Près de 32.500 bâtiments seraient affectés par des nuisances sonores nocturnes (supérieur à 68 dBA) dues aux trains de marchandises, selon un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
D'une façon générale, Réseau ferré de France (RFF) a évalué les points noirs du bruit (PNB) à 58.700 (jours et nuits confondus), dont 32.500 qualifiés de super PNB (seuil dépassé de jour et de nuit) et 9.050 d'hyper PNB (seuil de jour et de nuit dépassé de plus de 5dB). 41% des hyper points noirs du bruit se concentrent dans trois départements : la Seine-et-Marne, l'Essonne et les Yvelines. Parmi ces chiffres, la mission a considéré que le bruit ferroviaire nocturne était essentiellement dû au fret.
"Il faut cependant constater que les chiffres sont difficiles à obtenir et à analyser, faute d'une base de données nationale regroupant toutes les informations sur les points noirs du bruit et les cartes de bruit stratégiques et permettant de les synthétiser ou de les recouper, pointe-elle toutefois. Un tel travail est fait en tant que de besoin, mais mériterait d'être systématisé et tenu à jour ".
Les causes principales de ces nuisances pour fret selon le CGEDD seraient essentiellement dues aux irrégularités de la surface de roulement de la roue, générées par le freinage avec des semelles en fonte. Ces dernières équiperaient encore l'essentiel des wagons de fret : elles présentent en effet l'avantage de conjuguer un faible coût et un coefficient de frottement élevé, stable et constant avec la vitesse. L'écart de bruit entre une roue lisse et une roue usagée serait de l'ordre de 10 dB.
Equiper les trains de semelles de frein composites
Reprenant les résultats d'une étude européenne (Etude Stairrs) sur les moyens opérationnels pour réduire le bruit ferroviaire, la mission rappelle que la mesure la plus efficace consiste à réduire le bruit à la source en équipant les trains de semelles de frein composites et de les compléter d'absorbeurs de vibrations des rails, pour obtenir un niveau de protection plus élevé.
Ces semelles polissent en effet la roue lors du freinage. "Il est probable que des rails soumis à une circulation exclusivement composée de véhicules dotés de roues lisses, c'est-à-dire freinées par des semelles composites ou des freins à disque, resteront lisses plus longtemps, précise le rapport. La mission n'a pu accéder à des données, si elles existent, confirmant et quantifiant cet effet". Trop coûteux pour des wagons standard, les freins à disque ne sont mis en œuvre que sur des wagons spécifiques tel que ceux de l'autoroute ferroviaire (Modalhor).
Des systèmes d'absorption complémentaires seraient à l'étude comme les attaches élastiques du rail sur la traverse (pour éviter la transmission des vibrations au sol) et les amortisseurs de rail (bandes ou blocs composites caoutchouc/métal collés sur le flanc du rail).
"La recherche en matière de bruit engendré par le fret ferroviaire a été bien moins intense que pour les trains rapides, l'aérien ou le routier, et il reste encore des questions à approfondir", constate le rapport.
S'appuyant sur des simulations de RFF sur la vallée du Rhône, le CGEDD rappelle le coût moyen de protection d'un bâtiment PNB à 50.000 € et il souligne que le nombre de PNB à protéger serait divisé par près de sept si tous les trains de fret étaient intégralement composés de wagons équipés de semelles de frein composites.
La stratégie de réduction des nuisances choisie dépend toutefois fortement du contexte européen.
Vers une nouvelle stratégie européenne ?
Comme les domaines des transports et de l'environnement relèvent de compétences partagées entre les États membres et l'Union, cette dernière a en effet établi une politique de réduction des nuisances sonores liées au trafic du fret ferroviaire.
En outre, dans l'optique de présenter une nouvelle stratégie sur le bruit, la Commission européenne a proposé en consultation publique sept types de mesures pour ne pas rester sur le statu quo qui conduirait à attendre 2040 environ que les wagons bruyants (d'avant 2006/2008) soient mis au rebut.
Tout d'abord, elle suggérait le subventionnement du rééquipement des wagons avec des semelles composites. "Cette mesure accélère le rétrofit des wagons anciens non soumis à la spécification technique d'interopérabilité (STI) bruit, réagit le CGEDD. Elle a l'inconvénient de ne pas traiter la question de l'éventuel surcoût d'exploitation".
La Commission estimait qu'une tarification différentiée pour les péages d'infrastructure (NDTAC) pourrait être mis en œuvre en fonction du bruit émis par les wagons.
Elle proposait également qu'une interdiction des wagons bruyants soit arrêtée à partir d'une date fixée. Elle privilégierait une approche par corridor trans-européen (TEN-T). Elle souhaitait la limitation du bruit ferroviaire au voisinage des zones denses. La Commission a aussi soumis l'idée d'une Stratégie environnementale prenant en compte l'ensemble des sources de bruit. "L'ensemble des acteurs concernés lui préfèrent de loin une approche plus ciblée", note le CGEDD.
Enfin, elle préconisait une meilleure maintenance des voies. "Cette approche qui repose sur un meulage fin et régulier des rails est encore à l'état expérimental, ses effets sur la réduction du bruit ne sont pas clairs, mais elle pourrait accroître l'effet du changement des semelles", constate le CGEDD.