Le renforcement du contrôle des accès sur les sites industriels est l'une des principales réponses à la nécessité de garantir la sûreté. Mais ce renforcement seul ne peut être suffisant.
A l'issue de la table ronde relative à la sûreté sur les sites industriels à risques, qui s'est tenue en juillet 2015, la ministre de l'Environnement a demandé aux exploitants d'établissements Seveso de réaliser une auto-évaluation de leur site avant la fin octobre.
Les exploitants devaient réaliser cette autoévaluation sur la base d'un guide, élaboré par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), permettant d'analyser la vulnérabilité des installations industrielles chimiques vis-à-vis des actes de malveillance. Selon ce guide, la vulnérabilité doit être analysée par rapport aux menaces jugées les plus vraisemblables : vol/détournement de matériel pour un usage ultérieur comme arme, perte de confinement délibérée d'une substance chimique, contamination d'une substance, altération d'un produit ou sabotage d'un système, actes causant la dégradation de biens sensibles, d'infrastructures, de l'activité ou de la valeur d'un site.
Ce guide, qui propose une méthode d'analyse de la sûreté en sept étapes, ne se veut toutefois pas exhaustif dans "l'identification des menaces, des scénarios d'attaques perpétrées par des agresseurs potentiels ou encore des contre-mesures à mettre en place". Basé sur le guide du Center for Chemical Process Safety (CCPS), il s'adresse aussi bien aux établissements de l'industrie chimique désignés comme "opérateurs d'importance vitale" (OIV) au titre du code de la défense qu'à ceux qui ne le sont pas. Toutefois, une méthodologie française spécifique, classifiée au titre du secret de la Défense nationale, existe par ailleurs pour les OIV.
Campagne d'inspection axée sur les menaces d'intrusion
Cette auto-évaluation a été complétée par une inspection de chaque établissement par les inspecteurs des installations classées (ICPE) axée sur les menaces d'intrusion. Le bilan établi par le ministère de l'Environnement est assez satisfaisant en termes de contrôle, de surveillance des accès et de clôturage, a indiqué Nicolas Chantrenne, sous-directeur des risques industriels, le 15 juin devant la commission du développement durable de l'Assemblée nationale. Certains sites présentent toutefois des points d'amélioration qui doivent faire l'objet d'une nouvelle inspection cette année.
Jean Pelin, directeur général de l'Union des industries chimiques (UIC), confirme la mise en place de mesures de criblage et des limitations d'accès à certaines zones sur les sites chimiques. Il rappelle également l'existence d'une habilitation des entreprises extérieures intervenant sur les sites Seveso seuil haut, à travers le processus d'habilitation Mase-UIC. "Ca n'est jamais parfait mais des efforts considérables ont été faits pour améliorer la sûreté sur les sites", estime le directeur de l'organisation professionnelle.
Une approche globale de la sûreté est nécessaire
Le son de cloche n'est pas aussi positif du côté des associations de protection de l'environnement. "Le week-end, les jours fériés, la nuit, trop de sites Seveso sont livrés à eux-mêmes, sous la seule surveillance de caméras dites intelligentes ou de rondes superficielles. Même les clôtures sont trop souvent de simples grillages à poulaillers", déplorait Robin des bois en avril dernier après un accident sur le site CD Trans de Bassens (Gironde). Son président, Jacky Bonnemains, évoque également parmi les mesures nécessaires le criblage des sous-traitants, le filtrage ou encore les enquêtes de personnalité.
"La sous-traitance en cascade est fréquente avec des problèmes de langue et présente des risques accrus lors des chantiers ou des réparations car cela doit aller vite lors de ces phases", confirme Maryse Arditi, pilote du réseau risques industriels de France Nature Environnement (FNE).
"La sécurité des sites Seveso dépend de beaucoup de choses", explique Jacky Bonnemains, jugeant les événements de Berre-l'Etang "extrêmement inquiétants". La nécessité d'une approche globale de la sûreté se révèle finalement assez consensuelle. "La sûreté d'un site Seveso s'inscrit dans une démarche amont avec du renseignement et ensuite une démarche aval avec une lutte opérationnelle contre les agressions, faisant intervenir les industriels mais aussi les forces de l'ordre", explique Nicolas Chantrenne.
Et les parties prenantes savent que la sécurisation des sites à 100% n'est pas possible. "Ce qui est attendu des industriels : ça n'est pas d'arrêter complètement la menace, confirme le représentant du ministère de l'Environnement. Le rôle des industriels, c'est de détecter l'intrusion, de la ralentir et de la signaler aux forces de l'ordre pour qu'elles puissent intervenir en temps utile".
"Un sale coup est toujours possible", confirme Jacky Bonnemains, même si, selon lui, le risque le plus important ne vient pas du terrorisme mais plutôt des anomalies, de la vétusté des installations ou encore des erreurs de manipulation.
Laurent Radisson
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