« Après un mois de mai avec des températures record, la France va subir une canicule marquée d'une précocité inédite », prévient Météo-France dans son bulletin de vigilance national en date du 16 juin. Douze départements sont placés en vigilance rouge et 25 en vigilance orange. « Les 40 °C seront fréquemment atteints, voire dépassés, sur un grand quart sud-ouest, avec de possibles records mensuels de chaleur », prévoit le service météorologique.
« Les salariés qui travaillent à l'extérieur, comme les jardiniers, les salariés du BTP, les ouvriers agricoles… peuvent être exposés, en été, à des contraintes thermiques fortes. En période de canicule, l'ensemble des travailleurs peut être concerné par ces risques », rappelle l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Les effets sur la santé peuvent être des crampes, la déshydratation ou l'épuisement. Le risque le plus grave est le coup de chaleur. « Rare, mais grave, il est mortel dans 15 à 25 % des cas », prévient l'organisme spécialisé en santé et sécurité au travail. « La chaleur peut également agir comme révélateur ou facteur aggravant de pathologies préexistantes, essentiellement cardiorespiratoire, rénale, endocrinienne (diabète…). »
Elle est aussi un facteur d'accroissement des risques d'accidents du travail, pour des raisons physiques (mains glissantes, vue brouillée, etc.), mais aussi psychiques. « Lors de l'exposition à la chaleur, des effets psychologiques/cognitifs sont également observés, comme l'augmentation du temps de réaction, des erreurs ou omissions. Il est toujours plus difficile d'effectuer une tâche demandant de la précision et plus risqué de réaliser une tâche demandant un effort physique important dans une ambiance très chaude », explique l'INRS.
Obligation de sécurité
Face à ces risques, les employeurs sont tenus de mettre en place les mesures qui permettront de protéger les travailleurs exposés. Le Code du travail leur impose, en effet, une obligation de sécurité à l'égard de leurs salariés. Le ministère du Travail vient de rappeler les mesures à déployer :
- mise en place d'une organisation adaptée pour limiter l'exposition : horaires décalés, pauses plus fréquentes, télétravail lorsqu'il est possible,
- mise à disposition d'eau fraîche et potable,
- vérification de la compatibilité des protections individuelles avec les fortes chaleurs,
- contrôle du renouvellement de l'air dans les locaux fermés et surveillance de la température,
- mise à disposition de moyens de protection et/ou de rafraîchissement : locaux rafraîchis, brumisateurs,
- remontée de toute situation anormale à l'Inspection du travail.
Vigilance absolue
Dans le cas des départements en vigilance rouge, situation qui impose une « vigilance absolue » face à « un phénomène dangereux d'intensité exceptionnelle », l'employeur est tenu de procéder à une réévaluation quotidienne des risques encourus par chacun des salariés, en fonction de l'évolution de la température, de la nature des travaux, de l'âge et de la santé des travailleurs. Le ministère du Travail vient de rappeler cette obligation dans une instruction du 31 mai 2022 (1) relative à la gestion des vagues de chaleur. Le Code du travail interdit, par exemple, de façon absolue, d'affecter les jeunes travailleurs à des travaux les exposant à une température extrême susceptible de nuire à leur santé. En fonction des résultats de la réévaluation, le chef d'entreprise doit ajuster la charge et les horaires de travail, en favorisant les heures les moins chaudes, et réexaminer la liste des salariés bénéficiant du télétravail.
Les employeurs sont susceptibles d'être indemnisés ou de bénéficier d'une récupération des heures perdues durant les épisodes de vigilance orange ou rouge. « Les entreprises peuvent alors recourir au dispositif d'activité partielle ou de récupération des heures perdues. Concernant le secteur du BTP, les employeurs peuvent bénéficier du dispositif "intempéries" », détaille le ministère. Ces trois dispositifs ne sont toutefois pas cumulables.
Saisir l'Inspection du travail
Les salariés, de leur côté, peuvent saisir l'Inspection du travail si l'employeur n'a pris aucune disposition, s'ils considèrent insuffisantes les dispositions prises au regard des conditions climatiques constatées ou s'ils se voient opposer un refus en cas de demande d'aménagement, en particulier la mise à disposition d'eau fraîche et de locaux suffisamment aérés. Ce sera à l'inspecteur du travail d'apprécier si les circonstances climatiques et la situation des salariés justifient un aménagement du poste de travail.
Le salarié peut faire jouer son droit de retrait uniquement en cas de « danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». « Dans les situations de travail à la chaleur, une évaluation des risques et la mise en place de mesures de prévention appropriées permet de limiter les situations de danger », estime toutefois l'INRS. Mais cette analyse ne vise que les postes habituellement exposés à la chaleur et non les épisodes de canicule.
« Aucune indication de température maximale au-delà de laquelle il serait dangereux ou interdit de travailler n'est donnée dans le Code du travail », relève l'organisme de prévention. Celui-ci estime toutefois que la chaleur peut constituer un risque pour les salariés au-delà de 30 °C pour une activité sédentaire et de 28 °C pour un travail nécessitant une activité physique. Des températures qui sont largement dépassées durant cet épisode et qui pourraient l'être de plus en plus souvent à l'avenir, au fur et à mesure des manifestations de l'aggravation du dérèglement climatique.