Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

Le formalisme de la déclaration préalable du code de l'urbanisme impose plus qu'une information du maire

Par un arrêt du 10 octobre 2023, la Cour de cassation a confirmé la condamnation pénale d'un maire pour avoir violé son obligation de déposer une déclaration préalable avant la mise en œuvre de travaux publics à proximité d'un site classé.

DROIT  |  Commentaire  |  Aménagement  |  
   
Le formalisme de la déclaration préalable du code de l'urbanisme impose plus qu'une information du maire
Jacques-Henri Robert
Professeur émérite de l’université Paris II
   

La déclaration de projets d'utilisation des sols n'est pas une information donnée en passant et sans cérémonie au maire titulaire de la police de l'urbanisme. C'est un acte administratif important, enregistré dans les archives de la mairie et qui donne lieu à la délivrance d'un récépissé et à une publicité ; il ouvre un délai pendant lequel est conduite une instruction plus ou moins complexe et pendant lequel des administrations étatiques ou des tiers intéressés peuvent exercer des recours au motif que le projet n'est pas conforme aux documents d'urbanisme, ou qu'il devrait faire l'objet d'un permis de construire ; parfois aussi, la déclaration déclenche des consultations et des notifications quand le projet affecte une zone protégée (1) . À l'expiration du délai d'instruction, et sauf recours formé avec succès contre la déclaration, le maire rend une décision d'opposition ou de non-opposition, son silence valant non-opposition (2) .

Le maire d'une commune du Vexin français, peuplée de 178 habitants, avait cru éluder ces embarras administratifs pour un motif que le bon sens, mais non le droit, lui avait inspiré : en effet, le déclarant n'était autre que cette commune dont le conseil municipal avait approuvé l'implantation de six poteaux en béton pour améliorer la distribution d'électricité chez ses administrés ; étant maire, il était évidemment informé du projet qui fut exécuté en 2011. Le procureur de la République, saisi par les plaintes de plusieurs associations, jugea qu'elles ne méritaient qu'un classement sans suite. Mais les plaignants ont cité directement le maire devant le tribunal correctionnel, non seulement du chef de construction illégale, infraction prévue par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, mais aussi de défaut de déclaration de travaux à proximité d'un site classé et encore du chef de détournement de fonds, prise illégale d'intérêts et recel de ce délit et, pour le tout, le prévenu reçut la peine très modérée de 3 000 € avec sursis. Mais sa condamnation par la cour d'appel d'Amiens fut cassée pour deux motifs de procédure : à l'audience, il n'avait pas été avisé du droit de se taire, et la cour n'avait pas entendu les réquisitions du parquet (3) .

Sur renvoi, la même cour d'appel condamna de nouveau le prévenu, qui avait cessé d'être maire, à 3 000 € d'amende, mais sans sursis, et seulement pour violation des codes de l'environnement et de l'urbanisme.

L'erreur de droit commise par l'ancien maire ne pouvait pas l'exonérer, et, faute de publicité de la déclaration, aucune décision de non-opposition, même implicite, n'avait pu être prise, de sorte que les poteaux avaient été plantés en méconnaissance des obligations imposées par le livre IV du code de l'urbanisme. Mais il y avait pire, et c'est ce qui provoqua l'agitation des associations : le village est situé à proximité d'un site classé, avec cette conséquence que le préfet aurait dû être avisé du début des travaux quatre mois avant leur commencement, et la déclaration imposée par le code de l'urbanisme aurait satisfait à cette obligation (4) . La peine encourue à raison de cette omission est de six mois d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende, et pour cette infraction et celle prévue par le code de l'urbanisme, l'ancien maire fut de nouveau condamné à 3 000 € d'amende, cette fois sans sursis.

Le rejet de son pourvoi a éteint l'action publique, mais non pas le procès, car il se poursuit pour juger l'action civile : les associations avaient en effet reçu des dommages et intérêts et l'arrêt est, pour cela, de nouveau cassé sous le visa de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III selon lesquels, d'une part, les tribunaux répressifs de l'ordre judiciaire sont incompétents pour statuer sur la responsabilité d'une administration ou d'un service public en raison d'un fait dommageable commis par l'un de ses agents, et, d'autre part, l'agent d'un service public n'est personnellement responsable des conséquences dommageables de l'acte délictueux qu'il a commis que si cet acte constitue une faute personnelle détachable de ses fonctions. Si la prévention était restée fondée sur les délits contre la probité, comme c'était le cas devant le tribunal correctionnel, la question de la compétence judiciaire pour statuer sur l'action civile ne se serait pas posée ; mais puisqu'il ne s'agissait plus que d'infractions d'urbanisme et d'environnement, les juges du fond auraient dû, selon la chambre criminelle, s'interroger sur la qualification de faute personnelle ou de faute de service des faits reprochés à l'ancien maire. La chambre criminelle invite discrètement la cour de renvoi à préférer la seconde qualification. Des fautes bien plus graves, commises par les maires ou d'autres agents publics dans l'exercice de la police de l'urbanisme ont en effet été considérées comme des fautes de service n'engageant pas la responsabilité de leurs auteurs (5) . A fortiori, le manquement, bien que pénal, du maire du Vexin, devait échapper à l'infamie de la qualification de faute personnelle.

1. Environnement, patrimoine, parcs nationaux, etc. : C. urb., art. R. 420-13 à R. 427-62. C. urb., art. R. 424-13. Cass. crim. 24 sept. 2019, n° 18-83.6824. C. envir., art. L. 341-1 et R. 341-95. Permis de construire délivré dans une zone inondable : CE, 2 oct. 2002, n° 232720 : Lebon T., ministère de l'Équipement et des Transports et Logement ; AJDA 2003, p. 143, note Deffigier C.; BJDU 2002, 309, concl. de Silva I., obs. J. C. B. ; DAUH 2004, n° 732 ; délivrance d'un permis illégal causant un préjudice au voisinage : CE, 24 juill. 2019, n° 417915 : Lebon T. ; AJDA 2019, p. 1610 et 2634, note Bonnefont R. ; RDI 2019, p. 527, obs. Soler-Coureaux P. ; Constr.-Urb., 2019, comm. 108 , note Cornille P.

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager