Jusqu'ici, les études sur la croissance verte se sont généralement penchées sur l'impact qu'auraient les politiques environnementales sur le marché de l'emploi. Naturparif, l'agence régionale pour la nature et la biodiversité en Ile-de-France, entend innover en présentant un rapport sur les emplois liés, plus précisément, à la protection de la biodiversité. L'objectif : recenser et inventorier ces emplois pour, à terme, constituer une filière professionnelle de la biodiversité à part entière.
Ces "bio-emplois" sont définis par Naturparif comme tout poste dont "l'activité ou une part de l'activité contribue à la connaissance, la gestion, la protection, la valorisation et la restauration de la biodiversité de façon intentionnelle ou non, ou contribue à la prise en compte des enjeux de biodiversité dans les autres activités économiques." Ainsi, ils peuvent être directes comme – exemple des plus classiques – , un employé dans un parc naturel. Mais ils sont également en partie induits, et l'étude prend justement garde à ne pas se restreindre aux métiers traditionnellement considérés comme favorables à la biodiversité. Naturparif distingue ici les "emplois induits" en aval et en amont du bio-emploi – dans la filière de la machinerie agricole par exemple –, et les "bio-emplois induits", qui contribuent à leur tour à la biodiversité. Selon l'agence, "pour deux bio-emplois en Ile-de-France, en moyenne, un emploi induit est créé à l'échelle nationale."
5.090 "bio-emplois" directs
Pour l'agence, ce sont 5.090 personnes qui travaillent dans la filière en Ile-de-France. Si l'on comprend les emplois induits, le chiffre grimpe à 7.450. A noter : ces deux derniers chiffres représentent les "effectifs occupés", à savoir des emplois pour lesquels la majorité du temps de travail est consacré à la biodiversité. Les chiffres en "équivalent temps plein" – prenant en compte tout emploi consacré, même pour moins de 50% de son temps de travail, à la biodiversité –, sont plus élevés : respectivement 6.400 et 9.300.
En Ile-de-France, les quelque 5.000 personnes qui se consacrent à la filière biodiversité représentent, par rapport aux 5,5 millions d'emplois franciliens, un emploi sur 1.000. Une répartition à peu près fidèle à l'ensemble du territoire français, puisque la région accueillerait environ un quart des emplois totaux et un quart des bio-emplois du pays.
Finalement, cette part des "bio-emplois" reste mineure. Rappelons qu'en juin, le Service d'observation et des statistiques du ministère de l'Ecologie a évalué à 950.000 le nombre d'emplois verts, dont près de la moitié directement impliqués dans les éco-activités. Les secteurs des eaux usées et des déchets cumulent à eux deux près de 200.000 emplois.
L'agriculture et les services en tête
Au sein de cette filière biodiversité, l'étude de Naturparif permet de situer une large majorité des bio-emplois dans les associations, la recherche & développement et l'administration publique.

A noter toutefois : ce même graphique est sensiblement différent lorsqu'il présente les résultats des emplois "équivalents temps plein": c'est alors l'agriculture qui arrive en tête, avec 30% des bio-emplois.
D'autres secteurs, plus mineurs, sont également concernés de manière transversale par la protection de la biodiversité : production électrique, architecture, manutention d'infrastructures, ou encore, dans le domaine des emplois induits, l'éducation, les transports, l'immobilier, les finances, le commerce, l'industrie automobile, etc. Dans ce dernier secteur des emplosi induits, les services aux entreprises représentent un tiers des emplois.
Les bio-emplois se concentrent donc, en premier lieu, dans les secteurs primaires et tertiaires. Pour cause : le secteur secondaire a tendance à faire appel à des prestataires extérieurs pour ces activités.
Prospectives
Afin de soutenir une filière jugée encore insuffisante, le rapport de Naturparif cherche à mettre en lumière les politiques les plus à même de dynamiser ce secteur. Car la filière biodiversité est amenée à croître aux vues des exigences croissantes en matière de protection de l'environnement. Mais pour l'instant, la biodiversité apporterait bien plus à l'économie que l'inverse: "40% de l'économie mondiale est directement liée à l'utilisation des écosystèmes naturels et semi-naturels et des espèces vivantes", rappellent les chercheurs.
Pour développer cette filière, le rapport conclue donc sur les avantages d'une politique mixte : une politique de la demande d'une part, qui soutiendrait la production d'un petit nombre de secteurs déjà bien avancés dans la protection environnementale, par exemple grâce à des commandes publiques de biens ou de services. Et d'autre part, une politique de l'offre, qui vise à changer, même modestement, les pratiques dans un nombre bien plus large de secteurs, en jouant notamment sur les réglementations.