Fin juillet, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a indiqué "[ne pas être] favorable à une poursuite du fonctionnement de l'installation Osiris au-delà de 2015 compte tenu du niveau de sûreté actuel de ce réacteur". La décision a été officialisée via un avis rendu le 25 juillet (1) par le collège de l'ASN.
Néanmoins, un fonctionnement "strictement limité" de cette unité produisant des radioéléments à usage médical pourrait être envisagé en cas de "risque sanitaire avéré et constaté".
Osiris est un réacteur de type piscine d'une puissance autorisée de 70 mégawatts thermiques (MWth), installé sur le site du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) à Saclay (Essonne). "Osiris (…) est principalement destiné à la réalisation d'irradiations technologiques de matériaux de structure et de combustibles", rappelle l'ASN, précisant qu'"il est également utilisé pour quelques applications industrielles, en particulier, la production de radioéléments à usage médical". Il produit notamment le molybdène 99 (99Mo) qui permet d'obtenir le technétium 99 métastable utilisé en médecine.
Le CEA change d'avis
Dans son avis, l'ASN justifie sa décision en invoquant le fait qu'Osiris "fait partie des installations nucléaires les plus anciennes encore en fonctionnement en France", que "l'urbanisation [du plateau de Saclay] se développe et que cette évolution ne peut que se renforcer avec le développement du projet du Grand Paris".
Or, le scénario de fusion du cœur du réacteur Osiris "dimensionne (…) les différents plans d'intervention du plateau de Saclay", c'est-à-dire qu'il constitue l'un des accidents nucléaires les plus graves susceptible de se produire dans les environs de Saclay.
Par ailleurs, l'ASN rappelle qu'en 2006, le CEA a proposé de prolonger le fonctionnement de ce réacteur au delà de 2010. Début 2007, le CEA s'était engagé à cesser son exploitation au plus tard en 2015. En mai 2011, l'ASN avait accepté la demande de prolongation jusqu'à fin 2015.
Mais, "le CEA a évoqué depuis lors son souhait de poursuivre le fonctionnement d'Osiris au delà de 2015 en proposant successivement d'arrêter l'installation en 2018, puis en 2020 et dernièrement en 2018", rapporte l'ASN. Le CEA a justifié ce revirement par "les difficultés de la filière de production de radioéléments à usage médical durant cette période". La production de 99Mo "ne peut être garanti à l'horizon 2018", confirme l'Autorité.
Pas de condition de sûreté satisfaisante avant 2021
Reste que, pour l'ASN, le prolongement du fonctionnement d'Osiris au-delà de 2015 nécessite d'accroître "considérablement" le niveau de sûreté du réacteur. Mais, pour l'instant, le CEA n'a proposé que des "travaux (…) de faible ampleur", rapporte l'ASN précisant "qu'ils ne concernent que l'amélioration, non quantifiable a priori, de l'étanchéité de l'enceinte et qu'ils ne permettent pas de réduire les conséquences du risque de chute d'avion". Quant au dossier de réexamen, dont la présentation par le CEA est annoncée pour juin 2015, il "sera partiel dans la mesure où il ne contiendra pas la majeure partie des études liées à la réévaluation de sûreté".
Plus grave, la faisabilité technique des travaux proposés "n'est pas assurée" et ces travaux "dépendent d'études non réalisées à ce jour". Enfin, "l'état final en termes de sûreté du réacteur serait au mieux défini en 2019 et atteint en 2021, soit plus de six ans après la date d'arrêt définitif actuellement fixée", déplore l'ASN.
En conséquence, l'autorité "n'est pas favorable à une poursuite du fonctionnement de l'installation Osiris au-delà de 2015".
L'ASN entrouvre néanmoins une porte : elle "pourrait examiner, pour la période 2016-2018, une démarche qui limiterait au maximum le fonctionnement du réacteur Osiris, en le réservant au seul objectif de pallier une pénurie de 99Mo".
Pour cela, il faudrait notamment que les autorités sanitaires fassent état "d'un risque sanitaire avéré en raison d'une réelle pénurie de technétium 99 métastable", un radioélément issu de la décroissance du 99Mo. Le fonctionnement serait alors "strictement dédié à la production de 99Mo, à l'exclusion de toute autre activité" et impliquerait "un renforcement adapté de la sûreté".