Le Danemark rêve d'une île. En juin 2020, le Parlement danois s'est engagé à construire deux « îles énergétiques ». De quoi satisfaire les ambitions énergétiques européennes et élever le développement de l'éolien en mer à un niveau supérieur. Envisagé initialement par le gestionnaire du réseau électrique néerlandais, Tennet, désormais à la tête d'un consortium international, ce double projet s'annonce être le plus ambitieux de l'histoire du Danemark. « L'idée est à la fois d'éloigner davantage les éoliennes des côtes, pour profiter des vents du large et ne pas interférer avec la valeur paysagère du littoral, et d'associer des interconnexions – moins coûteuses en mer qu'à terre – à chaque parc plutôt qu'un simple raccordement à terre », résume Hanne Storm Edlefsen, vice-présidente chargée de ces projets chez Energinet, le gestionnaire des réseaux danois de gaz et d'électricité.
Le hub balte de l'éolien en mer
La première des deux îles n'est pas un mirage : il s'agit de Bornholm, d'une superficie semblable à celle de Grande-Terre en Guadeloupe et située en mer Baltique, à environ 200 kilomètres de Copenhague. L'objectif du Danemark est d'y construire un poste de raccordement électrique et d'y relier, entre 15 à 20 km au sud-ouest de la côte, deux à trois parcs éoliens en mer d'un gigawatt (GW) chacun (en plus d'un premier parc indépendant de 100 mégawatts, à 5 km de la côte, prévu dès 2025) à l'horizon 2030. Première étape : le gouvernement danois devait désigner un développeur pour l'ensemble des infrastructures électriques, en septembre 2023.
interconnexions à chaque parc plutôt qu'un simple raccordement à terre
Et une coûteuse aventure en mer du Nord
Le projet jumeau, épinglé en mer du Nord, se rapproche pour le moment davantage de l'illusion. L'intention est la suivante : rattacher entre trois et dix parcs éoliens (soit 3 à 10 GW) à une île artificielle construite de toutes pièces à plus de 80 kilomètres à l'ouest de la péninsule du Jutland. Cette île, baptisée Energiø Nordsø, appartiendra pour au moins 50,1 % au Danemark. Du reste, l'espace, dont la gestion sera accordée à Energinet, pourra être « loué » à des investissements privés pour y développer, par exemple, des sites de production d'hydrogène vert. De multiples interconnexions sont, par ailleurs, en réflexion : avec le Royaume-Uni, sur la route du prochain interconnecteur Viking Link, dont la mise en service est déjà anticipée pour début 2024, avec la Belgique et sa propre île énergétique dans sa future « zone Princesse Élisabeth » d'éoliennes en mer, ou encore avec l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède.Le coût de l'ensemble du projet (en comptant les dix parcs éoliens) est estimé à environ 28 milliards d'euros. L'île doit en principe émerger en 2033, mais l'investissement nécessaire semble effrayer un tantinet les autorités. Le 28 juin, le gouvernement danois a finalement décidé de reporter une seconde fois l'ouverture de l'appel d'offres censé permettre la sélection d'un constructeur. Il a jugé le projet de cahier des charges, qui devait être publié avant l'été, « trop coûteux pour l'État ». Celui-ci misait sur la construction d'une île semblable à une immense plateforme pétrolière « endiguée » pour plus de 6,7 milliards d'euros. Un nouveau concept « plus flexible » devra être soumis, puis validé « avant la fin de l'année ». À en croire sa spécialiste Hanne Storm Edlefsen, le gestionnaire électrique danois réfléchissait déjà à une structure s'appuyant sur des « caissons modulaires » posés au fond de l'eau peu profonde de la mer du Nord, à l'image de grands conteneurs remplis de pierre ou de béton. Une solution façon Lego, le champion danois des petits jeux de construction, qui pourrait faire économiquement l'affaire.