Six mois après son lancement, la première tranche de l'appel d'offres éolien offshore (1) d'une capacité de 3 GW est désormais close. Comme attendu, dix dossiers de réponse, portés par trois consortiums différents sont dans les mains de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) qui aura la tâche d'attribuer les cinq zones concernées en avril prochain.
Au total, pas moins de 600 éoliennes seront installées au large des côtes de la Manche et de l'Atlantique, et ce, pour un investissement qui est estimé par l'Etat à environ dix milliards d'euros. Malgré la possible création de richesse et d'emplois grâce au développement d'une véritable filière industrielle en France, plusieurs voix s'élèvent contre ce projet qui ne laisse personne indifférent.
Réunissant des particuliers et plusieurs centaines d'associations opposées à l'implantation , la Fédération environnement durable (FED), par l'intermédiaire de son président Jean-Louis Butré, estime que les retombées annoncées par le Gouvernement ne sont qu'un "mensonge d'Etat". Selon les résultats de certains travaux menés par la FED, "l'ensemble du programme en mer dépassera les 20 milliards d'investissement pris sur la facture des ménages", ce qui aurait pour conséquence d'augmenter fortement le tarif de l'électricité alors que "trois millions de personnes sont déjà en situation énergétique précaire".
Une pollution visuelle difficile à juger
Les opposants reprochent également à l'éolien offshore, qu'ils considèrent comme une source de pollution visuelle, de dégrader les paysages du littoral français et plus largement l'environnement. Le collectif Pour un littoral sans éoliennes (Pulse) rappelle ainsi qu'"un seul parc représente la surface de Paris et qu'il est composé de plus d'une centaine d'éoliennes géantes de 150 mètres de haut installées le long des côtes dans des sites emblématiques comme la baie de Somme, les falaises d'Etretat, les plages du débarquement, la Baie de Saint Brieuc ou face à La Baule, la plus grande plage d'Europe". Un argument à relativiser, sachant que les aérogénérateurs seront installés à 30, voire 40, kilomètres des côtes.
Un rapport qui prône l'abandon des projets offshore britanniques
Publié en début de semaine par le think tank britannique Civitas, un rapport sur l'énergie éolienne remet en cause la pertinence de son utilisation. Cette étude avance ainsi que cette énergie serait chère et inefficace, et augmenterait les émissions de gaz à effet de serre des centrales à gaz qui, couplées aux champs éoliens, assurent la production d'électricité en l'absence de vent. En effet, en fonctionnant seules, les centrales à gaz les plus efficaces émettent désormais moins de CO2 que l'éolien couplé au gaz. "S'il n'y avait pas les objectifs fixés par la Directive des énergies renouvelables, l'éolien ne serait même pas recevable comme moyen rentable de production d'électricité ou de réduction des émissions", conclut le rapport rédigé par l'économiste britannique Ruth Lea, qui recommande au gouvernement britannique d'abandonner ses projets éoliens offshore. "Non soumis à l'évaluation des pairs", ce rapport a de plus été critiqué dès sa parution par la très grande majorité des scientifiques britanniques et européens.
La filière touristique en péril ?
Par ailleurs, l'Umih, qui a rejoint dernièrement le collectif Pulse, dénonce "la non-concertation et la mise en péril de toute la filière touristique notamment de son million d'emplois que provoquerait le lancement du premier projet de cinq parcs éoliens offshore". De tels propos restent en total désaccord avec les actions entreprises par les différents consortiums. En effet, pour éviter des tensions avec la population locale, de nombreuses réunions d'informations et de sensibilisation ont été organisées par les industriels et les collectivités concernées. "Depuis juin, plus de 120 entretiens ont été mis en place pour favoriser l'acceptabilité de ce type de projets", indique Jean-Christophe Chomette, directeur général d'Iberdrola France. Ce dernier précise également que la visite d'un parc éolien représente une opportunité de développer une nouvelle activité touristique. Des contacts auraient même été établis avec des sociétés possédant des flottes de bateaux ou d'hélicoptères afin d'organiser des excursions dans ces parcs.
Les arguments de l'industrie éolienne ne risquent pourtant pas de réussir à faire fléchir la position de certains opposants comme l'Umih qui appelle dans un communiqué de presse, l'ensemble des acteurs touristiques à se "mobiliser en dressant un rempart humain contre l'installation de 1 200 éoliennes sur nos mers et mettre fin à cette supercherie environnementale, car d'autres solutions énergétiques alternatives existent". Encore faudrait-il préciser lesquelles…