A Béganne, une commune bretonne de 1.400 habitants, le premier parc éolien citoyen de France devrait sortir de terre courant 2012. Depuis 2002, l'association Eoliennes en Pays de Vilaine (EPV) travaille sur le projet d'implantation de 4 éoliennes de 100 mètres de haut et de 2 MW chacune. Elles devraient ainsi pouvoir alimenter en énergie 8.000 foyers, soit 20.000 personnes, hors chauffage, sur le canton d'Allaire. Une initiative portée par un particulier, Michel Leclercq, qui s'est investi, auprès d'un collectif aussi motivé que lui, pour informer, convaincre et solliciter la participation des riverains à l'implantation de cette ressource énergétique de taille.
"Il n'y a eu aucune opposition au projet, car nous avons organisé très tôt des réunions d'informations et des concertations avec les habitants, afin qu'ils comprennent les enjeux du projet, et nous y avons associé les élus", explique Laurianne Fleury, animatrice de réseau Energies citoyennes. "Nous avions prévu d'ailleurs plus d'éoliennes à l'origine, mais après concertation avec les riverains, nous nous sommes limités à quatre", ajoute t-elle.
Après les études de faisabilité dès 2005, les accords fonciers en 2006, les études d'impact et la constitution du dossier de permis de construire en 2007, l'étape du choix du constructeur aussi a enfin été franchie. EPV a retenu Repower une société qui dispose d'une succursale à Theix dans le Morbihan et qui assurera, entre autres, la maintenance des quatre éoliennes construites à Béganne. Bégawatts sera la société d'exploitation du parc de Béganne.
Selon Laurianne Fleury, "il faut que les Français se réapproprient les questions énergétiques, tout ne peut pas venir du haut, c'est aux citoyens de se mobiliser pour faire aboutir des projets. C'est aussi la raison pour laquelle nous faisons beaucoup de pédagogie".
Reste désormais au collectif breton à rassembler 12,2 millions d'euros, soit 3 millions d'euros par éolienne.
Un financement complexe
Au départ, l'association bretonne a recherché un partenariat avec un opérateur privé, mais rapidement la solution de financer localement le développement s'est imposée. "Le projet d'EPV ne se limite pas à quelques dizaines de personnes capables d'investir plusieurs milliers d'euros, il vise à associer le plus grand nombre de riverains (plusieurs centaines), quel que soit leur niveau d'investissement", explique l'association. C'est ainsi qu'émerge Energie Partagée, un outil financier de placement associé à plusieurs partenaires, avec le soutien de l'Ademe.
A Béganne, Site à Watts (société à capital risque pour financer le développement des parcs éoliens citoyens de Béganne et Sévérac-Guenrouët) réunit vingt-quatre adhérents de l'association et 300.000 euros. Aussi, 400 particuliers se regroupent en 41 Clubs d'Investisseurs pour une Gestion alternative locale de l'économie solidaire (Cigales), ce qui représente un investissement de l'ordre de 700.000 euros. A côté de cela, le Conseil général intègre lui aussi la Sarl à travers sa société d'économie mixte dédiée aux énergies renouvelables.
Finalement, entre 3 et 4 millions de fonds propres seront assurés par les citoyens et les collectivités locales, et EPV va contracter un emprunt de 8 millions d'euros auprès d'un pool bancaire.
Selon l'association, le retour sur investissement se fera au bout de quinze ans. Quant au chantier, il devrait démarrer début 2012, pour une mise en service des éoliennes au premier semestre de l'année.
Le projet en fait naître de nouveaux
"A Sévérac, nous souhaiterions mettre en place une éolienne détenue par des enfants, sur le modèle de nos voisins belges", explique Laurianne Fleury. Dans la petite ville belge de Mesnil-Eglise l'éolienne des enfants est une initiative créée en 2006 par l'association Vents D'Houyet. Soutenus par des subventions européennes, wallonnes et assistés d'un prêt bancaire, 800 enfants ont réuni pas moins de 800.000 euros : leurs parents ont en fait investi 2.000 parts de 100 euros dans la construction de l'aérogénérateur. Ces parts ont permis de financer 25 % de l'investissement, le reste étant pris en charge par des prêts bancaires. Chaque part rapporte 3 % d'intérêts bloqués sur dix ans.
Grâce à son expérience sur le pays de Redon, EPV est aujourd'hui sollicitée pour accompagner des acteurs locaux dans la définition de leur projet éolien citoyen. Deux associations se sont ainsi créées : l'association Eoliennes en Pays d'Ancenis (Eola) en 2010, en Loire-Atlantique, qui propose le développement de parcs éoliens directement financés par les habitants et des collectivités locales. Et l'association Energie des Fées, en Ille-et-Vilaine, sur le territoire de la Communauté de communes au Pays de la Roche aux Fées, où plusieurs Zone de développement de l'éolien (ZDE) ont été définies. L'association souhaite développer un parc éolien citoyen, soutenu par les élus locaux.