Le rapport Eurobaromètre sur les biotechnologies a été rendu public le 11 novembre. Il détaille sur plus de 400 pages, annexes comprises, les résultats d'une enquête réalisée début 2010 auprès de plus de 26.000 citoyens issus des 27 Etats membres et de pays proches. La London School of Economics a été chargée de coordonner l'analyse des données recueillies.
L'analyse débute avec une étude de l'opinion des Européens concernant les technologies afin d'établir une comparaison avec les résultats spécifiques aux biotechnologies. "Les technologies directement liées à l'environnement sont considérées par les répondants comme les plus positives", notent les auteurs du rapport. Avec 87% de réponses favorables, le solaire arrive en tête, suivi par l'éolien (84%) et les technologies de l'information (77%). Les biotechnologies et le génie génétique obtiennent 53% d'opinions favorables et devancent les nanotechnologies (41%) et l’énergie nucléaire (39%) situées aux deux dernières places. S'agissant de la France, les personnes considérant que les biotechnologies auront un impact positif s'élèvent à 55%. À noter qu'un document détaille les résultats français.
Les Européens globalement opposés aux OGM
Le premier point abordé concerne les aliments génétiquement modifiés, c'est-à-dire les aliments incorporant des organismes génétiquement modifiés (OGM). Il se dégage de l'analyse qu'une large majorité d’Européens (84%) a entendu parler de ces aliments et que les avis sont majoritairement négatifs. Ainsi, 70% des Européens considèrent que ces aliments ne sont fondamentalement pas naturels et 61% sont "mal à l'aise" par rapport à ces produits. De même, 53% des personnes interrogées considèrent qu'ils représentent un danger pour l'environnement, 59% jugent qu'ils ne sont pas sans danger pour leur famille et 58% jugent qu'ils ne sont pas sûrs pour les générations futures. Seuls les Tchèques et les Slovaques estiment à plus d'un tiers de la population que les OGM ne présentent pas de danger pour l'environnement, avec respectivement 41% et 35% d'opinions favorables. En France, les citoyens jugeant les OGM sans danger pour l'environnement représentent 15% de la population. Enfin, s'agissant de savoir s'il faut encourager le développement des aliments génétiquement modifiés, l'Eurobaromètre note que "sans surprise au vu des réserves mises au jour précédemment, une majorité de 61% des répondants ne soutient pas cette opinion contre 23% seulement qui y sont favorables."
Par ailleurs, le baromètre européen consacre une partie spécifique au transfert de gènes c'est-à-dire à la technologie consistant à intégrer à un organisme du matériel génétique provenant d’un autre organisme. L'étude mesure tout d'abord la connaissance des Européens à l’égard du transfert horizontal de gènes au travers de l’exemple de l’introduction artificielle dans un pommier d’un gène résistant provenant d’une autre espèce. Les avis sur cette technique apparaissent mitigés puisque 43% des personnes interrogées y sont favorables et 45% s'y opposent. Un résultat très proche de l'opinion exprimée par les Français (43% de personnes favorables et 46% d'opposants). S'agissant de la commercialisation des pommes obtenues par cette méthode, la moitié des personnes interrogées estime que cela présente des risques et seulement 30% considèrent ces produits comme sans risque. De même 43% des personnes interrogées pensent que le transfert horizontal de gènes pourrait être nuisible pour l’environnement, contre 35% d'opinions opposées. Au final 57% des Européens jugent que la technique ne devrait pas être encouragée alors que 29% formulent une opinion contraire. Enfin, pour 83% des Européens, la vente des pommes obtenues à l'aide de cette technique devrait être encadrée par la mise en place d'un étiquetage spécifique.
La seconde méthode étudiée est le transfert vertical de gènes à partir de l’exemple de l'introduction dans le code génétique d'un pommier d'un gène existant à l’état naturel dans les pommes sauvages. Les Européens sont plus favorables à cette seconde technique, puisque 63% d'entre eux considèrent qu'elle sera utile, tandis que 25% expriment l’opinion inverse. Quant aux risques pour l'environnement, la perception des citoyens européens est plus favorable avec une moitié de l'échantillon qui indique ne pas avoir de craintes à ce sujet, contre un tiers ayant un avis inverse. Ainsi, 47% des Européens pensent que la technique doit être encouragée et 38% s'y opposent. Reste que 72% des Européens pensent qu’un étiquetage spécial est indispensable lors de la vente des produits obtenus à l'aide de cette méthode.
Les Européens favorables aux agrocaburants
Les Européens ont aussi été interrogés au sujet des agrocarburants. De façon générale, 72% des Européens considèrent que la production devrait être encouragée, alors que 20% s'y opposent. S'agissant des "biocarburants durables" le taux de réponses positives monte à 83%. Les réponses favorables dominent pour les deux questions posées et cela dans l'ensemble des pays étudiés à l'exception notable de la Turquie. En effet, à la première question générale, alors que toutes les opinions publiques sont favorables, avec des taux compris entre 64% et 88%, les Turques ne sont que 33% à soutenir ce point de vue. La Suisse (53% d'opinions favorables aux agrocarburants) et Malte (46%) sont les deux autres pays avec des résultats similaires. Quant aux résultats relatifs aux "biocarburants durables" tous les pays affichent des opinions positives comprises entre 71% et 96% alors que le taux chute à 38% en Turquie. L'étude ne développe pas plus le thème, contrairement aux autres sujets abordés.
La partie de l'Eurobaromètre consacrée aux nanotechnologies estime que "l’opinion publique est […] considérée comme le premier obstacle à surmonter [et] l’avenir de cette science dépend en grande partie de son acceptation par l’opinion publique." En la matière, il apparaît que 54% des Européens interrogés n'ont jamais entendu parler des nanotechnologies. Cependant, il ressort que les Européens ne sont pas critiques à l’égard des nanotechnologies. En effet, ils sont 40% à dire qu’elles devraient être encouragées et seulement 25% à exprimer l’opinion opposée. Quant à la sécurité de ces technologies, 31% des répondants sont d’avis que les nanotechnologies sont sûres pour les générations futures et 29% expriment l’avis inverse. Par ailleurs, seules 27% des personnes interrogées jugent que les nanotechnologies sont sans danger pour leur santé, contre 33% d'opinions opposées. Les Français apparaissent dans le peloton de tête des habitants de l'UE qui considèrent que les nanotechnologies représentent un danger pour la santé (47%). Enfin, 23% des citoyens de l'UE considèrent que les nanotechnologies ne sont pas nuisibles pour l’environnement contre 33% d'entre eux qui expriment l’opinion inverse. Faut-il néanmoins encourager le développement des nanotechnologies ? Pour 40% des Européens, la réponse est "oui" contre 25% qui s'y opposent.
Autre sujet abordé, le clonage des animaux qui apparaît être un sujet relativement bien connu des Européens puisque 75% d'entre eux en ont entendu parler. Là aussi l'opposition des Européens au clonage domine puisque l’étude révèle que 57% des répondants estiment que le clonage des animaux destinés à la consommation n’est pas une bonne chose pour eux et leur famille, contre 27% seulement à affirmer l’inverse. De même, 77% des Européens jugent que le clonage des animaux destinés à la consommation n’est fondamentalement pas naturel, 70% pensent qu'il ne devrait pas être encouragé, 63% pense qu'il n'est pas une bonne chose pour la santé et 49% considèrent que le clonage est mauvais pour l'environnement (contre 23% d'avis opposés). Enfin, l'étude note que "les résultats montrent que les répondants qui ont entendu parler du clonage des animaux avant l’étude ont plus tendance à dire qu’il ne faut pas l’encourager que ceux qui n’en avaient pas entendu parler (respectivement 73% et 62%)."
Les Européens ne croient pas au progrès technique pour lutter contre les changements climatiques
L'étude s'intéresse aussi à l'opinion des Européens concernant la compétence de certaines professions sur les sujets liés aux biotechnologies. Il apparaît que les personnes interrogées ont un avis positif à l’égard des médecins (81%) suivis par les scientifiques universitaires (77%), les organisations de consommateurs (73%) et les groupes de défense de l’environnement qui mènent des campagnes sur ces sujets (66%). Seuls les chefs religieux ne recueillent pas une majorité d'opinions positives avec seulement 46% des Européens jugeant que leur opinion sur ces questions est utile à la société.
Enfin, l'étude s'achève sur le point de vue des Européens relatifs aux aspects plus larges des biotechnologies comme le rôle des gouvernements, l’impact sur les droits de l’homme, les bénéfices économiques et les effets de la technologie sur les changements climatiques. S'agissant de ce dernier thème, il apparaît que les Européens ne croient pas que les technologies pourront mettre fin aux changements climatiques (seulement 26% des personnes interrogées ont un avis contraire). À l'opposé, 64% des sondés considèrent "que pour mettre fin au changement climatique et au réchauffement mondial, il faudra repenser notre mode de vie, même si cela implique un ralentissement de la croissance." Ce point de vue est particulièrement dominant en Allemagne (80%) et en Finlande (83%) alors qu'à l'inverse 52% des Maltais croient aux vertus du progrès scientifique. En France, les opinions sont semblables au résultat européen global : 65% des Français privilégient les changements de comportement et 24% font confiance à la science. Quant à savoir si les Européens considèrent que leurs gouvernements appliqueront des politiques conformes à leur opinion personnelle, l’étude révèle que 46% des Européens sont optimistes, même si 36% soutiennent le contraire.
L'Eurobaromètre a été réalisé entre le 29 janvier et le 17 février 2010, par TNS Opinion & Social à la demande de la Commission européenne. Il couvre la population de 15 ans et plus issue des 27 Etats membres de l'UE ainsi que de Croatie et de Turquie, deux pays candidats à l’adhésion dans l’UE, et de Suisse, d’Islande et de Norvège. Les échantillons, représentant un total de plus de 26.000 personnes, ont été sélectionnés de façon aléatoire et les interviews ont été réalisées en face à face chez les répondants.