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Éolien : les PPA, un marché en plein essor

L'instabilité des marchés de l'énergie a suscité un nouvel engouement pour les PPA. Mais face à la diversification de la demande, l'offre peine à suivre. La sécurisation des projets est également primordiale pour faire baisser les prix.

Energie  |    |  S. Fabrégat
Éolien : les PPA, un marché en plein essor

Avec la crise énergétique et l'envolée des prix sur les marchés, les Corporate PPA (Power Purchase Agreement) connaissent un nouvel engouement. Ces contrats privés, passés généralement entre un producteur d'énergies renouvelables et un consommateur, sont désormais perçus comme une manière de sécuriser les prix de l'énergie à moyen terme. « La France est en retard sur les PPA. On vivait depuis longtemps dans l'illusion d'une stabilité des prix de l'énergie. Mais depuis six mois, on sent que c'est un sujet pressant », constate Philippe Bozier, associé et spécialiste du financement de projets du cabinet de conseil Mazars.

Les PPA conclus ces dernières années en France concernaient surtout de gros consommateurs d'électricité, soucieux de décarboner une partie de leur activité dans le cadre de leur politique RSE. Désormais, de nombreux acteurs, y compris les collectivités territoriales (1) , voient ces contrats comme une manière de sécuriser leur approvisionnement énergétique. « Avec la crise énergétique, les entreprises ont cherché des instruments pour éviter la grande volatilité des prix sur les marchés. Un contrat de type PPA, à plus long terme, contracté a un prix fixe, donne une lisibilité et une stabilité recherchée par beaucoup d'acteurs », confirme Anne Idiart, d'Engie Global Energy Management & Sales (GEMS).

“ Un contrat de type PPA donne une lisibilité et une stabilité que beaucoup d'acteurs recherchent ” Anne Idiart, Engie GEM
Côté producteurs, les PPA sont vus comme une nouvelle source de financement des projets alors qu'à terme, les dispositifs de soutien publics sont voués à s'éteindre. « Le marché des PPA doit permettre de catalyser un certain nombre d'investissements sur lesquels le groupe se projette », explique Stéphane Pirotte, responsable des ventes Europe d'Engie GEMS. La Commission européenne, dans sa réforme du marché de l'électricité, s'est, elle aussi, emparée du sujet. Elle y voit un moyen d'accélérer la transition énergétique en s'appuyant sur les financements privés.

Des premiers gros PPA…

En France, le marché des PPA est encore balbutiant. Les premiers ont été annoncés en 2019 et signés par de grands groupes (Metro, SNCF Énergie, Boulanger…). Depuis, les signatures se multiplient et la demande va croissant ces derniers mois. S'il est difficile d'avoir une idée précise de ce marché de contrats privés, quelques grandes tendances sont néanmoins observées par les acteurs du marché de l'énergie. Si les premiers PPA signés en France « concernaient des actifs existants qui sortaient du mécanisme de soutien, aujourd'hui émergent les PPA sur les nouveaux actifs renouvelables, souligne Félix Reynaud, président d'Agregio Solutions. Ils portent sur des échéances de dix à quinze ans, équivalentes à la durée de vie des actifs. »

Des mécanismes pour sécuriser et démocratiser les PPA

Les pouvoirs publics réfléchissent à la mise en place d'outils pour sécuriser les PPA et les démocratiser. Un fonds de garantie, géré par Bpifrance, a été instauré récemment en France pour prévenir les défaillances et sécuriser les projets, ce qu'a déjà fait l'Espagne. « Cela peut accélérer le déploiement des PPA et faire baisser les prix », analyse Philippe Bozier. Le Royaume-Uni a de son côté opté pour un mécanisme hybride, qui permet aux producteurs de conjuguer soutien de l'État et PPA. Une possibilité ouverte par la loi d'accélération des énergies renouvelables pour les producteurs bénéficiant à l'avenir de contrats d'achat ou de complément de rémunération. Quant à la Grèce, elle a mis en place un fonds pour financer les projets ENR, dont la production peut ensuite être revendue via des PPA (ce qu'exclut le système de soutien actuel en France).
Globalement, il existe deux types de PPA : les contrats physiques, qui portent sur un ou plusieurs parcs de production associés ; et les contrats financiers (ou virtuels), qui sont dissociés d'une production physique. « En France, en nombre, les PPA conclus sont majoritairement des contrats financiers. Il s'agit de contrats d'achat et de vente entre deux acteurs privés, sans actif de production associé même si, souvent, des accords d'achat sont conclus avec des producteurs de renouvelables », explique Philippe Bozier. En revanche, les plus gros PPA, annoncés publiquement, sont généralement des PPA physiques, « qui permettent de financer de nouveaux actifs et ont donc un réel effet d'additionnalité sur les énergies renouvelables », poursuit l'expert.

Les plus gros consommateurs sont plus à même de souscrire un projet renouvelable complet pour couvrir leur consommation. Mais le choix entre ces deux modèles ne dépend pas seulement du volume de consommation. « La différence se fait souvent sur la concentration de la consommation de l'acheteur. Si c'est un industriel qui dispose de deux ou trois gros sites de consommation, les PPA physiques peuvent être mis en place plus facilement. En revanche, ça devient compliqué si l'acheteur a une multitude de points de consommations à couvrir », explique Stéphane Pirotte, d'Engie GEM. À l'instar d'Amazon, qui possède des centres de données, des sites de logistique ainsi qu'une flotte d'engins électriques.

Enfin, les PPA peuvent porter sur des prix fixes (privilégié car cela apporte de la sécurité aux deux parties) ou des prix indexés sur le marché (généralement quelques pour cent de moins).

… à une diversification de la demande

Avec la crise énergétique, de nouveaux acteurs s'intéressent aux PPA : les entreprises de moins grande envergure, les collectivités... « Il y a une récente vague de PPA qui concerne des entreprises de taille plus réduite, qui se rassemblent sous un même groupement d'achat pour concurrencer les gros acheteurs », observe Stéphane Pirotte. De même, certaines initiatives sont prises au sein d'une même chaîne de valeur, constate sa collègue Anne Idiart : « Des acteurs majeurs, qui ont déjà souscrit des PPA, vont chercher à adosser ce type de contrat à leur chaîne de valeur, toujours dans une stratégie de décarbonation de leur activité, mais cette fois-ci du scope 3 (2) . On voit des initiatives pour embarquer les fournisseurs dans ce type de démarche, que cela concerne des petites ou des moyennes entreprises. » Des collectivités envisagent également de s'associer à des entreprises de leur territoire pour augmenter leur volume d'achat et leur permettre ainsi d'accéder aux PPA. « Le principe est de mutualiser la capacité de négociation. Mais chaque entreprise ou acteur signe, in fine, son propre contrat et gère ses propres risques », souligne Stéphane Pirotte.

En 2021, Engie Solutions a permis à une dizaine de clients variés (collectivités, industriels, centres commerciaux, hôpitaux…) de racheter la production d'un parc solaire mis en service dans l'Aude. « Quels que soient la taille de l'entreprise ou de la collectivité, la durée ou le volume de ses besoins, chacun bénéficie ainsi des avantages du PPA, qui reste souvent réservé à de grands volumes de consommation », explique l'entreprise. Face au succès de cette initiative, le groupe a annoncé récidiver avec trois nouveaux parcs solaires, pour des contrats de vingt à vingt-cinq ans.

Un déficit d'offres ?

Face à cette demande croissante, les producteurs peinent à répondre. « Il y a un changement d'équilibre du marché. Aujourd'hui, on est plutôt dans un déficit d'offres par rapport à la demande », explique le président d'Agregio Solutions.

Le temps long de développement des projets renouvelables est un premier frein. D'où l'avantage, pour l'instant, aux projets photovoltaïques, moins longs à développer que les parcs éoliens. Même si les projets faisant l'objet d'un PPA ont moins de contraintes que ceux postulant aux appels d'offres CRE. Globalement, le temps de développement serait réduit de six mois à un an, estime Philippe Bozier. « Nous sommes face à deux horizons de temps différents. Engie a des objectifs ambitieux en termes d'ENR d'ici à 2025 et 2030 (respectivement 50 et 80 gigawatts). En face, les entreprises qui s'engagent pour le climat sont de plus en plus nombreuses et cherchent des solutions à court terme. Ces deux horizons se heurtent et créent un goulot d'étranglement », note Anne Idiart. Le deuxième frein réside dans les tensions actuelles que rencontrent les producteurs. « Les industriels européens sont saturés et les temps d'approvisionnement sont longs », explique l'expert de Mazars.

Enfin, troisième obstacle et non le moindre : l'accès aux financements. Les banquiers prêtent plus facilement à des projets lauréats d'un appel d'offres CRE, plus sécurisés. Résultat : pour les PPA, les banques prêtent moins, sur de plus courtes durées, et à un coût plus élevé.

Des freins à lever pour multiplier et diversifier les PPA

Conséquence : « En France, on se dirige vers des PPA de plus longue durée, qui semblent copier les contrats CRE. En Espagne, où ils sont très développés, ces contrats sont conclus pour huit à douze ans, montés et financés assez rapidement. Les banquiers français sont plus frileux », observe Philippe Bozier.

Mais des contrats plus longs impliquent une certaine rigidité : « Si les producteurs sont davantage sécurisés avec des contrats longs, pour les acheteurs cela signifie s'engager sur un prix pendant vingt-cinq ans, avec le risque d'un bouleversement du marché entre-temps ». Ces contrats longs excluent également de fait de nombreux acteurs qui n'ont pas les épaules assez larges pour garantir leur pérennité à cet horizon… « Tous les acteurs ne peuvent pas entrer dans un schéma d'engagement de quinze ans voire plus, reconnaît Félix Reynaud, d'Agregio Solutions. Sur le marché français, les acteurs actuellement engagés sont plutôt des grandes entreprises qui cherchent des leviers pour répondre notamment à des enjeux financiers, au-delà d'enjeux de transition énergétique. »

Pour sécuriser les projets et leur financement, la plupart des PPA sont signés sur le modèle « pay-as-produced », c'est-à-dire basés sur la production renouvelable réelle (où le risque est partagé), plutôt que « baseload », (basés sur un volume d'électricité fixé à l'avance), qui fait davantage porter le risque de non-fourniture au producteur. Dans ces contrats, l'intermédiaire joue également un rôle clé. « On est là pour dérisquer et gérer la variabilité. Il faut transformer la production intermittente afin qu'elle corresponde au profil des consommateurs : cloche solaire, bandeau de consommation, portefeuille de flexibilité… D'où l'intérêt d'EDF d'être à la fois producteur, fournisseur et agrégateur », explique le responsable d'Agregio Solutions. Un avis partagé par Stéphane Pirotte, d'Engie GEMS : « Le juge de paix des prochaines années sera l'agrégateur, capable de mettre en adéquation l'offre et la demande, de gérer la flexibilité des renouvelables. Cela passera par l'émergence des batteries, de l'hydrogène. Nous ne sommes qu'au tout début de l'aventure. »

1. La loi d'accélération des énergies renouvelables a supprimé les freins
à l'accès aux PPA par les collectivités, en levant la limite de durée des marchés publics de l'énergie. Celle-ci peut désormais être fixée en fonction de la durée d'amortissement des installations nécessaires à leur exécution.
2. Dans le cadre d'un bilan des émissions de gaz à effet de serre d'une entité, le scope 1 concerne les émissions directes ; le scope 2, les émissions directes liées à la consommation d'énergie ; et le scope 3, les autres émissions indirectes (approvisionnement, transport…).

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