Les travaux préliminaires de la retenue de La Colombière, à la Clusaz, en Haute-Savoie, ne débuteront pas tant que le jugement sur le fond de l'affaire ne sera pas rendu : c'est la décision qu'ont voté les élus de la commune, mi-août. « Je ne peux pas engager un montant de 10 millions d'euros dans la retenue, alors que nous ne savons même pas, et à quelle échéance, nous pourrons mettre la moindre goutte d'eau dedans », a indiqué Didier Thévenet, le maire de La Clusaz. Une décision d'un moratoire d'autant plus justifiée que l'autorisation d'aménagement a été suspendue en octobre 2022.
Envisagé dès 2016, le projet a en effet provoqué de vifs débats. Il visait la construction d'une nouvelle retenue d'eau d'altitude d'un volume de 148 000 m3 au sud-est du centre de la station de ski. Initialement, l'objectif du projet était de produire de la neige artificielle afin de maintenir l'enneigement sur une partie du domaine skiable : 33 hectares de pistes à l'horizon 2026, puis 41 hectares à plus long terme. Mais après la sécheresse rencontrée en 2018 durant laquelle une partie de l'eau des retenues, normalement utilisée pour l'enneigement, a été affectée à la production d'eau potable, la question de l'alimentation de la population a été intégrée au projet. Finalement, les deux tiers de la retenue de La Colombière seront consacrés à la production de neige artificielle (98 000 m3) et le reste sera réservé à l'alimentation en eau potable de la commune (besoin estimé à 50 000 m3 à l'horizon 2040). Le remplissage de la retenue sera, quant à lui, assuré par de l'eau potable prélevée dans le captage de la Gonière. Celui-ci est aujourd'hui utilisé à la fois pour les besoins en eau potable et pour la neige de culture, avec une priorité pour l'alimentation en eau potable. Le débit de 140 m3/h aujourd'hui autorisé pour le pompage serait porté à 300 m3/h.
Un projet contesté
Pour plusieurs associations, dont France Nature Environnement (FNE), ce projet présente toutes les caractéristiques d'une maladaptation.
Ce besoin d'étoffer le dossier se retrouve également dans l'avis de l'autorité environnementale d'Auvergne-Rhône-Alpes de 2020 : celle-ci demandait des compléments à l'étude d'impact. « Les captages d'eau (dont le captage de la Gonière) et leurs impacts environnementaux sur les cours d'eau et le fonctionnement hydrologique du territoire concerné doivent être étudiés, notait-elle. L'étude des solutions alternatives et la justification des choix retenus restent très sommaires. »
Une autorisation suspendue par le tribunal de Grenoble
En septembre 2022, cinq associations ont déposé un référé suspension auprès du tribunal administratif de Grenoble : elles demandaient la suspension en urgence de l'autorisation accordée à la retenue. Et ont obtenu gain de cause. « L'intérêt public qui découle de la réalisation d'une retenue collinaire, essentiellement destinée à assurer l'enneigement artificiel de la station, est insuffisant à remettre en cause l'urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces qu'il abrite, avec des conséquences qui ne seraient pas réversibles, au moins à moyen terme », a ainsi estimé le tribunal.
En attendant la décision sur le fond de l'affaire, qui pourrait intervenir à l'horizon 2024 ou 2025, la commune de la Clusaz se concentrera sur son projet d'adaptation au changement climatique « Vision 2050 ». « L'économie du ski a porté ce village pendant des années. Elle le portera encore pendant encore quelques années, mais différemment, explique David Périllat, adjoint au maire de La Clusaz. Nous menons une réflexion sur l'adaptabilité de notre domaine skiable. Nous maintiendrons le ski, peut-être durant deux ou cinq mois, et nous développerons des pistes pour permettre que l'emploi et les activités économiques soient garanties. »
Concernant la sécurisation de l'alimentation en eau potable durant cette période, la commune compte sur des pistes transitoires. « Nous mettrons en place des solutions d'appoint pour répondre aux crises ; nous disposons d'une retenue collinaire qui peut être mobilisée grâce à la mise en place d'une unité de filtration », développe David Périllat.