Gérer des alternances de fortes affluences avec des périodes creuses : c'est le défi que doivent relever les stations d'assainissement non collectif (ANC) des eaux usées des aires situées le long des autoroutes. En France, les près de 9 174 km d'autoroutes concédées comptent aujourd'hui 1 001 aires de services et de repos. Dix-neuf sociétés concessionnaires se partagent le linéaire. « Seulement 10 % des aires sont en assainissement non collectif pour le réseau Area, situe Camille Delorme, responsable domaine environnement zone sud à la direction infrastructure patrimoine et environnement du groupe APRR AREA, concessionnaire du deuxième réseau autoroutier français. Sur le réseau APRR, qui compte plus de linéaire en campagne et traverse moins de grandes agglomérations, le taux d'ANC se situe à hauteur de 60 % ».
Pour établir le dimensionnement des stations d'ANC, les gestionnaires de ce type d'installation utilisent les prévisions des pointes de trafic, la probabilité de captage de l'aire, le nombre de sanitaires, etc. Ils s'appuient également sur les prescriptions techniques des collectivités et leur retour d'expériences de terrain. C'est le cas pour une des dernières opérations d'APRR AREA sur les aires de l'Abis et du Granier (sur l'autoroute A43 en Auvergne-Rhône-Alpes). « Suite à un diagnostic, nous nous sommes rendus compte que les micro stations en place étaient obsolètes et sous-dimensionnées pour les gros pics d'affluence », indique Vincent Laguillaumie, chargé du suivi des rejets des entreprises pour la communauté d'agglomération du Grand Chambéry. Les deux aires sont présentes de chaque côté de l'autoroute. Elles disposent de sanitaires, d'une station de distribution de carburant et, pour l'une d'entre elle, d'un restaurant. Auparavant les deux aires étaient chacune équipées d'une micro-station. Une troisième micro-station traitait les eaux usées générées par les toilettes publiques de l'autoroute et par le restaurant.
La solution retenue : un bassin planté de macrophytes
Avec l'aide d'un bureau d'étude, la solution adoptée a été de remplacer l'ensemble par un unique système planté de macrophytes. « La station d'épuration à macrophyte demande moins d'entretien, est capable d'encaisser des charges organiques comme des volumes d'effluents, et est économiquement intéressante car c'est une station mutualisée », argumente Vincent Laguillaumie. La station dispose de deux étages en écoulement verticale avec un système de recirculation. « Un système d'automate gère la charge hydraulique, souligne Camille Delorme. En période creuse, les eaux passent une fois par le lit filtrant. Lors des pics, les eaux recirculent pour améliorer leur filtration ». Les eaux traitées rejoignent ensuite un bassin d'infiltration.
Autre difficulté rencontrée sur les stations-services : un choix inapproprié de certains usagers pour se débarrasser de leurs déchets. « Nous avons un système de dégrillage automatique sur cette station : nous devons vider une poubelle d'environ 200 l plus d'une fois par semaine, regrette Camille Delorme. Nous retrouvons des canettes, des bouteilles, et surtout des lingettes, fléau des installations d'assainissement, qui bouchent les filtres ». Le groupe prévoit de lancer une campagne d'affichage pour sensibiliser leurs clients sur l'utilisation des lingettes.
Concernant la gestion des eaux pluviales du site, celles sur les zones de distribution de carburant transitent par des séparateurs hydrocarbures avant d'être rejetées dans le milieu naturel via un fossé enherbé. « Notre diagnostic nous a montré la présence de pollutions générées par des actes de vandalisme – des vols de gasoil - sur les poids lourds, pointe Vincent Laguillaumie. La pluie lessivait les sols et entraînait la pollution dans les fossés puis la rivière, l'Albane ». Le Grand Chambéry a préconisé d'équiper les deux aires de noues végétalisées. « Le site est surélevé par rapport au milieu récepteur, indique Vincent Laguillaumie. Notre idée est de canaliser dans un caniveau étanche, mais avec cinquante centimètres de terre, le premier flux : la pollution sera filtrée par cette couche de sol, avant que l'eau, par percolation, ne s'écoule et rejoigne le grand bassin d'infiltration ».
Leur réflexion n'a pas pu réellement aboutir sur une uniformisation des prescriptions. « Il est difficile de faire un guide unique, la panoplie de prescription en fonction des collectivités se justifie par le système propre à chacune, analyse Fabien Labaume. À nos yeux, il n'est pas possible que l'opérateur s'affranchisse d'un contact avec la collectivité, pour connaître les enjeux et les contraintes locales et pour adapter les activités de la station-service - distribution/dépotage de carburant, aire de lavage, restauration ».