Il existe, pour la population Corse, "un sur-risque de pathologies thyroïdiennes spécifique en fonction des pathologies et du sexe associé à l'exposition au nuage de Tchernobyl". Telle est la principale conclusion de l'enquête épidémiologique rétroactive concernant les conséquences du nuage de Tchernobyl sur les populations de Corse (1) réalisée par l'équipe du professeur Paolo Cremonesi, de l'Unité médicale universitaire de Gênes (Italie). Son équipe avait emporté un appel d'offres lancé en 2011 par la collectivité territoriale Corse.
L'étude a passé en revue quelque 14.000 dossiers médicaux. Il s'agit là d'"un volume considérable d'informations", estime la collectivité territoriale Corse, ajoutant que c'est la "seule méthode pour obtenir des certitudes, alors même qu'en plus de trois ans, deux médecins experts, missionnés par la Justice, n'avaient pu examiner que 2.096 de ces mêmes dossiers".
Par ailleurs, l'étude devrait "réintroduire le souci fondamental du respect de l'humain dans la technologie, en termes de réparation comme de prévention", estime la collectivité, sous-entendant qu'il pourrait y avoir matière à réparation du préjudice.
Les hommes plus touchés que les femmes
Concrètement, l'étude pointe l'"existence d'un sur-risque significatif chez les hommes exposés au nuage pour les pathologies suivantes : thyroïdites +78,28% [par rapport aux homme n'ayant pas été exposés, c'est-à-dire avant le passage du nuage en 1986], nodules bénins + 64,51%, hyperthyroïdisme +103,21% [et] cancers de la thyroïde + 28,29%".
Pour les femmes, ce sur-risque représente une hausse de 55,33% dans la population exposée au nuage. Néanmoins, "pour les autres pathologies thyroïdiennes, nous n'avons pas observé de sur-risques significatifs chez les femmes exposées par rapport aux femmes non exposées au nuage", notent les chercheurs.
Quant aux enfants, "le risque de thyroïdite chez les moins de 18 ans vivant en Corse et exposés au nuage de Tchernobyl est augmenté de 62,5% par rapport aux enfants n'ayant pas été exposés", indique l'étude.
Reconnaissance officielle du préjudice ?
Après avoir pris connaissance de cette étude, la collectivité territoriale de Corse a publié les conclusions de sa commission sur les retombées de Tchernobyl en Corse (2) . Selon le document de neuf pages, l'étude italienne "est la seule étude pouvant se prévaloir, à ce jour, en Europe de l'Ouest, d'un rapport de prévalence incontestable sur une population donnée".
Par ailleurs, les conclusions insistent sur "le manque de réactivité des autorités compétentes" lors du passage du nuage de Tchernobyl, soulignant que ce manque de réactivité "a été dans les suites immédiates un mensonge d'Etat". De même, la commission déplore "l'absence de données précises indiquant la réalité de cette contamination, les carences enfin - pour ne pas dire plus - des enquêtes effectuées par les organismes officiels [qui ont créé] une situation délétère de confusion et polémiques".
"Parce que cette enquête va pouvoir apporter des réponses précises et je l'espère incontestables ; parce qu'elle sera de nature à favoriser la reconnaissance officielle des préjudices subis dans leur chair par des hommes, des femmes et des enfants ; parce qu'elle contribuera ainsi à renforcer le lien de confiance entre la population et les acteurs de la santé mais aussi envers les élus que nous sommes, j'ai le sentiment sincère que nous avons fait, ici à la collectivité territoriale de Corse, une œuvre utile", estime Josette Risterucci, présidente de la commission.