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AccueilBruno TassinMicroplastiques : urgence d’une action politique basée sur les nouvelles connaissances scientifiques

Microplastiques : urgence d’une action politique basée sur les nouvelles connaissances scientifiques

Fin mars 2023, une conférence internationale sur l’eau a permis de présenter le bilan du projet européen Limno Plast, créé pour répondre au défi de la pollution microplastique dans les eaux douces. Analyse par Bruno Tassin, professeur d’hydrologie.

Publié le 25/05/2023

Le programme européen LimnoPlast a permis de réaliser la première évaluation complète des sources et des impacts de la pollution des eaux douces par des microplastiques. Mais aussi d’identifier et d’évaluer des pistes de solutions.

L’impact des matières plastiques sur l’environnement[1] est aujourd’hui une question majeure à l’échelle planétaire. Un traité contraignant est en discussion depuis 2022[2]. Il doit déboucher en 2024, sous l’égide des Nations-Unies. Toutefois les enjeux liés aux microplastiques sont moins connus. Ces petites particules[3], dont la taille est inférieure à quelques millimètres et peut descendre au nanomètre, sont inhérentes à l’existence d’objets en plastique et produites de manière involontaire par leur seul usage : port de vêtements synthétiques, usure, fragmentation… La seule ouverture d’une bouteille de boisson en plastique produit quelques milliers de ces microplastiques ! Ces particules ont été détectées dans tous les écosystèmes du monde entier, y compris ceux situés dans les territoires les plus éloignés comme l’Himalaya. Elles se révèlent biodisponibles pour un large éventail d'organismes et peuvent avoir des effets négatifs sur les écosystèmes et, par conséquent, sur la société et l'économie.

La plupart des recherches sur les microplastiques se sont focalisées sur les environnements marins, alors que des travaux pionniers ont montré que les écosystèmes d'eau douce[4] sont fortement affectés par la pollution par les microplastiques et constituent une voie de transfert majeure vers les océans[5].

L’usure des éléments urbains : première source de pollution microplastique

Le programme européen LimnoPlast a eu pour objectif d’aborder cette question, en promouvant une approche holistique dans les milieux continentaux et les écosystèmes d’eau douce européens. Il remet en question les barrières traditionnelles entre les disciplines et les secteurs et combine les sciences environnementales, techniques et sociales, afin d'aborder le problème de ces polluants majeurs depuis leurs sources jusqu'aux solutions potentielles.

Le projet s’est terminé cette année avec la présentation des résultats lors de la conférence finale à l’Unesco à Paris, du 6 au 8 mars dernier. Échanger pendant trois journées, entre les partenaires du programme, mais aussi avec une centaine de participants d’autres horizons, a permis de dresser plusieurs messages clés. Ceux-ci ont ensuite été portés par l’une des doctorantes du programme, Giorgia Caretta, dans le cadre d’échanges qui se sont déroulés en parallèle des journées mondiales sur l’eau[6], organisées du 22 au 24 mars dernier aux Nations Unies à New York.

Des considérations générales ont pu être dégagées. Notamment que les lacunes dans les preuves scientifiques sur les sources et les impacts des microplastiques ne doivent pas retarder l'action politique. Autre constat : l'interdisciplinarité est essentielle pour résoudre le problème de la pollution plastique et seule une équipe d'experts diversifiée peut mettre au point des solutions efficaces.

Le projet a pu démontrer que la principale source de pollution microplastique est l’usure générale des éléments urbains, des textiles, des pneus, des déchets, etc. Les microplastiques pénètrent dans les systèmes d'eau douce par de multiples voies, souvent diffuses, telles que le ruissellement, les dépôts atmosphériques et les débordements d'égouts[7].

De manière générale, ces substances ont des effets néfastes sur les organismes d'eau douce du fait des particules et des substances chimiques contenues dans les plastiques.

Les leviers à activer pour réduire la pollution

Pour limiter cette pollution, le projet a montré que la réduction et réutilisation des plastiques étaient préférables au recyclage. Autres solutions à privilégier : la mise en œuvre du principe pollueur-payeur et de la responsabilité élargie du producteur.

Parmi les pistes techniques identifiées, le programme a souligné que les approches en bout de chaîne (end-of-pipe solutions), telles que le traitement des eaux usées, sont importantes mais insuffisantes pour réduire les émissions de microplastiques. De la même manière, les plastiques biodégradables font partie de la solution, mais ne répondent pas aux attentes en matière de durabilité et d’innocuité. Les plastiques existants doivent être repensés selon les principes de la conception sûre et durable, afin de produire des plastiques réellement « sûrs et durables ».

Point important, le projet a mis en évidence qu’une meilleure information des consommateurs et une orientation de leurs comportements étaient des leviers importants, mais souvent négligés. L'interface science-politique sur les microplastiques doit également être renforcée afin de garantir une prise de décision fondée sur des preuves.

Certains axes nécessitent des améliorations comme la transparence du secteur des plastiques en termes de données sur la production, les flux et les additifs utilisés. De la même manière, la sécurité et la durabilité des alternatives plastiques doivent être évaluées sur la base de normes transparentes.

Enfin, la perspective d’un traité international sur les plastiques peut être perçue comme une grande réussite, mais pour être efficace celui-ci devra être coordonné avec les instruments juridiques existants.

 

Bruno Tassin

Professeur d’hydrologie urbaine à l’École des Ponts ParisTech

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LimnoPlast : un programme européen aux multiples objectifs

 

Le programme LimnoPlast poursuivait cinq grands objectifs. Il souhaitait ainsi fournir la première évaluation complète des sources et des impacts de la pollution des eaux douces, en particulier à l’aval de grandes zones urbaines, très présentes en Europe. Il voulait également proposer des solutions technologiques au problème des microplastiques, y compris de nouveaux procédés pour les éliminer des eaux usées municipales et industrielles et concevoir des polymères biodégradables et respectueux de l'environnement. L’objectif était ensuite de transférer les résultats aux décideurs publics, mais aussi promouvoir un changement de la société en intégrant les contextes économique, législatif et social de la pollution par les microplastiques en eau douce. Dans le même temps, le projet s’est attaché à former des scientifiques pour aborder la question complexe des plastiques de manière globale et de contribuer à la capacité d'innovation et à l'économie circulaire de l'Europe.

Liens à visiter :

Programme LimnoPlast. Conférence Unesco du 3-6 mars 2023: annonce sur le site de l’Ecole des Ponts, informations sur le site de l’Unesco, programme et abstract book sur le site du projet Limno Plast.

Leesu : Débris plastiques : du macro- au micro-plastique.

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[1] NDLR. Voir les articles Plastiques en mer : un problème de taille (1/2), de Dorothée Laperche sur Actu-environnement.

[2] NDLR. Voir l’article L'ONU lance les négociations en vue d'un accord contraignant de lutte contre la pollution plastique, de Philippe Collet, sur Actu-environnement.

[3] NDLR. Voir l’article Plastiques en mer : un problème de taille (2/2), de Dorothée Laperche sur Actu-environnement.

[4] NDLR. Voir l’article Microplastiques : les poissons d'eau douce aussi sont contaminés, de Florence Roussel, sur Actu-environnement.

[5] NDLR. Voir l’article Déchets plastique : Amorce propose des plans territoriaux pour réduire la pollution par les réseaux d'eau, de Philippe Collet sur Actu-environnement.

[6] NDLR. Voir l’article Conférence des Nations unies sur l'eau : « Les engagements ne sont pas à la hauteur des enjeux », de Dorothée Laperche, sur Actu-environnement.

[7] NDLR.Voir l’interview de Romain Tramoy, « Il faudrait ramasser les macroplastiques avant qu'ils ne se fragmentent », par Dorothée Laperche sur Actu-environnement.

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