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ICPE et exploitant défaillant : quand enclencher la responsabilité du propriétaire du terrain ?

Le propriétaire d'un terrain où se trouvent des déchets issus de l'exploitation d'une ICPE n'est pas responsable de leur élimination au titre de sa responsabilité subsidiaire, si le producteur ou le détenteur des déchets est insolvable.

DROIT  |  Commentaire  |  Déchets  |  
Droit de l'Environnement N°317
Cet article a été publié dans Droit de l'Environnement N°317
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ICPE et exploitant défaillant : quand enclencher la responsabilité du propriétaire du terrain ?
Marie-Coline Giorno
Avocate of counsel, Green Law Avocats
   

Dans une décision remarquée, la cour administrative d'appel de Douai a retenu une approche restrictive de la responsabilité du propriétaire de déchets, considérant que cette responsabilité ne pouvait être recherchée en cas d'insolvabilité du producteur ou du détenteur des déchets.

En l'espèce, la société civile immobilière (SCI) OLC Activités est propriétaire d'un terrain qu'elle a loué à la société Greenpack, exploitant d'une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) qui rénovait des fûts de matières dangereuses. La société Greenpack a été mise en liquidation judiciaire. Compte tenu de l'impécuniosité de la liquidation, les opérations liées à la cessation d'activité du site n'ont été que partiellement réalisées. Des fûts contenant des matières dangereuses sont restés sur le site. L'exploitation défaillante de l'ICPE autorisait (1) , dès lors, l'application de la police des déchets.

Le préfet de la Seine-Maritime a mis en demeure le propriétaire du terrain d'éliminer les fûts contenant des produits dangereux. Cette mise en demeure n'ayant pas été suivie d'effet, le préfet lui a ordonné de consigner une somme correspondant au coût d'élimination de ces déchets. La SCI OLC Activités a demandé au tribunal administratif d'annuler cet arrêté de consignation mais ce dernier a rejeté sa demande.

En appel, la cour a fait droit à sa demande, réaffirmant strictement que la responsabilité du propriétaire était subsidiaire (I) et articulant de façon cohérente les deux polices qui étaient applicables (II).

I. La responsabilité subsidiaire du propriétaire : dès l'impécuniosité ou la disparition de l'exploitant ?

En matière de gestion des déchets, le producteur ou le détenteur des déchets est responsable (2) . S'il ne peut être identifié ou s'il est insolvable, l'État peut confier la gestion des déchets à l'Agence de la transition écologique (Ademe).

La jurisprudence a toutefois admis (3) la responsabilité du propriétaire négligent du terrain sur lequel les déchets sont entreposés. Il s'agit d'un régime de responsabilité subsidiaire et pour faute (4) . Le propriétaire n'est tenu de procéder à l'élimination des déchets abandonnés sur un terrain que dans l'hypothèse où le producteur ou tout autre détenteur de ces déchets est inconnu ou a disparu. La première condition réside donc dans « l'absence de responsable » de premier rang vers qui se tourner.

Le Conseil d'État a précisé (5) au fil de sa jurisprudence les conditions dans lesquelles le propriétaire d'un site industriel peut être tenu d'éliminer les déchets présents sur son site.

En l'espèce, la cour administrative d'appel de Douai s'inscrit résolument dans la lignée jurisprudentielle (6) de la Haute juridiction et réaffirme le caractère subsidiaire de la responsabilité du propriétaire du terrain sur lequel sont entreposés des déchets par rapport à celle du producteur ou du détenteur des déchets lorsque celui-ci est connu ou n'a pas disparu.

Le principe n'est donc pas novateur, c'est son application au cas d'espèce qui est intéressante.

Au cas présent, la difficulté résidait dans le fait que la société Greenpack était en cours de liquidation judiciaire. Elle était impécunieuse mais disposait encore de la personnalité morale. En première instance, le tribunal administratif avait considéré que le préfet avait en vain entrepris les démarches nécessaires pour rechercher sa responsabilité et que, par suite, il pouvait rechercher à titre subsidiaire la responsabilité du propriétaire du terrain. Ce raisonnement se calquait sur un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris (7) . Plus récemment, la cour administrative d'appel de Bordeaux avait, elle aussi, suivi implicitement (8) le même raisonnement.

S'écartant de ces précédents jurisprudentiels, la cour administrative d'appel de Douai a considéré qu'il « est constant que la clôture de la liquidation n'était pas intervenue à la date de la décision en litige (…). Le producteur de déchets (…) n'avait donc pas disparu à la date de la décision (…). La circonstance que ce producteur soit insolvable, si elle permettait à l'Etat de charger l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (…) ne l'autorisait pas à rechercher la responsabilité du propriétaire ».

La position de la cour rappelle un arrêt ancien (9) qui estimait que dès lors que la liquidation judiciaire du producteur de déchets n'était pas close, les propriétaires du terrain ne pouvaient lui être substitués comme destinataires des mesures de police. De plus, l'insolvabilité du responsable des déchets a été expressément envisagée par le code de l'environnement (10) et se distingue (11) de la disparition du responsable.

Tenir compte l'insolvabilité du producteur ou du détenteur de déchets reviendrait à ajouter une hypothèse à la position de la Haute juridiction. La cour n'a sans doute pas voulu s'y risquer.

II. Une articulation des polices au prix de l'inefficience

Pour mémoire, la police des ICPE et celle des déchets peuvent s'appliquer simultanément (12) sur un site industriel sur lequel des déchets ont été abandonnés. Néanmoins, la Haute juridiction a imposé avec rigueur (13) aux juridictions du fond le respect du dernier exploitant comme étant le débiteur de premier rang de l'obligation de remise en état ou, si celui-ci a disparu, de son ayant droit (14) . Ainsi, le propriétaire ne peut, « en sa seule qualité de propriétaire (15) », être tenu d'en assurer la remise en état.

En présence d'un dernier exploitant insolvable mais qui existait encore juridiquement, il était logique de considérer que le propriétaire du terrain, qui ne pouvait être inquiété sur le terrain de la police des ICPE, ne puisse voir sa responsabilité recherchée sur le terrain de la police des déchets.

Une autre solution, sur laquelle la cour n'a pas souhaité s'aventurer, aurait été de penser l'articulation des polices en prenant comme critère la solvabilité. Plus précisément, il aurait été envisageable que le producteur ou le détenteur des déchets insolvable puisse être immédiatement mis hors-jeu au profit du propriétaire négligent du terrain.

Bien que cette solution puisse encourager les exploitants à organiser leur insolvabilité pour échapper à leurs obligations, elle permettrait à l'autorité administrative d'identifier, dans tous les cas, un débiteur de l'obligation d'élimination des déchets et, par voie de conséquence, de ne pas retarder le retrait du déchet lorsqu'il est dangereux. Ce faisant, elle respecterait « 
l'interprétation finaliste (16) » de la police des déchets. Elle éviterait, en outre, les montages juridiques entre le propriétaire du terrain et l'exploitant qui sont souvent des personnes morales distinctes aux liens étroits.

Cette solution serait pragmatique car il n'y a aucune efficacité à continuer de faire peser une obligation de remise en état ou d'élimination de déchets sur un débiteur qui ne peut plus s'en acquitter ! De surcroît, elle serait plus conforme au principe du « pollueur payeur (17)  » et éviterait de mobiliser l'Ademe lorsqu'un propriétaire négligent peut être tenu pour responsable des opérations d'élimination de déchets. Reste enfin que cette solution permettrait d'escompter une prise en charge plus rapide des déchets par l'État !

À cet égard, il convient de rappeler que la mobilisation de l'Ademe est une simple faculté pour l'État. En pratique, avec la solution retenue par la cour, l'autorité de police risque d'adapter son calendrier en cas de liquidation judiciaire impécunieuse du producteur ou du détenteur des déchets et d'attendre la clôture de la liquidation pour pouvoir rechercher la responsabilité du propriétaire plutôt que de confier à l'Ademe la gestion des déchets. L'État, en souhaitant économiser des deniers publics, laisserait ainsi des déchets sur un site alors qu'ils auraient pu être enlevés plus tôt.

De plus, le Conseil d'État a admis (18) , en matière de police des sites et sols pollués, l'obligation pour l'État de faire usage de ses pouvoirs de police en menant notamment des opérations de dépollution du sol, en cas de « risque grave pour la santé, la sécurité et la salubrité publique ou pour l'environnement » lorsque le préfet « ne peut plus mettre en demeure l'ancien exploitant » notamment en raison de son insolvabilité. Sauf erreur de notre part, une telle obligation n'existe pas encore en matière de police des déchets.

D'aucun pourraient donc songer à repenser la hiérarchie (19) des responsables en matière de police des déchets …. Cela offrirait l'occasion de repenser l'intervention de l'Etat afin que celle-ci soit moins lointaine et incertaine lorsque la protection de l'environnement l'exige !

1. CE, 29 juin 2018, n° 400677, Akzo Nobel Ltd, Lebon T.2. C. env., art. L. 541-2 et L. 541-33. CE, 26 juill. 2011, n° 328651, Lebon T.4. CE, 1er mars 2013, n° 354188, Lebon T.5. CE, 25 sept. 2013, n° 358923, Lebon T. ; CE, 29 juin 2018, n° 400677, comm. D. Deharbe et Y. Borrel, Dr. Env. n° 270, sept. 2018, p. 301 ; CE, 24 oct. 2014, n° 361231, concl. X. de Lesquen, BDEI 20156. La Cour reprend le considérant de principe de la décision CE, 1er mars 2013, n° 354188, Lebon T.7. CAA Paris, 14 juin 2018, n° 17PA014058. CAA Bordeaux, 29 mai 2019, n° 17BX010409. CAA Lyon, 6 juill. 1999, n° 98LY0160910. C. env., art. L. 541-311. Voir en ce sens, C. env., art. L. 556-2 sur la police des sites et sols pollués12. CE, 29 juin 2018, n° 400677, Akzo Nobel Ltd, Lebon T. ; AJDA 2018, p. 1358, Dr. env., n° 270, sept. 2018, pp. 301 à 305, obs. D. Deharbe et Y. Borrel13. CE, 11 avr. 1986, n° 62234, Société des produits chimiques Ugine-Kuhlman ; CE, 20 mars 1991, n° 83776, SARL Rodanet ; CE, 8 sept. 1997, n° 121904, Serachrom ; CE, 3 déc. 2003, n° 236901, Société Podelval les innovations mécaniques14. CE, 8 juill. 2005, n° 247976, Société Alussuisse Lonza France, M. Guyomar, BDEI 2005, n° 4, p. 15-1815. CE, 21 févr. 1997, n° 160250, société civile immobilière « Les Peupliers », Lebon T. ; RJE 1997, p. 582 ; Dr. env. avr. 1997, p. 5, note E. Carlier ; CE, 27 févr. 1997, n° 160787, SA Wattelez16. Concl. M. Guyomar sous CE, 26 juill. 2011, n° 32865117. Charte de l'environnement, art. 4 ; C. env., art. L. 110-1 II, 3°18. CE, 13 nov. 2019,n° 416860, Commune de Marenne : Lebon19. Concl. X. de Lesquen sous CE, 1er mars 2013, n° 354188

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