Près de 2.000 personnes se sont rassemblées ce dimanche 21 mai sur le site dit du Triangle de Gonesse, à une dizaine de kilomètres au nord-est de Paris. Une zone d'activités dont l'emprise globale portera sur 280 hectares de terres devrait voir le jour dans ce "triangle", qui jouxte la N104, sur le périmètre de la ville de Gonesse, dans le Val d'Oise, au coeur du territoire du Grand-Roissy et jusqu'en Seine-Saint Denis. Grenier à blé de la région parisienne, cette partie de la région francilienne fournit depuis des siècles des céréales et des produits du maraîchage aux Parisiens. En Ile-de-France, 2.000 hectares de terre agricole disparaissent chaque année. Ce phénomène d'urbanisation inquiète associations de riverains et écologistes.

Des élus divisés
Lancé en 2010, le projet est porté par Alliages & Territoires, filiale d'Immochan, branche immobilière du Groupe Auchan, et le groupe chinois Wanda Dalian spécialisé dans l'immobilier commercial et de divertissement. Ce parc de loisirs, qui a vocation à concurrencer Disneyland, associe des fonctions commerciales, culturelles, hôtelières et ludiques pour un coût estimé à 3,1 milliards d'euros financés sur fonds privés, dont 2,6 milliards à la charge du maître d'ouvrage. Il s'intègre à l'opération publique d'aménagement du Triangle de Gonesse, portée par l'Établissement public d'aménagement (EPA) Plaine de France. La phase de construction du projet se déroulerait à partir de 2019 pour une ouverture au public en 2024.
Si tant est que le projet voie jamais le jour. Les élus sont divisés. Le maire de Gonesse, Jean-Pierre Blazy (PS) et les élus locaux du Val d'Oise y sont plutôt favorables. Les élus de Seine-Saint Denis sont plutôt contre, comme le maire d'Aulnay-sous-Bois Bruno Beschizza (LR). Au Conseil régional d'Ile-de-France, la situation est tout aussi clivée au sein des élus des partis Les Républicains et socialistes, tandis que la conseillère régionale Chantal Jouanno (UDI) est contre.
Un choix de société
Le débat public, qui s'est déroulé du 15 mars au 13 juillet 2016, a émis des conclusions mitigées, concluant que le projet EuropaCity mettait les décideurs face à un choix de société : "Le débat autour du projet EuropaCity a été le cadre de confrontations dont la portée allait au-delà du projet. Il a mis face à face deux visions de la société aux antipodes l'une de l'autre : en forçant un peu le trait, d'un côté une société qui s'affranchirait de la course à la consommation pour aller vers davantage de sobriété et s'engagerait vers une transition écologique et énergétique, de l'autre une société attachée aux modes de vie urbains ou aspirant à y avoir accès, mais taraudée par le chômage, et pour laquelle seul un modèle plus classique de croissance et de développement économique permet d'apporter des solutions durables".
Le corridor aéroportuaire Le Bourget-Roissy est sommé de relever les défis majeurs de l'organisation de la porte d'entrée internationale du Grand Paris, souligne un rapport de l'Autorité environnementale publié en mai 2016. "Ce territoire est à la fois un des tout premiers de la région capitale par son potentiel de développement économique, autour du levier que constituent les deux aéroports, et un des plus gravement touchés par les problèmes sociaux et environnementaux (pauvreté, chômage, morcellement par les infrastructures, nuisances sonores). Les projets privés ou publics, à des degrés variables de maturation, s'y multiplient dans un contexte d'organisation territoriale et d'ingénierie opérationnelle très fragmentées, conduisant à un urbanisme "par plaques" indépendantes auquel ne déroge pas le projet EuropaCity."
Dans la version optimiste vantée par les opérateurs, le projet connaîtra un rayonnement international dès l'ouverture : 25 millions de visiteurs franciliens et 6 millions de touristes extérieurs à l'Ile-de-France par an. Le site accueillerait 11.000 emplois nets (8.000 selon d'autres experts) et 500 enseignes y seraient déployées. La clientèle asiatique et notamment chinoise y serait très présente et apporterait une forte capacité d'achat.
Cinq euros le mètre carré de terre fertile
Pour les opposants, EuropaCity relève d'un modèle de développement obsolète et inconséquent en regard des générations futures qui seront ainsi privées de terres fertiles alors que la sécurité alimentaire de la planète pourrait devenir plus chaotique en raison de la modification du climat. Madrid n'a pas voulu du projet, et d'autres grandes villes européennes telles que Barcelone, Milan, Berlin ou Amsterdam donnent la priorité à l'agriculture périurbaine en freinant la construction de centres commerciaux. Aux Etats-Unis, nombre de ces galeries marchandes sont tombées en déshérence.
L'objectif poursuivi par EuropaCity est l'ouverture en 2024 d'une première tranche. Pour l'heure, le Plan local d'urbanisme (PLU) de Gonesse est en révision et la Commission préfectorale, saisie pour avis consultatif, ainsi que les organisations agricoles n'y sont pas favorables. Prochaine étape : l'enquête publique concernant le projet EuropaCity et la désignation d'un commissaire enquêteur. Avec, à la clé, de gros enjeux financiers pour les opérateurs qui rachèteraient le mètre carré agricole pour la modique somme de cinq euros et en tireraient un bénéfice multiplié par 100 au bas mot.