C'était une décision très attendue. Par les travailleurs exposés à l'amiante qui craignent le déclenchement d'une pathologie liée à la fibre tueuse. Et par les employeurs susceptibles de devoir les indemniser en plus grand nombre qu'actuellement.
La Cour de cassation devait se prononcer sur l'étendue de la réparation du préjudice d'anxiété pour les travailleurs exposés à l'amiante et les conditions de cette réparation. Alors que la Cour avait limité jusque-là cette réparation aux seuls salariés ayant travaillé dans un établissement ouvrant droit à une retraite anticipée (industrie de l'amiante ou chantier naval), la Cour d'appel de Paris avait résisté à cette jurisprudence en accordant, en mars 2018, une réparation à ce titre à des salariés ne travaillant pas dans un tel établissement. En l'occurrence des salariés d'EDF exposés aux poussières d'amiante dans des centrales thermiques.
Préjudice d'anxiété
Le préjudice d'anxiété est défini par la Cour de cassation comme "une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante" amenant les salariés "à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse".
Apporter la preuve du manquement
Que dit la Cour ? Elle étend la possibilité d'une indemnisation à l'ensemble des travailleurs exposés à l'amiante, qu'ils travaillent ou non dans un établissement ouvrant droit à la retraite anticipée, donnant ainsi satisfaction aux salariés et aux organisations syndicales qui les défendent.
En revanche, cette possibilité d'indemnisation reste très encadrée. Le salarié, qui présente un risque élevé de développer une maladie grave du fait de cette exposition, pourra agir contre son employeur pour manquement à son obligation de sécurité.
Mais l'employeur pourra s'exonérer de sa responsabilité en apportant la preuve qu'il a mis en oeuvre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés, conformément à ce que prévoit le code du travail. Si toutefois sa responsabilité peut être retenue, les juges du fond doivent caractériser le préjudice personnellement subi par le salarié pour pouvoir lui accorder une indemnité de réparation.
Faire valoir ses droits
Ce retour au droit commun permet de "mettre fin à des décisions au fondement juridique fragile et tout à fait inéquitable qui refusaient d'indemniser des salariés exposés de façon importante aux poussières d'amiante sous prétexte que leur employeur n'avait pas demandé son inscription sur les listes Acaata (2) ou qu'il n'en avait pas la possibilité, ne dépendant pas du régime général (comme c'est le cas pour EDF)", expliquent les avocats du cabinet TTLA qui défendent des victimes de l'amiante.
"On va enfin avoir des dockers, des ouvriers du bâtiment qui pourront faire valoir leurs droits", s'est réjoui Alain Bobbio de l'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva), rapporte l'AFP. Les syndicats et associations de victimes considéraient la différence de traitement entre les salariés exposés comme "incompréhensible et injuste".