendre en considération.
Accessibilité à tous publics, conforts des stations, accueils et sécurité des voyageurs, insertion visuelle en milieu urbain sont des aspects à ne pas négliger, selon Cécile Clement-Wern. "Certains projets ont rencontré des problèmes d'acceptabilité sociale : des inquiétudes par rapport à l'intrusion visuelle et la dévaluation des biens immobiliers et l'expropriation", explique-t-elle.
Certaines installations comme le tramway aérien du Complexo do Alemão à Rio de Janeiro ont également été équipées de panneaux photovoltaïques. "Les 152 cabines synchronisées sont autonomes du point de vue énergétique grâce un panneau solaire qui alimente le système d'éclairage et de radio communication", explicite Alexandre Bérard, chargé de communication pour le groupe Poma, constructeur de télécabines.
Survol des propriétés privées
Si ce moyen de transport permet de franchir certains obstacles comme une rivière, une voie ferrée, etc., il se heurte en revanche à une législation française qui interdit le survol des propriétés privées à moins de 50 mètres du niveau du sol. Dans ce cas, l'issue peut être douloureuse pour les riverains : soit un accord avec les propriétaires qui institue une servitude de survol soit une expropriation.
Concernant la sécurité, les dispositions par rapport aux incendies imposent une implantation de ces systèmes dans des zones disposant de rues larges, sans immeubles trop proches, etc.
Le vent, le givre ou les orages sont les aléas météorologiques qui peuvent entraîner une interruption du service. Selon une étude du Certu, les vitesses de vent maximales admissibles par les transports par câble varient de 70 à 110 km/h suivant les systèmes.
Les câbles aériens s'avèrent également des facteurs de mortalité des oiseaux, (risque de collision en vol). Certains dispositifs réduisent cependant ce phénomène.
Enfin, la réglementation concernant la maintenance et les inspections a été calquée sur celles des remontées mécaniques de montagne. Cette surveillance implique des arrêts du système qui pourraient perturber la continuité du service urbain. Sur ce point, le Certu conseille "d'effectuer ces opérations lors de la période de fermeture nocturne du transport par câble ou en fermant le transport par câble quelques heures avant l'heure de fermeture habituelle (…) en cas d'impossibilité, ces opérations doivent être réalisées en période creuse".
"La réussite de la mise en place du transport par câble aérien passe par une restriction de la voiture : réduction du nombre de places de stationnement et la vitesse en ville, pointe Cécile Clement-Werny, nous préconisons également d'intégrer cette solution dans le réseau des autres transports en commun avec un même tarif pour le billet".