
Agriculteur bio membre de la Confédération paysanne
Actu-environnement : Dans une lettre ouverte à Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, vous dénonciez le 30 juillet dernier, les risques des variétés végétales tolérantes aux herbicides (VTH). Où en sont vos démarches ?
Guy Kastler : Les dernières rencontres avec le cabinet de Philippe Martin alors ministre de l'Ecologie ont eu lieu au début de l'année. Il étudiait la possibilité juridique de faire une mesure de suspension sur le colza tolérant aux herbicides. Depuis, nous n'avons pas de nouvelles : avec le changement de gouvernement, nous allons devoir attendre un peu avant de reprendre les discussions.
AE : Quelles autres VTH sont utilisées en France ? Disposez-vous de chiffres sur les surfaces cultivées de colza VTH ?
GK : Pour l'instant, il y a essentiellement du maïs, tournesol, colza VrTH. Nous n'avons pas réellement de chiffres sur la présence de colza VrTH. Un article paru dans Agrafil mentionne 15.000 hectares cultivés l'an dernier.
AE : Pourquoi le colza tolérant aux herbicides pose plus de problèmes que d'autres variétés tolérantes aux herbicides (VTH) ?
GK : Le colza se dissémine facilement autant par le pollen que par la graine. Comme il se ressème très facilement, il va devenir une mauvaise herbe dans les cultures suivantes.
Il pourra également se croiser avec des plantes sauvages, comme la ravenelle très présente sur les terres agricoles françaises, mais aussi avec des plantes cultivées d'autres espèces par exemple des plantes de la famille des choux, blettes etc. Les consommateurs ne sont pas forcément disposés à manger des choux tolérants aux herbicides.
La contamination par le colza VrTH d'autres plantes pourrait être irréversible. C'est la raison pour laquelle la France et l'Europe ont refusé sans aucune controverse la culture de tous les colzas OGM tolérants aux herbicides.
Le tournesol, qui n'est pas une plante originaire d'Europe, ne présente pas ces particularités.
Le maïs VrTH s'avère moins utilisé car c'est une plante facile à désherber de manière mécanique : en général, les agriculteurs appliquent un herbicide avant le semi et ensuite procèdent à un arrachage mécanique.
Le ministère est beaucoup plus sensible aux questions autour du colza VrTH qu'à celles du tournesol.
AE : Pourquoi le colza tolérant aux herbicides devient une mauvaise herbe dans les cultures suivantes ?
GK : Après la récolte de colza VrTH, rendu tolérant au même herbicide que le blé, près de 10% des graines restent dans le champ. Un pourcentage important de ces graines vont repousser dans mon champ l'année suivante.
Si je cultive du blé, je désherbe avec le même herbicide que le colza VrTH : alors que le colza non VrTH est normalement détruit par cet herbicide, les repousses de colza VrTH de ma culture précédente deviennent des mauvaises herbes tolérantes à mon herbicide.
AE : Quels sont les risques pour l'environnement ?
GK : Les repousses de colza deviendront des mauvaises herbes tolérantes aux herbicides et cette tolérance se transmettra à d'autres plantes cousines du colza comme la ravenelle.
De plus, ce colza est tolérant au même herbicide que celui utilisé pour le blé ou le tournesol : cultiver chaque année avec le même herbicide va favoriser l'apparition de résistances.
Cette pression provoquera des mutations d'autres mauvaises herbes qui deviendront, à leur tour, tolérantes. Plus il y aura de plantes tolérantes aux herbicides, plus il faudra en mettre ou utiliser des familles de produits beaucoup plus agressives.
AE : Qu'en est-il de la question des brevets en cas de contaminations de champs par des VTH ?
GK : Ces variétés sont brevetées : la tolérance à l'herbicide est un marqueur de la propriété intellectuelle y compris en cas de contamination. Il y a cependant eu une petite avancée dans la loi d'avenir agricole en première lecture au Parlement : en cas de présence fortuite d'une "information génétique brevetée", la protection du brevet ne s'applique pas : un agriculteur pourra vendre sa récolte contaminée. Par contre, il ne pourra pas l'utiliser comme semence, dans la mesure où dans ce cas la présence n'est plus fortuite mais volontaire.
Nous souhaitons que le ministre se positionne contre la culture du colza VrTH avant les prochains semis en août.