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La diffusion tous azimut des données sur les matières dangereuses est abandonnée

Industries : le risque terroriste exacerbe l'enjeu de sûreté Actu-Environnement.com - Publié le 26/09/2016

Suivant les conclusions d'une mission d'expertise interministérielle, le Gouvernement abandonne la mise en ligne des données les plus sensibles sur les matières dangereuses. La décision est plutôt bien acceptée.

Industries : le risque terroriste...  |    |  Chapitre 2 / 5
Environnement & Technique N°361 Ce dossier a été publié dans la revue Environnement & Technique n°361
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Suite à la table ronde sur la sûreté des sites industriels, organisée en juillet 2015 par Ségolène Royal, le Gouvernement avait décidé de lancer une mission d'expertise interministérielle relative à l'articulation entre exigence de transparence et impératifs de protection des données contre la malveillance.

Cette mission, menée par l'Inspection générale de l'administration (IGA), le Conseil général de l'économie (CGE) et le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), a remis un rapport d'étape en décembre dernier, suivi d'une note complémentaire en mars 2016.

Approche proportionnée

Les hauts fonctionnaires missionnés se prononcent pour "une approche proportionnée à la sensibilité des informations", révèle Nicolas Chantrenne, sous-directeur des risques accidentels au ministère de l'Environnement, à l'occasion d'une table ronde sur les établissements Seveso organisée le 15 juin par l'Assemblée nationale. C'est-à-dire que les informations rendues publiques très largement n'ont plus vocation à l'être à l'avenir, explique le fonctionnaire.

Le ministère de l'Environnement est effectivement revenu sur sa volonté initiale de mettre en ligne un inventaire des substances dangereuses pour chaque site Seveso. "Les informations ont disparu des sites du jour au lendemain", confirme Sylvestre Puech de la Coordination nationale des associations riveraines de sites Seveso. Avec toutefois des disparités selon les régions d'après les remontées des associations de protection de l'environnement.

Cette décision de limiter l'accès aux données est illustrée, au plan réglementaire, par un arrêté ministériel, publié en février dernier, relatif au recensement des substances dangereuses susceptibles d'être présentes dans les établissements Seveso. Le texte prévoit que ne pourront accéder aux données que les agents "individuellement désignés" de certaines administrations (Dreal, DGPR, ASN, Sdis, DGSC, Commission européenne) pour "les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées". Toute consultation de la base de données doit en outre faire l'objet d'un enregistrement comprenant "l'identification de l'utilisateur, la date, l'heure et la nature de l'intervention".

Un projet d'ordonnance, relatif aux installations classées (ICPE) relevant du ministère de la Défense, prévoit par ailleurs d'introduire dans le code de l'environnement une mesure permettant "d'extraire des procédures de consultation, de participation et d'information du public, les éléments susceptibles de porter atteinte aux intérêts de la défense nationale et à la sécurité publique".

Le retrait des informations sensibles est plébiscité par les industriels qui s'en inquiétaient avant même la survenue des attentats. "L'accessibilité des informations est un vrai défi, on ne peut pas tout mettre sur Internet", justifie ainsi Jean Pelin, directeur général de l'Union des industries chimiques (UIC).

Information dans les instances dédiées

La concertation avec le public doit toutefois rester opérationnelle, indique M. Chantrenne. C'est pourquoi, ajoute-t-il, il reste possible d'avoir des échanges plus précis dans les enceintes dédiées comme les commissions de suivi des sites (CSS). Ou, pour les associations et les riverains, d'obtenir les informations à la demande auprès des services de l'Etat. Le projet de décret sur les PPRT, qui a été soumis à la consultation du public en mai dernier, apporte une correction qui prend en compte cette nouvelle approche, indique le fonctionnaire du ministère de l'Environnement.

Jean-Paul Cressy, délégué fédéral CFDT, ne se dit "pas choqué" par cette procédure de demande, estimant qu'on était allé un peu trop loin dans la mise à disposition des données sensibles au public. Le syndicaliste réclame toutefois un débat sur cette question au sein du Conseil supérieur de la prévention des risques (CSPRT), déplorant qu'il n'ait pu avoir lieu jusque là.

La limitation de la diffusion des données sensibles est également plutôt bien acceptée par les associations de protection de l'environnement, conscientes des menaces qui pèsent sur les sites à risques. Donner les informations sur les risques menaçant les riverains reste primordial aux yeux de Jacky Bonnemains, président de Robin des Bois, mais il lui semble en même temps judicieux de cacher l'information sur les quantités et la localisation des substances dangereuses. A condition toutefois de "flouter" les photos des sites à risque disponibles sur internet, fait-il remarquer.

"Les commissions de suivi des sites n'existent qu'autour des sites Seveso seuil haut", pointe toutefois Maryse Arditi, pilote du réseau risques industriels de France Nature Environnement (FNE), qui rappelle aussi que les associations ne sont pas toujours représentées au sein de ces instances.

Quant à l'obtention des informations auprès de l'Administration, elle ne semble pas toujours facile. Les demandes auprès des Dreal sont à renouveler plusieurs fois, déplore ainsi Sylvestre Puech. "Pour demander une information, encore faut-il savoir qu'elle existe", fait également remarquer Maryse Arditi, qui demande à ce qu'une information grand public reste accessible pour cette raison aussi. "Il est essentiel que l'on puisse obtenir des études de dangers complètes sous forme informatique plutôt que papier", explique aussi la représentante de FNE. Cette question pratique empêcherait, dans bien des cas, la transmission ou l'exploitation des documents.

Une décision conforme à la directive Seveso 3 ?

La limitation de la diffusion des données n'est-elle pas contraire à la directive Seveso 3 ? Cette dernière, entrée en application le 1er juin 2015, prévoit en effet d'améliorer l'information du public. La réponse est clairement négative pour Benoît Jourjon, chef du service de la prévention des risques à la Driee Ile-de-France, dès lors, explique-t-il, qu'il reste possible de demander les informations aux préfectures après une procédure d'identification.

"Si un accident survient et que trop peu d'informations ont été diffusées, l'Etat pourrait être attaqué par les riverains sur le fondement de la directive Seveso 3", envisage toutefois Jacky Bonnemains de Robin des Bois. Mais ce dernier, revendiquant une position très balancée sur le sujet, reconnaît malgré tout la nécessité de prendre des mesures efficaces pour protéger les sites.

Laurent Radisson

© Tous droits réservés Actu-Environnement
Reproduction interdite sauf accord de l'Éditeur.

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